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et Paul, dans ses lettres, insinue le contraire. Donc il y voyagea, et il y régna vingt-cinq ans sous Néron ; et si Néron ne régna que treize ans, on n'a qu'à en ajouter douze, cela fera vingt-cinq,

En second lieu, il y a une lettre attribuée à Pierre, dans laquelle il dit expressément qu'il était à Babylone; donc il est clair qu'il était à Rome, comme l'ont dé montré plusieurs papistes.

En troisième lieu, des faussaires reconnus, nonimés Abdias et Marcel, ont attesté que Simon le magicien ressuscita à moitié un parent de Néron, et que Simon Barjone Pierre le ressuscita tout-à-fait; que Simon le nagicien vola dans les airs devant toute la cour, et que Simon Pierre, plus grand magicien, le fit tomber et lui cassa les deux jambes; que les Romains firent un dieu de Simon l'estropié; que Simon Pierre rencontra Jesu à une porte de Rome; que Jesu lui prédit sa glorieuse mort; qu'il fut crucifié la tête en bas, et solennellement en

terré au Vatican.

Enfin, le fauteuil de bois dans lequel il prêcha est encore dans la cathédrale; donc, Pierre a gouverné dans Rome toute l'Église qui n'existait pas, ce qui était à démontrer. Tel est le fondement de la restitution faite an pape de la moitié du monde chrétien.

Cette pièce curieuse est si peu connue dans notre île, qu'il est bon d'en donner ici un petit extrait. C'est Constantin qui parle:

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<< Nous, avec nos satrapes, et tout le sénat et le peuple soumis au glorieux empire, nous avons jugé utile » de donuer au successeur du prince des apôtres une plus >> grande puissance que celle que notre sérénité et notre » mansuétude ont sur la terre. Nous avons résolu de >> faire honorer la sacro-sainte Église romaine plus » que notre puissance impériale, qui n'est que terrestre; >> et nous attribuons au sacré siége du bienheureux Pierre » toute la dignité, toute la gloire, et toute la puissance

>> impériale.... Nous possédons les corps glorieux de >> saint Pierre et de saint Paul, et nous les avons hono>>rablement mis dans des caisses d'ambre, que la force » des quatre éléments ne peut casser. Nous avons donné >> plusieurs grandes possessions en Judée, en Grèce, » dans l'Asie, dans l'Afrique et dans l'Italie, pour four>>nir aux frais de leurs luminaires. Nous donnons en » outre, à Silvestre et à ses successeurs, notre palais de » Latran, qui est plus beau que tous les autres palais >> du monde.

» Nous lui donnons notre diadème, notre couronne, >> notre mitre, tous les habits impériaux que nous por» tons, et nous lui remettons la dignité impériale, et le >> commandement de la cavalerie.... Nous voulons

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que

>> les révérendissimes clercs de la sacro-sainte romaine Église jouissent de tous les droits du sénat: nous les » créons tous patrices et consuls. Nous voulons que leurs » chevaux soient toujours ornés de caparaçons blancs, et >> que nos principaux officiers tiennent ces chevaux par » la bride, comme nous avons conduit nous-même par » la bride le cheval du sacré pontife.

» Nous donnons en pur don, au bienheureux pontife, >> la ville de Rome, et toutes les villes occidentales de >> l'Italie, comme aussi les autres villes occidentales des >> autres pays. Nous cédons la place au Saint-Père; nous » nous démettons de la domination sur toutes ces pro>> vinces; nous nous retirons de Rome, et transportons » le siége de notre empire en la province de Byzance, » n'étant pas juste qu'un empereur terrestre ait le moin>> dre pouvoir dans les lieux où Dieu a établi le chef de la religion chrétienne.

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» Nous ordonnons que cette nôtre donation demeure » ferme jusqu'à la fin du monde; et si quelqu'un déso» béit à notre décret, nous voulons qu'il soit damné » éternellement, que les apôtres Pierre et Paul lui soient » contraires en cette vie et en l'autre, et qu'il soit plongé

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au plus profond de l'enfer avec le diable. Donné sous >> le consulat de Constantin et de Gallicanus. »

Ces lettres-patentes étaient la juste récompense du service éternel que le pape Silvestre avait rendu à l'empereur. Il est dit, dans la préface de cette belle pièce, que Constantin, étant mangé de lèpre, s'était baigné en vain dans le sang d'une multitude d'enfants, par l'ordonnance de ses médecins. Ce remède n'ayant pas réussi, il envoya chercher le pape Silvestre qui le guérit en un moment, en lui donnant le baptême.

On sait qu'après la décadence de l'empire romain, le Goth qui dressa ces lettres patentes n'avait pas besoin de supposer la signature de Constantin et du consul Gallicanus, qui ne fut jamais consul avec Constantin. C'était Jesu-Christ lui-même qui les devait signer, puisqu'il avait donné à Barjone Pierre les clefs du royaume du ciel, et que la terre y était visiblement comprise. On a prétendu que Jesu ne savait pas écrire, mais ce n'est là qu'une mauvaise difficulté.

