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demeureront en leur force et vertu '. » Malgré cette assurance, les créanciers formèrent opposition. Les choses traînèrent fort en longueur; mais de Thou ne se décourageait point; en mars 1597, il fit nommer trois commissaires: Pellerin, Lassilé et François Pithou, qui furent chargés de dresser un nouvel inventaire, et d'estimer la collection; ils déclarèrent qu'elle valait cinq mille quatre cents écus, « encores, ajoutaient-ils, qu'elle ne se puisse assez estimer, tant pour la rareté et bonté des ditz livres, qui ne ce pourroient trouver ailleurs, que pour estre une bonne partie d'iceulz non imprimez, et les ditz livres originaux et non copies, digues d'estre reservez en France pour la postérité, conservation des bonnes lettres et pour l'honneur du royaulme; et impossibilité de pouvoir colliger et assembler à présent une telle bibliotheque pour quel que prix et en quelque pays que ce soit. » L'estimation avait donc évidemment été fixée surtout en vue de l'acquisition que méditait le roi. Aussi, de nouvelles difficultés surgirent, et le 4 novembre 1598, Henri IV mandait encore à de Thou: « Je vous ay cy-devant escript pour retirer des mains du nepveu du feu sr. abbé de Bellebranche la librairie de la feue Roine mère du Roy mon seigneur ; ce que je vous prie et commande encores un coup de faire, si jà ne l'aviez faict, comme estant chose que je desire, affectionne et veulx, affin que rien ne s'en es gare, et que vous la faciés mettre avec la mienne. Adieu. >>

Benciveni venait, en effet, de mourir le procureur général en avertit le parlement, qui déclara qu'il ne regardait plus les volumes comme en sûreté, et rendit (25 janvier 1599) un arrêt ordonnant que « pour la conservation des droits de qui il appartiendrait, a cette bibliothèque

'Félibien, Histoire de Paris, t. II, p. 1239, et t. V, p. 25.

2 Publiés.

3. Nous soulzsignez, commis et nommez pour la prisée et évaluation de la bibliothèque et livres hébreux, arabes, grecs, latins, françois et italiens qui ont appartenu à la reine-mère deffuncte Catherine de Méd cis crtitions à tous ceux qu'il appartiendra avoir veu, visi é, feuillete ensemblement au logis du sieur bbé de Beliebranche, tous et ung chacun les volumes, livres, papiers, desquelz le catalogue et indice est cy-dessus transcript, qui sont pour la plupart grecz, escriptz à la main, antiens, et nous ont esté representez par ledict sieur abbé, et que tous les ditz livres, volumes, papiers à nous representez vallent bien, argent contant, cinq mil quatre cens escus, encores ... Faict ce xxa mars mil cinq cens quatre-vingiz dix sept. »

Bibliotheque impériale, manuscrits, fonds de Dupuy, no 407;-- de Thou, Historiarum sui temporis, lib xCIV, p. 387; Berger de Xivrey, Recueil des lettres missives de Henri IV, t. V, p. 62.

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seroit mise au college de Clermont, où estoit déjà celle du roi1; mais à part, et sans être confondue avec celle-ci, et confiée à Gosselin, garde de la librairie du roi, qui s'en chargeroit sur l'inventaire qui en avoit été fait ci-devant, et qui seroit vérifié en présence du procureur général et du scyndic des créanciers. Pierre Dominique Benciveni, neveu de l'abbé de Bellebranche, fit encore quelque résistance; il fallut un nouvel arrêt pour le déterminer à céder. Le 30 avril, le conseiller Denis de Hère, délégué à cet effet, se fit représenter tous les volumes provenant de la succession de Catherine de Médicis 3, et surveilla leur transport au collège de Clermont, où ils furent placés, sous la garde de Gosselin, dans une salle contigue à celle qui renfermait la bibliothèque du roi*.

Ces huit cents volumes que Pithou avait estimé 5,400 écus, et dont M. Le Roux de Lincy a publié le curieux inventaire 3, se vendraient aujourd'hui des centaines de mille francs; on y remarquait presque toutes les éditions princeps des classiques grecs et latins, de nombreux ouvrages sur l'astrologie, des romans de chevalerie, des mystères, des traités spéciaux devenus à peu près introuvables. Il y avait aussi un grand nombre d'ouvrages imprimés sur vélin : la fameuse Bible historiale, de Guyot des Moulins; la Cité de Dieu, de saint Augustin, édition d'Abbeville, 1488; la Légende dorée, de 1493; l'Arbre des ba tailles, 1493.

