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Se repofe fur lui du foin de votre vie !

Par quel charme, oubliant tant de tourmens foufferts,
Pouvez-vous confentir à rentrer dans les fers?
l'enfez-vous qu'Hermione, à Sparte inexorable,
Vous prépare en Épire un fort plus favorable?
Honteux d'avoir pouffé tant de vœux fuperflus,
Vous l'abhorriez. Enfin, vous ne m'en parliez plus.
Vous me trompiez, Seigneur.

ORESTE.

Je me trompois moi-même.

Ami, n'accable point un malheureux qui t'aime.
T'ai-je jamais caché mon cœur & mes défirs?
Tu vis naître ma flamme & mes premiers foupirs.
Enfin, quand Ménélas disposa de sa fille

En faveur de Pyrrhus, vengeur de fa famille,

Tu vis mon défespoir ; & tu m'as vu depuis

Traîner, de mers en mers, ma chaîne & mes ennuis,
Je te vis à regret, en cet état funeste,

Prêt à fuivre, par-tour, le déplorable Oreste ;
Toujours de ma fureur interrompre le cours,
Et de moi-même, enfin, me fauver tous les jours.
Mais quand je me fouvins que, parmi tant d'allarmes,
Hermione à Pyrrhus prodiguoit tous fes charmes :
Tu fais de quel courroux mon cœur alors épris,
Voulut, en l'oubliant, punir tous les mépris.
Je fis croire, & je crus ma victoire certaine.

>

Je pris tous mes transports pour des transports de haines
Détestant ses rigueurs, rabaissant ses attraits
Je défiois les yeux de me troubler jamais.
Voilà comme je crus étouffer ma tendreffe.
En ce calme trompeur j'arrivai dans la Grèce ;
Et je trouvai d'abord fes Princes raffemblés,
Qu'un péril affez grand fembloit avoir troublés.
J'y courus. Je penfai que la guerre & la gloire
De foins plus importans rempliroient ma mémoire,
Que, mes fens reprenant leur première vigueur,
L'amour acheveroit de fortir de mon cœur.
Mais admire avec moi le fort, dont la pourfuite
Me fait courir alors au piége que j'évite.
J'entends de tous côtés qu'on menace Pyrrhus.
Toute la Grèce éclate en murmure confus.
On fe plaint, qu'oubliant son sang & sa promeffe,
Il élève en fa Cour l'ennemi de la Grèce,
Aftyanax, d'Hector jeune & malheureux fils,
Refte de tant de Rois fous Troye enfevelis.
J'apprends que, pour ravir fon enfance au fupplice,
Andromaque trompa l'ingénieux Ulyffe,

Tandis qu'un autre enfant, arraché de fes bras,
Sous le nom de fon fils, fut conduit au trépas.
On dit que, peu fenfible aux charmes d'Hermione,
Mon rival porte ailleurs fon coeur & fa Couronne.
Ménélas, fans le croire, en paroît affligé,
Et se plaint d'un hymen fi long-tems négligé.

Parmi les déplaifirs où son ame se noie,

Il s'élève en la mienne une fecrette joie.

Je triomphe, & pourtant je me flatte d'abord
Que la feule vengeance excite ce transport.

Mais l'ingratte en mon cœur reprit bientôt fa place ;
De mes feux mal éteints je reconnus la trace;
Je fentis que ma haine alloit finir fon cours,
Ou plutôt je fentis que je l'aimois toujours.
Ainfi de tous les Grecs je brigue le suffrage.
On m'envoie à Pyrrhus. J'entreprends ce voyage.
Je viens voir fi l'on peut arracher de fes bras
Cet enfant, dont la vie allarme tant d'Etats.
Heureux fi je pouvois dans l'ardeur qui me preffe,
Au lieu d'Aftyanax, lui ravir ma Princesse !
Car enfin, n'attends pas que mes feux redoublés
Des périls les plus grands puiffent être troublés.
Puifqu'après tant d'efforts ma réfiftance eft vaine,
Je me livre en aveugle au tranfport qui m'entraîne.
J'aime, je viens chercher Hermione en ces lieux,
La fléchir, l'enlever, ou mourir à ses yeux.
Toi, qui connois Pyrrhus, que penses tu qu'il faffe?
Dans la Cour, dans fon cœur, dis-moi ce qui se passe.
Mon Hermione encor le tient-elle affervi?

Me rendra-t-il, Pylade, un bien qu'il m'a ravi ?

PYLAD E.

Je vous abuferois, fi j'ofois vous promettre

Qu'entre vos mains, Seigneur, il voulût la remettre.
Non, que de fa conquête il paroiffe flatté :

> Pour la veuve d'Hector fes feux ont éclaté ;
Il l'aime. Mais enfin, cette veuve inhumaine
N'a payé jufqu'ici fon amour que de haine;
Et chaque jour encore on lui voit tout tenter,
Pour fléchir fá captive ou pour l'épouvanter.
De fon fils qu'il lui cache il menace la tête,
Et fait couler des pleurs qu'auffi-tôt il arrête.
Hermione elle-même a vu, plus de cent fois,
Cet amant irrité revenir fous fes loix ;

Et de fes vœux troublés lui rapportant l'hommage,
Soupirer à fes pieds, moins d'amour que de rage.
Ainfi, n'attendez pas que l'on puiffe, aujourd'hui,
Vous répondre d'un coeur fi peu maître de lui.
Il peut, Seigneur, il peut, dans ce défordre extrê.ne,
Époufer ce qu'il hait, & perdre ce qu'il aime.

OREST E.

Mais, dis-moi, de quel œil Hermione peut voir
Son hymen différé, fes charmes fans pouvoir?

PYLADE.

Hermione, Seigneur, au moins en apparence,
Semble de fon amant dédaigner l'inconstance,
Et croit que, trop heureux de fléchir fa rigueur,
Il la viendra preffer de reprendre fon cœur.
Mais je l'ai vue enfin me confier les larmes:

Elle pleure en fecret le mépris de fes charmes.
Toujours prête à partir, & demeurant toujours,
Quelquefois elle appelle Orefte à fon fecours.

ORESTE.

Ah, fi je le croyois, j'irois bientôt, Pylade,

Me jetter....

PYLAD E.

Achevez, Seigneur, votre ambaffade. Vous attendez le Roi. Parlez, & lui montrez Contre le fils d'Hector tous les Grecs conjurés. Loin de leur accorder ce fils de fa maitreffe, Leur haine ne fera qu'irriter fa tendreffe. Plus on les veut brouiller, plus on va les unir. Preffez. Demandez tout, pour ne rien obtenir. Il vient.

OREST E.

Hé bien, va donc difpofer la cruelle. A revoir un amant qui ne vient que pour elle

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