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ils s'en font un de remplir leur devoir. C'est un délice pour certaines personnes de boire à la glace, même en hiver, et cela est indifférent pour d'autres, même en été. Les femmes poussent ordinairement la sensibilité jusqu'à la volupté, mais ce moment de sensation ne dure guère; tout est chez elles aussi rapide que ravissant.

Tout ce que je viens de dire ne regarde ces mots que dans le sens où ils marquent un sentiment ou une situation gracieuse de l'âme. Mais ils ont encore, surtout au pluriel, un autre sens, selon lequel ils expriment l'objet, ou la cause de ce sentiment, comme quand on dit d'une personne qu'elle se livre entièrement aux plaisirs, qu'elle jouit des délices de la campagne, qu'elle se plonge dans les voluptés. Pris dans ce dernier sens, ils ont également, comme dans l'autre, leurs différences et leurs délicatesses particulières. Alors le mot de plaisirs a plus de rapport aux pratiques personnelles, aux usages et au passe-temps; tels que la table, le jeu, les spectacles et les galanteries. Celui de délices en a davantage aux agréments que la nature, l'art et l'opulence fournissent; telles que de belles habitations, des commodités recherchées et des compagnies choisies. Celui de voluptés désigne proprement des excès qui tiennent de la mollesse, de la débauche et du libertinage, recherchés par un goût outré, assaisonnés par l'oisiveté, et préparés par la dépense, tels qu'on dit avoir été ceux où Tibère s'abandonnait dans l'ile de Caprée. (G.)

1050. Plausible, Probable, Vraisemblable.

Plausible, qu'on peut approuver; probable, qu'on peut prouver, par des raisonnements; vraisemblable, qu'on peut supposer vrai.

Une excuse est plausible quand elle présente des apparences spécieuses; une opinion est probable quand elle a beaucoup de preuves en sa faveur; un fait est vraisemblable, quand ce qu'on en raconte ressemble à ce qui doit être vrai.

Le vraisemblable est ce que les apparences approchent le plus de la certitude; le probable, ce que la réflexion fait paraître vraisemblable; le plausible, ce que la bonne volonté peut admettre comme probable. (F. G.)

1051. Plein, Rempli.

Il n'en peut plus tenir dans ce qui est plein. On n'en peut pas mettre davantage dans ce qui est rempli. Le premier a un rapport particulier à la capacité du vaisseau, et le second à ce qui doit être reçu dans cette capacité. Aux noces de Cana, les vases furent remplis d'eau, et, par miracle, ils se trouvèrent pleins de vin. (G.)

Plein est un adjectif : il exprime une qualité.

Rempli est un participe: il marque le résultat d'une action.

Ce qui est plein est tel naturellement, ou pour avoir été rempli. Ce qui est rempli n'est plein que parce qu'on y a mis ce qui y est contenu.

Plein indique donc l'état de la chose, abstraction faite des causes qui l'ont rendue telle, ou de l'époque où elle a reçu ce qu'elle contient. Rempli rappelle ces causes ou cette époque.

Plein prend des modifications: très-plein, assez, pas assez, trop plein, i moitié plein. Rempli n'en prend pas.

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Mais rempli est plus souvent que plein accompagné de régimes qui expriment la nature de la chose contenue. En effet, dans ce qui est rempli, il y a ce qu'on y a mis, et l'on y peut mettre les choses les plus opposées; ce qui est plein contient ce qui doit y être, le contenu pour lequel il est fait.

Une bouteille est plus ou moins pleine, elle est remplie de vin, d'huile, d'eau, etc.

Au moral, on dira plutôt plein de ce qui est naturel, habituel, constant; rempli de ce qui est accidentel, fortuit, passager. L'écureuil a les yeux pleins

de feu. (BUFFON.) Toutes les œuvres de Dieu sont pleines de sa providence. (BosSUET,) Dans les cours des rois, tout est plein de ces jalousies. (MASSILLON.)

Il était plein d'esprit, de sens et de raison. (BOILEAU.)

On dit plein et rempli de courroux: dans le premier cas, on ne constate que l'état de l'homme courroucé; dans le second la cause de son courroux ou le moment où son courroux s'est allumé.

L'homme plein de lui est tel par caractère :

C'est un homme gonflé de l'amour de soi-même. (MOLIÈRE.)

On peut être rempli de soi un instant : c'est une vanité moins durable et moins profonde; Jamais homme n'eut tant droit d'être rempli de lui-même, si jamais on peut avoir droit d'en être rempli. (Bourdaloue.)