Maichelius se trompe quand il avance que multi ex illis libris in pulcherrimo maroquano ligati erant; ils furent, en effet, reliés magnifiquement, mais plus tard, et même, dit-on, du produit d'une rente qui appartenait aux jésuites, et que le roi toucha pendant tout le temps que dura leur expulsion 7. A l'époque de la mort de Catherine, un petit nombre seulement de volumes étaient reliés, et quelques-uns portaient le curieux emblème qu'elle avait adopté depuis la mort de Henri II : une montagne de chaux vive sur laquelle tombent des

1 La bibliothèque du roi avait été transportée de Fontainebleau au collége de Clermont en vertu de lettres patentes du 44 mai 1494, qui ne purent du reste recevoir leur exécution qu'en mai 4595.

'Félibien, Histoire de Paris, t. II, p. 4252, et t. V, p. 38.

Voyez Inventaire de la bibliothèque de Catherine de Médicis, fait en 1599. Bibliothèque impériale, fonds de Baluze, no 40010o.

Leprince, Essai historique sur la bibliothèque du roi, p. 38.

• Bulletin du Bibliophile, année 1858, p. 926.

Maichelius, Introductio ad historiam librariam, p. 13.

7 L. Jacob, Traicté des bibliothèques, p. 462.

larmes, et comme devise ces mots : Ardorem extincta testantur vivere

flamma1.

Alfred FRANKLIN,

de la bibliothèque Mazarine.

HISTOIRE GÉNÉRALE DE PARIS,

Collection de documents, fondée avec l'approbation de l'Empereur par M. le baron HAUSSMANN, Sénateur, préfet de la Seine, et publiée sous les auspices du Conseil municipal1. (A Paris, chez Aug. Aubry.)

Cette belle publication, qui commence aujourd'hui par un volume d'Introduction, le premier volume de l'Histoire topographique du vieux Paris et deux planches de l'atlas qui en sont le complément, rappelle une autre collection qui a été d'un grand secours pour le développement des études historiques en France; nous voulons parler des Documents inédits dont M. Guizot á été le promoteur, et qui se continuent encore de nos jours, grâce à la protection éclairée de ses successeurs et des comités fondés au ministère de l'Instruction publique.

Plus restreinte, si on la considère dans son but, l'œuvré de l'Adrhinistration municipale n'est pas moins vaste, puisqu'elle embrasse l'histoire de Paris, c'est-à-dire l'histoire de la France politique, artis tique et militaire, à laquelle elle se trouve intimement liée. Car, n'en déplaise aux amateurs exagérés de la décentralisation, la France, cette contrée déjà privilégiée sous le rapport physique, n'est devenue ce qu'elle est, qu'à la condition d'être une, grande et forte; et cette force, cette grandeur, cette unité, elle l'a trouvée dès le moment où Paris a été sa capitale, parce que Paris, par sa position, ses ressources, son industrie, son dévouement au pays, répondait à toutes les exigences. Quoi qu'on en pense et qu'on en dise, Paris, abstraction faite des questions de clocher ou de drapeau, a été et est encore le centre de là France, c'èst de cette ville comme du cœur, que partent ces géné-,

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to Introduction de 224 pages en 4 vol. in-, cartonné;

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20 Topographie historique du vieux Paris, par Adolphe BERTY (Région du Louvre et des Tuileries), Lvm et 336 pages, avec 22 planches, en 4 vol. in 4, cartonné;

30 Deux feuilles de plans, format grand in-fol. en portefeuille.

Prix papier ordinaire, 75 fr.; papier vergé, 100 fr.

reuses impulsions qui font rayonner la vie jusqu'aux extrémités du pays, en réglant, sans l'entraver, l'autonomie de chaque partie de ce grand tout, qui a nom la Patrie, la France.

Aujourd'hui que le temps est passé où l'on faisait l'histoire, en copiant ses devanciers, méthode facile, il est vrai, mais peu scientifique, capable tout au plus de satisfaire la vanité de certains individus, mais dont heureusement on ne se contente plus, nous ne possédons que peu d'historiens consciencieux de la grande ville. Leurs travaux sont encore estimés; car les documents qu'ils avaient à leur disposition ont été en grand nombre dispersés, quand ils ne sont pas détruits: nouvel embarras pour ceux qui maintenant veulent remonter aux sources; car ce que l'on veut maintenant, ce sont des faits, non des phrases; ce que l'on exige, ce sont des preuves, non de l'imagination. Il faut donc étudier les sources, les compulser, les analyser et, quand elles offrent des lacunes, savoir tirer des déductions dont les découvertes ultérieures viendront démontrer la justesse, l'exactitude. Tous les jours ne voit-on pas un monument ou un fait venir confirmer les données de la science historique moderne basées sur la logique et l'expérience?

