Imágenes de página
PDF
ePub

Music

ML 410 .R17 L2 · 1919

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

Jean-Philippe Rameau n'était pas porté aux confidences: à côté de ses œuvres, éclatantes de franchise et d'audace, il sut toujours garder le secret de sa vie, obscure, solitaire, impénétrable. Aussi, lorsqu'il mourut, ses panégyristes se trouvèrent-ils fort embarrassés : tout ce qu'on savait de lui se réduisait à peu près aux dates des premières représentations de ses opéras, ballets, divertissements et pastorales. Mais Rameau avait cinquante ans lorsqu'il commença d'écrire pour le théâtre. Comment avaitil vécu jusque-là ? Lui seul eût pu le dire, et il s'en était bien gardé. « L'ignorance absolue où l'on est de tous les événements de sa vie pendant près de cinquante ans », dit Chabanon, l'ami de ses dernières années, « fait voir

1. Éloge de M. Rameau. Paris, Lambert, 1764, p. 52.

LALOY.

I

"

qu'il s'ouvrait peu, qu'il parlait peu de lui-même, soit avec ses amis, soit au sein de sa famille. »

Chabanon, qui fut un des premiers à entreprendre l'éloge funèbre du grand homme, s'abstint donc sagement de toucher à sa biographie: il se contenta d'étudier ses œuvres, non sans profondeur du reste, et de divulguer quelques traits dont il avait été lui-même le témoin. C'est bien ainsi que Rameau voulait être jugé. Le médecin Maret, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, chargé par son corps d'écrire l'éloge du glorieux confrère, n'imita point cependant la réserve de Chabanon. Il voulut soulever le voile que Rameau avait jeté sur sa vie, et pour en venir à bout il s'était adressé à toutes les personnes en état de lui donner des éclaircissements : « à MM. de Féligonde, secrétaire perpétuel de l'Académie de Clermont en Auvergne, l'un de nos académiciens honoraires ; Venevault, peintre de l'Académie royale de peinture et de sculpture à Paris, l'un de nos associés, Balbâtre, organiste de Notre-Dame de Paris », et aussi à Piron, dont il reçut une réponse ironique, bien faite pour le déconcerter. Malgré les renseignements ainsi

1. Comme on le verra plus loin, Rameau avait par deux fois passé en cette ville.

2. Aussi ne l'a-t-il pas publiée : elle se retrouva dans ses

recueillis, il n'arriva pas à reconstituer de façon certaine et suivie l'existence du musicien; et son récit, fort incomplet 1, a été le canevas sur lequel Fétis a brodé ses amplifications oratoires.

De récents travaux ont permis d'élucider plusieurs obscurités : ce sont le petit ouvrage trop oublié de M. Arthur Pougin 2, les articles de de MM. Michel Brenet 3,Henri Quittard', Ch. Malherbe et Lionel de la Laurencie ; ce dernier surtout éclaire de documents inespérés la vie privée et en particulier la vie pratique du musi

cien.

5

Grâce aux patients efforts de l'érudition française, nous connaissons aujourd'hui Rameau bien mieux que ses contemporains eux-mêmes; l'indifférence des archives nous a admis dans cette familiarité qu'il n'accordait à personne; nous savons le compte de sa fortune, le taux de ses placements, l'état de sa garde-robe, la situation de sa famille : nous avons, puisque tel est

papiers, après sa mort. Voir MICHEL BRENET, dans la Rivista musicale italiana, 1902, II, p. 658 et suiv.

1. Eloge historique de M. Rameau. Dijon, Causse; Paris, Delalain, 1766.

2. Rameau. Essai sur sa vie et ses œuvres. Paris, Decaux, 1876.

3. Guide musical, 1898, et Rivista musicale italiana, 1902-3.

4. Revue musicale, février-mai 1902.

5. RAMEAU. OEuvres. T. Ier. Paris, Durand et fils.

6. Mercure musical, 15 juin 1907.

le devoir de la postérité, forcé les portes de sa maison et violé sa sépulture.

Il était né le 25 septembre 1683, à Dijon, au n° 5 de la Cour Saint-Vincent, dans la rue SaintMichel; son père, Jean Rameau, était organiste, probablement à l'église de Saint-Étienne, où le baptême fut célébré le même jour; sa mère était née Claudine de Martinécourt, et se vantait d'avoir eu des ancêtres aux croisades, ce qui n'est pas bien sûr. Le parrain était « noble JeanBaptiste Lantin, écuyer, sieur de Montagny, conseiller du Roy au Parlement de Bourgogne », la marraine << demoiselle Anne-Philippe Valon, fille de M. Richard Valon, chevalier, seigneur de Mimeure et de Vouges, cy-devant conseiller au Parlement ». C'est donc la noblesse de robe qui tint sur les fonts baptismaux le fils de l'organiste; honneur d'autant plus notable que la situation de la famille était modeste: par deux fois une exemption d'impôts dut être sollicitée 2. Mais la musique était fort en honneur à Dijon, particulièrement dans la magistrature. Vers le temps de

1. Henri Quittard, d'après CH. POISOт, Essai sur les musiciens bourguignons.

2. Voir MICHEL BRENET, articles cités.

« AnteriorContinuar »