Mais rempli s'emploiera surtout quand, au lieu de se borner à constater un fait, on voudra remonter jusqu'à l'auteur. Les cieux sont pleins de la gloire de Dieu. Le Seigneur aime la miséricorde et la justice: la terre est remplie de ses bienfaits. (LA HARPE.) Il n'est rien de si dangereux qu'une longue vie quand elle n'est remplie que de vaines entreprises. (BOSSUET.) Une vie pleine est une vie bien remplie. La vie remplie de tant de projets passagers et vains estelle autre chose qu'un songe? (BERNARDIN DE SAINT-PIERRE.)

L'esprit est plein: il n'y a aucune place pour le souci ni l'inquiétude. (PasCAL.) Quand on est plein d'une chose on ne saurait voir autre chose, parler d'autre chose; il faut s'épancher; c'est comme un trop plein dont il faut se délivrer. Celui qui est rempli a reçu tout ce qu'il peut contenir; c'est l'orateur qui est plein et les auditeurs sortent remplis. (V. F.)

1052. Plier, Ployer.

Vaugelas a très-bien observé que ces mots ont deux significations fort différentes; mais on n'a pas voulu l'entendre: et plier a pris, presque partout, la place de ployer, sans toutefois l'exclure de la langue, car les bons écrivains et surtout les poëtes, ploient encore des choses que la foule n'a aucune raison de plier.

Tout le monde sait, dit Vaugelas, que plier veut dire faire des plis ou mettre par plis, comme plier du papier, du linge; et ployer signifie céder, obéir, et, en quelque façon, succomber, comme ployer sous le faix, une planche qui ploie à force d'être chargée. Mais comme on a dit aussi plier pour céder ou obéir, ployer a paru dès lors inutile.

Plier, c'est mettre en double ou par plis, de manière qu'une partie de la chose se rabatte sur l'autre : ployer, c'est mettre en forme de boule ou d'arc, de manière que les deux bouts de la chose se rapprochent plus ou moins. On plie à plat; on ploie en rond. Personne ne contestera qu'on ne plie de la sorte: la preuve que c'est ainsi qu'on ploie est dans l'usage général et constant d'expliquer ce mot par ceux de courber et fléchir. Plier et ployer different donc comme la courbure du pli. Le papier que vous plissez, vous le pliez; le papier que vous roulez, vous le ployez. Cette distinction fort claire démontre l'utilité des deux mots.

On avait plié ce que vous dépliez : on avait ployé ce que vous déployez. Déployer est-il un mot inutile, et le confondez-vous avec déplier ? Pourquoi donc abandonner ployer ou le confondre avec plier? Vous ne pliez ni ne dépliez l'étendard que vous roulez ou déroulez, vous le ployez et déployez.

Plier se dit particulièrement des corps minces et flasques, ou du moins fort souples, qui se plissent facilement et gardent leur pli; ployer se dit particulièrement des corps roides et élastiques qui fléchissent sous l'effort et tendent à se rétablir dans leur premier état. On plie de la mousseline, et on ploie une branche d'arbre. Quand je dis particulièrement, je ne dis pas exclusivement et sans exception. (R.)

Malgré Vaugelas et les grammairiens, ces deux mots se confondent souvent et l'usage a été le plus fort. On dit plier sous le poids, sous le faix. (LA BRUYère.) Cependant la distinction de Roubaud est juste et il est des cas où il faut l'observer avec exactitude. Toutes les fois qu'il y a dans la chose ou la personne qui plie ou qu'on plie faiblesse, douceur, facilité à céder, il vaut mieux dire plier. Avec la violence, l'effort, on mettra plutôt ployer. Elle le plie avec douceur sous le joug maternel. (FLÉCHIER.) Il y a des gens qui par un reste d'équité ne rompront pas les lois, mais ils les plieront à leurs intérêts. (FLÉCHIER.) On oppose plier à rompre, à briser; tandis qu'en ployant, on brise quelquefois.

Je plie et ne romps pas. (LA FONTAINE.)

Faites seulement que les hommes n'empiètent pas sur ceux qui cèdent par modestie, et ne brisent pas ceux qui plient. (LA BRUYÈRE.) Qui plie se redresse, qui ploie reste courbé. (V. F.)

1053. Plus, Davantage.

Ces mots sont également comparatifs, et marquent tous les deux la supériorité; c'est en quoi ils sont synonymes; voici en quoi ils different.

Plus s'emploie pour établir explicitement et directement une comparaison; davantage en rappelle implicitement l'idée, et la renverse; après plus, on met ordinairement un que, qui amène le second terme, ou le terme conséquent du rapport énoncé dans la phrase comparative; après davantage, on ne doit jamais mettre que parce que le second terme est énoncé auparavant (1).

