SUR L'HISTOIRE DE FRANCE, PAR M. GUIZOT, MEMBRE DE L'INSTITUT, PROFESSEUR D'HISTOIRE MODERNE A L'ACADÉMIE DE PARIS, POUR SERVIR DE COMPLEMENT AUX OBSERVATIONS SUR L'HISTOIRE DE FRANCE DE L'ABBÉ DE MABLY. OUVRAGE ADOPTÉ PAR LE CONSEIL ROYAL DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE. PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION. Je n'ai pas voulu donner à cet ouvrage une forme plus systématique ni un autre titre que celui d'Essais ; cependant on y reconnaîtra, je pense, une marche progressive et quelque unité. La France n'est entrée dans la carrière de la liberté politique qu'après avoir fait des progrès immenses dans celle de la civilisation; en Angleterre un gouvernement libre est né du sein de la barbarie. C'est là le grand fait qui distingue profondément les deux peuples, qui influera long-temps encore sur leur caractère et leur destinée, et que j'ai entrepris d'expliquer. A mon avis, au commencement du xive siècle, ce fait était décidé sans retour; c'est donc dans les temps antérieurs à cette époque que j'en ai recherché les causes. Je me suis arrêté au moment où j'ai vu les deux peuples définitivement engagés dans les routes diverses qu'ils devaient suivre jusqu'à l'une de ces crises qui changent, non seulement les institutions politiques, mais la nature même de l'état social. La France a subi de nos jours ce prodigieux bouleversement; l'Angleterre, malgré les révolutions qu'elle a traversées, marche encore dans les voies où elle entra quand son parlement fut fondé. Bien donc que la formation de la société et du gouvernement, dans l'un et l'autre pays, soit la limite où se renferment ces Essais, on y trouvera, si je ne m'abuse, le secret de leur destinée politique jusqu'aux temps modernes ; c'est là ce que j'ai cherché et cru découvrir dans ce champ ainsi restreint. Pour bien comprendre l'histoire des peuples, il faut s'asseoir longtemps auprès de leur berceau et les suivre pas à pas à leur entrée dans la carrière ; un moment arrive où ils marchent enfin, |