Ce n'est pas d'aujourd'hui seulement que Paris a songé à écrire son histoire les preuves en sont à chaque page du volume de l'Introduction, sous le titre de Précédents historiques. Dans notre siècle violemment séparé des traditions du passé par les événements de la Révolu tion française, après la dispersion des archives qui permettaient d'étudier l'histoire dans les sources, une telle œuvre était sinon indispensable, au moins nécessaire pour expliquer le passé, comprendre le présent et éclairer l'avenir. De tout temps, ou peut s'en convaincre en parcourant ce volume, l'Administration municipale a été jalouse de conserver ses traditions glorieuses et de les transmettre à ses successeurs, aussi bien au moyen àge qu'au siècle dernier. L'administration actuelle n'a fait que reprendre les anciennes traditions; si, dans les premières années du siècle, elle dut se borner à réparer, avec le calme, le goût des études historiques se développa et permit de songer à l'accomplissement de ce projet. « La Ville de Paris ne doit rien dédaigner, rien oublier de son passé, disait M. Haussmann dans la séance du Conseil municipal du 8 novembre 1860; il serait digne de la Ville de recueillir, de coordonner tous les titres de son histoire et de reprendre sur ce point la tradition du passé. De tous les monuments à terminer ou à construire, ce ne serait ni le moins utile, ni le moins durable. >>

Cinq années d'études préliminaires se sont écoulées depuis; et il

en est résulté ce grand enseignement, que la Ville pouvait entreprendre son œuvre, et, en favorisant les efforts des individus, devait les diriger, les ramener à son plan, celui de former une collection composée d'œuvres sérieuses, étudiées aux sources, dignes du sujet, des suffrages du monde savant, des édiles et de la haute approbation du Souverain, écrivain lui-même et historien. Il ne peut être question ici de noms propres, à chacun sa responsabilité; l'œuvre se continuera, les collaborateurs seuls changeront. Le cadre tracé par M. le Préfet de la Seine se remplira ainsi d'année en année; ainsi s'élèvera, assise par assise, ce monument au fronton duquel l'Édilité parisienne inscrit aujourd'hui ces mots :

HISTOIRE GÉNÉRALE DE PARIS.

Après le volume d'Introduction, celui qui a été appelé à inaugurer la collection des documents est la Topographie historique du vieux Paris, fruit de longues et laborieuses recherches: ce qui serait peu dire; mais en faisant connaître les procédés de l'auteur, nous ferons mieux apprécier son travail. Pour reconstituer une topographie du vieux Paris, on n'avait jusqu'à ce jour, comme guides, que des plans insuffisants ou inexacts, des compilations sans critique, tout au plus cinq ou six auteurs accrédités, mais dans lesquels encore on trouve des fautes matérielles.

Restaient à dépouiller les archives, qui renferment des matériaux précieux; mais on se souciait peu d'entreprendre le déchiffrement d'une telle quantité de pièces manuscrites, aussi difficiles à lire qu'à comprendre, et qu'il eut ensuite fallu traduire graphiquement; de plus, il fallait joindre dans une certaine mesure l'expérience du paléographe à celle de l'architecte archéologue, pour jeter un nouveau jour sur la topographie du vieux Paris. L'étude des sources n'était que la préparation du travail de restitution: en prenant les maisons par groupes ou ilots, en leur appliquant un principe dont l'auteur a su tirer un parti admirable, enfin en ajoutant au plan les indications fournies par les archives, il est arrivé à des résultats étonnants. Ce principe consiste eu ce que les murs mitoyens latéraux n'étaient autrefois presque jamais déplacés. L'espace manque pour énumérer toutes les conclusions que M. Berty a su en tirer, aidé des procédés que lui a suggérés l'expérience: il faut les lire dans la préface très-étendue qui est en tête du volume. Les restitutions opérées, dont l'exactitude a été souvent confirmée, sont établies avec une probabilité tout à fait scientifique. Ajoutons avec l'auteur, qu'exposer les procédés d'exécution de ce travail, c'est en faire comprendre les prodigieuses difficultés.

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