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Mais voici venir le XIII siècle qui apporte avec lui une première renaissance de la sculpture; la gemme est sortie de sa gangue, elle brille de tout son éclat; de fruste et de matérielle, la sculpture est devenue idéaliste, et nous sommes complètement de l'avis de M. Emile Mâle, lorsqu'il dit : « Le XIIIe siècle (1) est sans doute le moment où l'art chrétien a exprimé avec le plus d'ampleur la pensée du Moyen-Age. » Et ce siècle si grand et si pur qui nous a donné le Christ, d'Amiens, et la Vierge avec le Buisson Ardent sous ses pieds, du Portail de Chartres, et les incomparables œuvres d'art de nos cathédrales qui sont des musées sans prix et des livres aux enseignements sans nombre, lorsque l'on sait les lire, va demeurer dans l'histoire comme une fraiche oasis entourée de désert.

La sculpture en général, au XIVe siècle subit une espèce d'ensommeillement et de régression toute relative, d'ailleurs. Autant les statues du siècle précédent étaient simples et naturelles, vêtues de draperies aux beaux plis verticaux, à peine cassés aux pieds, autant maintenant leur esthétique se complique de vêtements aux plis plus larges et plus nombreux, partant plus lourds, et dont semblent accablés ceux qui les portent. Puis, les figures perdent de leur immatérialité et de la vie spirituelle qui les animait; elles tendent donc à devenir plus réelles et à prendre de l'humanité, dont elles veulent être la représentation, un extérieur plus précis et, dirons-nous, plus grossier.

Mais ce XIV siècle montre, malgré l'évolution qui l'entraîne vers plus de vérité, des types qui participent de l'es

(1) Emile Mâle : L'art religieux en France au XIIIe siècle. Armand Colin, Paris 1910.

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thétique ancienne et du statut nouveau. Nous n'en voulons montrer qu'un exemple - bien qu'il ne s'agisse pas d'une œuvre bourguignoune en signalant l'exquise Vierge en bois de la collection Pierpont Morgan, pleine d'une grâce élégante, au fin sourire juvénile adressé à l'Enfant joueur qui, dans un geste de gaieté caline, caresse le menton de sa mère si jeune. Cette Vierge ne porte pas le vêtement classique; le voile court, en étoffe légère, tombe seulement au bas du cou, et laisse en liberté les cheveux qui entourent le visage; la robe au décolleté rond, dégage le cou et la poitrine, les manches plates enserrent les bras, et sous le droit, un peu de la robe longue est relevée de façon à lui faire former de beaux plis verticaux d'une rare souplesse. C'est en ces détails que se retrouve l'influence du XIIIe siècle encore tout proche et c'est dans la vérité de l'expression et des mouvements, dans le naturalisme, en un mot, que la conception artistique du XIVe siècle se révèle. Bien qu'il n'y ait aucune parenté d'art ni de région entre cette œuvre et la Vierge de la Chartreuse de Champmol, mais seulement proximité dans la date de leur création, le même souci de réaliser la vision que les deux artistes avaient sous les yeux, se manifeste singulièrement et les fait, l'une et l'autre, l'émanation d'une même époque, le début du XIV siècle.

Sur sa pente déclive la sculpture sera arrêtée un moment par Claus Sluter (1) qui fixa en Bourgogne un type de sculpture que l'on dénommera bourguignonne, dans la suite, parce que c'est à Dijon que l'on en vit les plus magnifiques spécimens et que les continuateurs et les imita

(1) Originaire de Hollande, la date de sa naissance est inconnue, il était déjà installé à Dijon le 1er mars 1385, il y mourut àgė, en janvier 1406.

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