Imágenes de página
PDF
ePub

A le fauver enfin, c'est moi qui vous convie.
Faut-il que mes foupirs vous demandent fa vie !
Faut-il qu'en fa faveur j'embraffe vos genoux?
Pour la dernière fois, fauvez-le, fauvez-vous.

Je fais de quels fermens je romps pour vous les chaînes;
Combien je vais fur moi faire éclater de haines.
Je renvoie Hermione, & je mets fur fon front,
Au lieu de ma couronne un éternel affront,
Je vous conduis au Temple, où fon hymen s'apprête 3
Je vous ceins du bandeau préparé pour la tête.
Mais ce n'eft plus, Madame, une offre à dédaigner.
Je vous le dis, il faut ou périr, ou régner.
Mon coeur, défefpéré d'un an d'ingratitude,
Ne peut plus de fon fort fouffrir l'incertitude.
C'est craindre, menacer, & gémir trop long-tems.
Je meurs, fi je vous perds, mais je meurs, fi j'attends.
Songez-y, je vous laiffe ; & je viendrai vous prendre,
Pour vous mener au Temple,où ce fils doit m'attendres
Et là vous me verrez foumis, ou furieux,

Vous couronner, Madame, ou le perdre à vos yeux.

C4

C 4

SCENE VIII.

ANDROMA QUE, CEPHISE. CEPHIS E.

JE

E vous l'avois prédit, qu'en dépit de la Grèce, De votre fort encor vous seriez la maitresse.

ANDROMAQUE.

Hélas! de quel effet tes difcours font suivis ?
Il ne me reftoit plus qu'à condamner mon fils.
CÉPHISE.

Madame, à votre époux c'est être affez fidelle.
Trop de vertu pourroit vous rendre criminelle.
Lui-même il porteroit votre ame à la douceur.

ANDROMAQUE.

Quoi, je lui donnerois Pyrrhus pour fucceffeur ?
CEPHIS E.

Ainfi le veut fon fils que les Grecs vous ravissent.
Penfez-vous qu'après tout fes mânes en rougiffent?
Qu'il méprisât, Madame, un Roi victorieux,
Qui vous fait remonter au rang de vos ayeux ;
Qui foule aux pieds, pour vous, vos vainqueurs en colère,
Qui ne fe fouvient plus qu' Achille étoit son père;
Qui dément les exploits, & les rend fuperflus.

ANDROMAQUE.

Dois-je les oublier, s'il ne s'en fouvient plus ?
Dois-je oublier Hector privé de funérailles,
Et traîné, fans honneur, autour de nos murailles?
Dois-je oublier fon père à mes pieds renversé,
Enfanglantant l'autel qu'il tenoit embrassé?
Songe, fonge, Céphife, à cette nuit cruelle,
Qui fut pour tout un Peuple une nuit éternelle.
Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelans,
Entrant à la lueur de nos palais brûlans;
Sur tous mes frères morts fe faifant un paffage,
Et, de fang tout couvert, échauffant le carnage.
Songe aux cris des vainqueurs, fonge aux cris des mourans,
Dans la flamme étouffés, fous le fer expirans.
Peints-toi dans ces horreurs Andromaque éperdue.
Voilà comme Pyrrhus vint s'offrir à ma vue ;
Voilà par quels exploits il fçut fe couronner;
Enfin, voilà l'époux que tu me veux donner.
Non, je ne ferai point complice de ses crimes.
Qu'il nous prenne, s'il veut, pour dernieres victimes,

Tous mes reffentimens lui feroient afservis!:

CÉPHISE.

Hé bien, allons donc voir expirer votre fils.
On n'attend plus que vous. Vous frémiffez, Madame?

ANDROMA QUE.

Ah, de quel fouvenir viens-tu frapper mon ame!

Quoi, Céphise, j'irai voir expirer encor
Ce fils, ma feule joie, & l'image d'Hector?
Ce fils, que de fa flamme il me laiffa pour gage?
Hélas, il m'en fouvient! Le jour que fon courage,
Lui fit chercher Achille, ou plutôt le trépas.

Il demanda fon fils, & le prit dans fes bras :
Chère épouse, dit-il, en effuyant mes larmes,
J'ignore quel fuccès le fort garde à mes armes ;
Je te laiffe mon fils pour gage de ma foi ;
S'il me perd, je prétends qu'il me retrouve en toi.
Si d'un heureux hymen la mémoire t'est chère,
Montre au fils à quel point ta chériffois le père.
Et je puis voir répandre un fang fi précieux ?
Et je faiffe avec lui périr tous les ayeux ?
Roi barbare, faut-il que mon crime l'entraîne?
Si je te hais, eft-il coupable de ma haine ?
T'a-t-il de tous les fiens reproché le trépas ?

S'est-il plaint à tes yeux des maux qu'il ne sent pas ?
Mais cependant, mon fils, tu meurs, si je n'arrête
Le fer
le cruel tient levé fur ta tête.

que

Je l'en puis détourner, & je t'y vais offrir : -Non, tu ne mourras point, je ne le puis fouffrir. Allons trouver Pyrrhus. Mais non, chère Céphise, Vale trouver pour moi.

CÉPHISE..

Que faut il que je dife?

ANDROMA QUE.

Dis-lui que de mon fils l'amour eft affez fort.... Crois-tu que, dans fon cœur, il ait juré fa mort? L'amour peut-il fi loin pouffer fa barbarie?

CÉPHISE.

Madame, il va bientôt revenir en furie.

ANDROMAQUE.

Hé bien, va l'affurer....

CÉPHISE.

De quoi ? De votre foi?

זי

ANDROMA QUE,

Hélas! pour la promettre eft-elle encore à moi ! O cendres d'un époux ! O Troyens ! O mon père ! O mon fils, que tes jours coûtent cher à ta mère ! Allons.

CÉPHISE.

Où donc, Madame, & que réfolvez-vous ?

ANDROMAQUE.

Allons, fur fon tombeau, confulter mon époux.

Fin du troifiéme Acte.

C

« AnteriorContinuar »