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HORACE A QUINCTIUS.

LIVRE Ier, ÉPITRE 16.

Ne perconteris fundus meus, optime Quincti,

Arvo pascat herum,...

Ne me demande pas, Quinctius 1, si ma terre
Rapporte abondamment à son propriétaire,
Si ses plants d'oliviers, ses vergers, ses ormeaux
Où la vigne en grimpant enlace ses rameaux,
Ses prés enfin, m'en font un bien qui peut suffire;
Dans ses moindres détails je vais te la décrire.

De collines d'abord un cadre gracieux
Entoure un frais vallon, sombre et silencieux,
Qu'éclaire le soleil à droite s'il se lève,

A gauche si son cours au sein des flots s'achève.
Un climat ravissant. Ici le cornouiller,

Là le chêne et l'yeuse.... ombrage hospitalier

Quinctius Hirpinus, à qui Horace a aussi adressé l'ode VIII du 2e livre :

Quid bellicosus Cantaber,....

Où, le maître se plaît, épris de la nature,

Tandis que ses troupeaux y cherchent leur pâture.
On s'y croit à Tarente 1 en songe transporté.
Une source s'y creuse 2, et limpide, argenté,
Un ruisseau, qu'elle nomme, y coule moins célèbre
Mais plus pur dans sa pente et plus riant que l'Hèbre.
L'onde en est pour nos maux un baume merveilleux.

Et voilà, Quinctius, voilà quels sont les lieux
Où je viens retrouver, puisqu'il faut te le dire,
Cette santé qu'à Rome en septembre on admire.

Certes, tu vis heureux s'ils sont dignes de foi
Les bruits qui dès longtemps se colportent sur toi,
Mais il faut en cela n'en croire que soi-même.
Il n'est qu'en la vertu de volupté suprême,
Et, fût-on, Quinctius, partout complimenté

Sur sa mine excellente et sa riche santé,

Ville d'Italie, dans la province d'Otrante; elle a donné son nom à la tarentule qui y est fort commune.

Sallus et saturi petito longiqua Tarenti.

VIRGILE, Géorgiques, livre II, vers 197.

Ab Jove, Neptunoque sacri custode Tarenti,

HORACE, livre ler, ode 24, vers 29.

Aut Lacedæmonium Tarentum.

Livre III, ode 5, vers 56.

Lana Tarentino violas imitata veneno

Livre II, épître Ire, vers 207.

Et passim.

2 La Digence (aujourd'hui fonte dell Oratini), dans le pays des Sabins. Elle donnait son nom à un ruisseau qui opérait sa jonction avec elle dans une vallée qui portait aussi son nom. (Voir livre I, épître 18, vers 99-100.)

Du moment que la fièvre en dedans nous obsède 1,
Doit-on attendre, avant d'y chercher un remède,
Que la goutte ait déjà pénétré jusqu'aux os?
Les sots en les cachant aggravent seuls leurs maux.

Qu'un poëte, prenant le ton de l'épopée,
Parle des ennemis domptés par ton épée
Et de Rome ou de toi n'ose, par Jupiter,
Dire lequel des deux à l'autre est le plus cher,
<< Bon, t'exclameras-tu, c'est l'éloge d'Auguste! 2 »
Qu'on te proclame sage et vertueux et juste,
Irréprochable en tout.... voyons, qu'en penses-tu?
J'aime, moi, qu'on me loue aussi de ma vertu,
Mais ces titres pompeux, mais ces honneurs insignes
Le peuple les reprend comme de mains indignes
Il reprend les faisceaux : «< Remets-les moi, remets,
<< Ils sont miens. » J'obéis et m'en vais triste.... mais

S'il me jetait le nom de voleur à la tête,

S'il niait que je suis un homme probe, honnête,
De parricide, enfin, s'il osait m'accuser,
Croirais-je qu'au mépris cela va m'exposer?

1 Boileau a imité ce passage dans sa 3e épître, vers 33 et suivants.

A quoi bon, quand la fièvre en vos artères brûle,...

* Ces vers, que Boileau a imités dans sa 9e épître, vers 24 et suivants :

Si, pour faire sa cour à ton illustre père,...

sont extraits, presque textuellement d'un panégyrique d'Auguste par le poëte Lucius Varius, dont Horace fait à diverses reprises un brillant éloge.

Il ne nous reste que 15 vers attribués à Varius (Recueil de Maittaire).

L'éloge, s'il n'est vrai, plaît-il? et qui s'irrite
D'un reproche infamant à moins qu'il le mérite!

L'honnête homme est celui qui respecte la loi, En qui comme témoin, comme arbitre on a foi, Qu'on admet pour garant?... or veut-on savoir comme Au foyer domestique agit cet honnête homme? Ses valets, ses voisins parleront. Apprends d'eux Sous ce masque trompeur que de vices hideux ! Quand mon esclave dit : « J'ai toujours été brave << Et n'ai point déserté. » Je réponds à l'esclave: « Tu n'auras pas le fouet; ta récompense est là. » « Je n'ai tué personne. » - « Et, justement, voilà << Pourquoi tu n'es pas mis en croix, sans sépulture, << Et n'as pas aux corbeaux servi de nourriture. » -«Je suis honnête au moins.»-«Honnête, entendons-nous: « Le seul aspect du piége épouvante les loups,

L'épervier craint les lacs, de l'hameçon funeste
«Se gare le milan 1. Le juste seul déteste

<<< Le mal de tout l'amour qu'il ressent pour le bien.
<< Toi, voyons donc un peu quel mobile est le tien :
<< La peur du châtiment t'empêche de mal faire?

<< Sans cela ce serait une bien autre affaire 2!

1 Poisson du genre trigle. Il a la propriété de luire dans les ténèbres. Les milans volent et nagent en troupes.

2

Tolle periclum,

Jam vaga prosiliet frænis natura remotis.

Livre II, satire 7, vers 47, 48.

<< Au lieu de cent boisseaux prends-en dix à quelqu'un,
<< Le dommage est moins grand mais le crime est tout un 1.>>

Écoutons ce Caton, ce saint homme, ce sage
Que peuple, magistrats acclament au passage
S'il offre un sacrifice à nos dieux immortels.
Quand il crie: «< Apollon, j'embrasse tes autels!
<«< Janus, sois-moi propice! » il ajoute à voix basse :
<< Laverne 2, accorde-moi seulement cette grâce
« De jeter sur mes torts un voile circonspect;
« Que je reste pour tous un objet de respect,
<< Et qu'une nuit profonde entoure de mystère
« Des crimes dérobés sous un dehors austère ! »>
Je ne vois pas en quoi l'avare dont la main

Va ramassant un as cloué sur son chemin 5

1 Maxime stoïcienne, dont cependant Horace s'est souvent moqué :

Cur non

Ponderibus modulisque suis ratio utitur, ac res

Ut quæque est, ita suppliciis delicta coercet?

Livre Ier, satire 3, vers 77-79.

Quis paria esse fere placuit peccata, laborant,

Quum ventum ad verum cst.

Ibidem, vers 96-97 et suivants.

Nec vincet ratio hoc, tantumdem ut peccet, idemque

Qui teneros caules alieni fregerit horti,

Et qui nocturnus sacra divüm legerit, Adsit
Regula,.... etc.

Ibidem, vers 115-118 et suivants.

2 Divinité protectrice des voleurs. On la représentait sous la figure d'un corps sans tête.

Fixum, mis là probablement pour exciter la convoitise des passants. L'as pesait primitivement douze onces (une livre) poids commun des. monnaies de l'Itatie. Il y avait des multiples et des fractions de l'as :

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