Nous n'avons jamais démêlé si c'est sur la donation de Constantin ou sur celle de Jesu que se fonda le pape Innocent III, lorsqu'il se déclara roi d'Angleterre en 1213, et qu'il nous envoya son légat Pandolfe auquel notre Jean-sans-Terre remit son royaume dont il ne fut plus que le fermier, et dont il lui paya la première année d'avance. Il réitéra ce bail en 1214, et paya encore vingt-cinq mille livres pesant d'argent, pour pot de vin du marché. Son fils Henri III commença son règne par confirmer cette donation à genoux. Nous étions alors dans un terrible abrutissement. Un grave auteur dit que nous étions des bœufs qui labourions pour le pape, et que depuis nous avons été changés en hommes, mais que nous avons gardé nos cornes avec lesquelles nous avons chassé les loups ecclésiastiques. qui nous dévoraient.

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Au reste, on peut s'enquérir à Naples si la donation de Constantin a servi de modèle à la vassalité où les rois <de Naples veulent bien être encore de la cour de Rome.

CHAPITRE XX.

De la famille de Constantin, et de l'empereur Julien-lePhilosophe.

APRÈS Constantin, qui fut baptisé à l'article de la mort par l'arien Eusèbe, évêque de Nicomédie, et non par César-Auguste Silvestre, évêque de Rome, ses enfants chrétiens comme lui souillèrent comme lui sa famille de sang et de carnage. Constantin II, Constant, et Constantius, commencèrent par faire massacrer sept neveux de leur père et deux de leurs oncles; après quoi l'empereur Constant, bon catholique, fit égorger l'empereur Constantin II, bon catholique aussi. Il ne resta bientôt que l'empereur Constantius l'arien. On croit lire l'histoire des sultans turcs, quand on lit celle du grand Constantin et de ses fils. Il est très vrai que les crimes qui rendirent cette cour si affreuse, et les turpitudes de la mollesse · qui la fit si méprisable, ne cessèrent que quand Julien vint à l'empire.

Julien était le petit-fils d'un frère de Constance Chlore ou le Pâle, et par conséquent petit cousin du premier Constantin. Il avait deux frères; l'aîné fut tué avec son père dans le massacre de la famille: restaient Gallus et Julien. Gallus l'aîné était âgé de vingt-huit aus quand il causa quelque ombrage à l'empereur Cox. stantius. Ce digne fils du grand Constantin fit saisir ses deux cousins, Gallus et Julien. Le premier fut assassiné par son ordre en Dalmatie, à quelques lieues de l'endroit où l'on a élevé depuis le prodige de la ville de Ve rise. Julien, traîné pendant sept mois de prison e

prison, fut réservé à la même mort; il n'avait pas alors vingt-trois ans accomplis. On allait le faire périr dans Milan, lorsque Eusèbie, femme de l'empereur, touchée des grâces et de l'esprit supérieur de ce prince infortuné, lui sauva la vie par ses prières et par ses larmes.

Constantius n'avait point d'enfants, et était même, dit-on, incapable d'en avoir, soit vice de la nature, soit suite de ses débauches. Il fut forcé, comme les Ottomans l'ont été depuis, de ne pas répandre tout le sang de la famille impériale, et de déclarer enfin césar ce même Julien qu'il avait voulu joindre aux princes massacrés.

On sait assez combien la présence d'un successeur est odieuse, et à quel point la puissance suprême est jalouse. Constantius exila honorablement Julien dans les Gaules, après lui avoir donné sa sœur Hélène en mariage. Telle était la cour de Constantinople; telles on en a vu d'autres. On assassine ses parents; on ne sait si on égorgera celui qui reste, ou si on le mariera. Quand on l'a marié, on l'exile; on voudrait s'en défaire, on l'opprime; on finit par être détrôné ou tué par celui qu'on a persécuté, ou bien on le tue; et on est tué par un autre. Dans ce chaos d'horreurs, de faiblesses, d'inconstances, de trabisons, de meurtres, on crie toujours Dieu, Dieu! On est béni par une faction de prêtres, et maudit par une autre. On est dévot; il y a toujours presque autant de miracles que de scélératesses et de lâchetés. La Constantinople chrétienne n'a pas eu d'autres mœurs jusqu'au temps où elle est devenue la Constantinople turque: alors elle a été aussi atroce, mais moins méprisable, jusqu'à cette année 1776 où nous écrivons; et il est probable qu'elle sera un jour conquise pour faire place à une troisième non moins méchante, qui succombera à son tour.

Le césar Julien énvoyé dans les Gaules, mais sans pouvoir, sans argent, et presque sans troupes, entouré de ministres qui avaient le secret de la cour, et d'espions

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