Ainsi l'on dira, par une comparaison directe et explicite, les Romains ont plus de bonne foi que les Grecs; l'aîné est plus riche que le cadet. Mais, dans la comparaison inverse et implicite, il faut dire les Grecs n'ont guère de bonne foi, les Romains en ont davantage; le cadet est riche, mais l'aîné l'est davantage.

Dès que la comparaison est directe, et que le terme conséquent est amené par un que, on ne doit pas, quoi qu'en dise le P. Bouhours, se servir de davantage. Ainsi l'on ne doit pas dire, conformément à la décision de cet écrivain: : « Vous avez tort de me reprocher que je suis emporté, je ne le suis pas davantage que vous: il n'y a rien qu'il faille davantage éviter, en écrivant, que les équivoques : jamais on ne vous connut davantage que depuis qu'on ne Vous voit plus. » Il faut dire, dans le premier exemple, je ne le suis pas plus que vous; dans le second, il n'y a rien qu'il faille éviter avec plus de soin que les équivoques; et dans le troisième, jamais on ne vous connut mieux que depuis qu'on ne vous voit plus. (B.)

Plus pouvant être suivi de que et du terme de la comparaison, étant opposé directement à moins, a plus de précision que davantage. Qui veut plus désire peut-être une quantité déterminée à laquelle se bornent ses désirs; qui veut davantage pourra bien n'avoir jamais assez.

Je lis dans La Bruyère: Ne pourrait-on faire comprendre aux personnes d'un certain caractère et d'une profession sérieuse, pour ne pas dire plus, que... Davantage ne voudrait pas dire la même chose. Dire plus; c'est aller plus loin, plus haut, et dire davantage, c'est en dire plus long.

Mais des exemples plus nombreux donnent exactement le même sens à ces deux mots. Dans les Fâcheux de Molière, Climène et Oronte tiennent, l'une pour l'amant jaloux, l'autre pour le confiant:

(4) Il faut observer toutefois que davantage que s'est employé jusqu'au xvu siècle, et qu'on le trouve fréquemment dans Pascal et dans La Bruyère. Il ne se dit plus du tout aujourd'hui. (V. F.)

ORONTE.

Je crois que notre cœur doit donner son suffrage
A qui fait éclater du respect davantage.

CLIMÈNE.

Et moi, que si nos vœux doivent paraître au jour,
C'est pour celui qui fait éclater plus d'amour.

Remarquons encore que plus se joignant à des adverbes, on emploie quelquefois davantage où plus ne saurait être bien placé seul. Il n'y a rien, dit La Bruyère, qui mette plus subitement un homme à la mode, et qui le soulève davantage que le jeu. (V. F.)

1054. Poison, Venin.

On désigne par là certaines choses qui peuvent attaquer les principes de la vie par quelque qualité maligne; c'est le sens propre et primitif : dans le sens figuré, on le dit des choses qui tendent à ruiner les principes de la religion, de la morale, de la subordination politique, de la société ou de l'honnêteté civile.

Poison, dans le sens propre, se dit des plantes ou des préparations dont l'usage est dangereux pour la vie; venin se dit spécialement du suc de ces plantes, ou de certaine liqueur qui sort du corps de quelques animaux.

La ciguë est un poison: le suc qu'on en exprime en est le venin.

Le sublimé est un poison violent; il renferme un venin corrosif qui donne la mort avec des douleurs cruelles.

Tout poison produit son effet par le venin qu'il renferme; mais on ne peut pas dire qu'il y ait poison partout où il y a du venin : et jamais on ne dira, par exemple, le poison de la vipère et du scorpion.

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Le mot poison suppose une contexture naturelle ou artificielle dans les parpropres à contenir et à cacher le venin qui s'y trouve; et le mot de venin désigne plus particulièrement le suc, ou la liqueur qui attaque les principes de la vie.

C'est avec cette différence que ces deux termes s'emploient dans le sens figuré, et il faut peut-être ajouter que le terme de poison y désigne une malignité préparée avec art, ou cachée du moins sous des apparences trompeuses; au lieu que le terme de venin ne réveille que l'idée de malignité subtile et dangereuse, sans aucune attention aux apparences extérieures.

Certains philosophes modernes affectent de répandre dans leurs écrits un poison d'autant plus séduisant qu'ils font continuellement l'éloge de l'humanité, de la raison, de l'équité, des lois : mais aux yeux de la saine raison, qu'ils outragent en l'invoquant, rien n'est plus subtil que le venin de cette audacieuse philosophie, qui attaque en effet les fondements de la société même. (B.)

