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ne put s'avancer au-delà : il n'y avait plus dans cette longue péninsule un seul point qui offrît la moindre résistance; l'invasion était complète; mais, ainsi que le disait le général Reynier dans ses rapports, malgré la soumission de ces provinces que les princes napolitains n'avaient pu faire insurger, si l'on n'employait de nouvelles forces pour retablir la communication, il fallait considérer ce pays comme entièrement fermé.

Napoléon s'était flatté qu'on trouverait dans les ports du royaume de Naples des moyens d'embarquement suffisans pour jeter un corps d'armée en Sicile; et que si l'on profitait des premiers momens de terreur, on préviendrait les secours des Anglais, et qu'on pourrait achever la conquête des deux royaumes. Le prince Joseph, qui voyait de plus près les difficultés et ne pouvait partager ces espérances, résolut d'aller reconnaître les localités, et de s'assurer par luimême de la possibilité d'une si audacieuse entreprise. Le général Reynier lui écrivait : « J'ai pénétré jusqu'à Reggio, et je n'ai rien

<< trouvé dans cette place; les Anglais ont << tout emporté en Sicile; canons, poudre, <«<< munitions, armes, vaisseaux, tout est en «< leur pouvoir. On ne voit pas sur la côte « une barque de pêcheur : ainsi il est impos«sible de rien tenter en ce moment contre <«<< la Sicile. Il faudra construire des barques, (( des bâtimens de guerre propres à cette ex«< pédition, et l'on ne peut, avant un mois, «< penser à se mettre en mouvement. >>

Le prince Joseph avait annoncé qu'il allait visiter les Calabres et se rendre au corps d'armée du général Reynier. Malgré les obsta cles que l'on pouvait prévoir, il persista dans son dessein, et partit de Naples le 3 avril, avec une forte escorte composée de quatre compagnies de grenadiers et de voltigeurs, et d'un détachement de chasseurs à cheval sous les ordres de son capitaine des gardes le général Saligny. Nous ne retraçons ici que fort rapidement le cours de ce voyage, et seulement les objets qui ont quelque rapport avec la situation générale des affaires. Nous avons conservé dans une note des détails plus cir

constanciés; ils nous ont été confiés par l'une des personnes qui accompagnaient le prince Joseph dans cette reconnaissance, et présentent sur ce pays peu connu et sur les mœurs de ses habitans, des vues intéres

santes.

Le prince Joseph arriva le 7 avril à Lagonegro, où finit la route praticable pour les voitures; il poursuivit sa marche par LoriaCastelluci et la Rotunda: il reconnut le lendemain la position de Campo-Tenese, franchit le col de ce nom, l'un des points les plus élevés de la chaîne des Apennins, s'arrêta quelques instans à Morans, à Castrovillari, et arriva le 11 à Cosenza, capitale de la Calabre citérieure, située au confluent du Bufento et du Crati, au pied du MontSila, dernier contrefort des Apennins du côté du nord.

Si l'on devait se fier au bon accueil que font à l'étranger vainqueur les peuples dès long-temps courbés sous le double joug du pouvoir absolu et du fanatisme religieux, on aurait pu croire à la sincérité des démon

strations des Calabrois envers le prince Joseph; on n'aurait pu douter ni de leur entière soumission, ni de leur désaffection de leurs anciens maîtres pour la cause desquels ils avaient, disaient-ils, refusé de prendre les armes. Tous les habitans des villages hommes, femmes, enfans, conduits par leurs pasteurs, accouraient au-devant du prince, se précipitaient sur ses pas, adressaient au ciel de ferventes prières. Son entrée dans Cosenza fut une espèce de fête; toute la population des environs s'y était rassemblée; la ville retentit d'acclamations, et cependant, peu de temps après, ce même peuple s'insurgea contre les Français, et pour réduire ces féroces montagnards, il fallut verser plus de sang que n'en avait coûté la conquête.

Après un court séjour à Cosenza, Joseph continua sa route; il franchit les hautes montagnes de la Sila, dont les forêts sont le refuge ordinaire des brigands; il traversa plusieurs villages, véritables repaires qui avaient été livrés aux flammes au milieu

de leurs ruines, une foule de malheureux, couronnés d'épines et tout ensanglantés, se prosternaient aux pieds du prince, se frappaient la poitrine, et imploraient leur pardon.

Le 13 avril, en arrivant au bourg de Scigliano, chef-lieu de cette âpre et sauvage contrée, le prince Joseph reçut par un courrier parti de Paris le 1er avril, le décret qui le déclarait roi des Deux-Siciles, et conférait au prince Murat la souveraineté du duché de Clèves et de Berg et au maréchal Berthier la principauté de Neufchátel. Le prince Joseph, en montant sur le trône de Naples, conservait le titre de grand-électeur, et ses droits à la couronne de France; mais les deux couronnes ne devaient jamais être réunies le duché de Venise était définitivement réuni au royaume d'Italie, et le fils aîné du roi d'Italie devait prendre le nom de duc de Venise; enfin l'empereur Napoléon se réservait en Italie douze duchés, dont six dans le royaume de Naples, et nommait les titulaires.

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