Le poison, de sa nature, est mortel; quelquefois le venin n'est que malfaisant. Le poison se forme d'un venin mortel. Le venin est dans la chose, et la chose elle-même est un poison, considérée relativement aux ravages qu'elle produit dans les corps, quand on l'a avalée. On dit qu'une plante est un poison, pour exprimer sa propriété distinctive à l'égard de l'animal qui la mangerait comme une autre plante. On ne dit pas qu'un animal est un poison, il n'a que du venin, car sa propriété n'est pas d'empoisonner comme aliment. Le venin est la qualité maligne de la chose : le poison est le contraire de l'aliment, quant à l'effet. La nature donne seule le venin : l'art emploie, extrait, prépare les poisons. (R.)

Poison vient du latin: Potio, breuvage. Il se prenait autrefois en bonne part. (MÉNAGE.)

Le poison se boit, s'avale. (SAINT-ÉVREMOND). Il se dit par exagération d'une

boisson désagréable au goût. Boileau, en parlant du vin offert par l'hôte du Repas ridicule, dit :

Toutefois, avec l'eau que j'y mets à foison,

J'espérais adoucir la force du poison.

C'est une boisson qui fait mal, qui cause la mort. On l'oppose à nourriture: Vous faire un poison mortel de ce que Jésus-Christ a établi pour être la nourriture spirituelle de votre âme. (BOURDALOUE.)

Le poison se prépare comme une potion. Le poison préparé par des mains habiles. (MASSILLON.) Il se donne, se fait prendre, etc.

On suit les effets du poison dans le corps ou, au figuré, dans l'âme, dans les nations infectées : Vos mœurs forment un poison qui gagne les peuples et les provinces, qui infecte les États, qui change les mœurs publiques, qui donne à la licence un air de noblesse et de bon goût, etc. (MASSILLON.) On dit mourir de, faire mourir par le poison.

Il m'a fallu flatter ses insolents ministres,

Dont j'ai craint quelquefois le fer et le poison. (Corneille.)
Il se dit au figuré de tout ce qui est funeste, trompeur, enivrant :
L'or, ce poison brillant qui naît dans nos climats. (VOLtaire.)
Vous, malheureux, assis dans la chaire empestée

Où le mensonge règne et répand son poison. (RACINE.)
Quel funeste poison

L'amour a répandu dans toute ma maison! (RACINE.)
Il est d'autres erreurs, dont l'aimable poison

D'un charme bien plus doux enivre la raison. (BOILEAU.)

L'ennui, qui est le poison de la vie ; le poison de la crainte. (VOLTAIRE.) Venin, latín: venenum, drogue, poison, est une sorte de liqueur malfaisante contenue dans le corps de certains animaux, et qu'ils lancent sur ceux qui les attaquent. Il indique donc quelque chose d'intérieur, de caché, de subtil. On dit le venin empoisonne : c'est-à-dire qu'une fois lancé par l'animal, ses effets sont les mêmes que ceux du poison. Cette justice infernale se glisse partout, comme un serpent; elle empoisonne de son venin les établissements les plus utiles. (BERNARDIN DE SAINT-PIERRE.)

Cependant les effets du venin peuvent être moins violents que ceux du poison on dit venin dangereux et venin empoisonné.

Ainsi ce qui distingue ces deux mots, c'est que le poison est une substance étrangère qui nuit, cause la mort en pénétrant dans le corps, tandis que le venin est quelque chose de subtil, d'intérieur, qu'on répand, qu'on lance contre. Il se disait autrefois du principe des maladies contagieuses; il a été remplacé par virus. Le premier a toujours rapport aux effets produits, le second davantage à la cause, à l'auteur du mal. Le venin de la haine, de la malignité; le poison de la flatterie. Le venin produit un mal intérieur moins facile à définir que le mal causé par le poison:

Pourquoi nourrissez-vous le venin qui vous tue? (Racine.)

On le dit quelquefois pour ce qu'il y a de plus subtil dans le poison. Le poison est le breuvage, le venin le principe nuisible qui y est contenu :

J'ai pris, j'ai fait couler dans mes brûlantes veines

Un poison que Médée apporta dans Athènes;

Déjà jusqu'à mon cœur le venin parvenu

Dans ce cœur expirant jette un froid inconnu. (RACINE, Phèdre, acte V, sc. vi.)

1055. Le point du jour, La pointe du jour.

(V. F.)

Pour juger entre ces deux manières de parler, il faut en connaître la valeur. Le point et la pointe du jour diffèrent naturellement entre eux comme le point et la pointe. Ainsi le point et la pointe du jour s'accordent à désigner le plus

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