Images de page
PDF
ePub

JONAS.

Si les histoires d'Ozće, d'Ézéchiel, de Jérémie, d'Isaïe, d'Élisée, d'Élie, étonnent l'entendement humain, celle de Jonas ne l'accable pas moins. Galmet commence sa préface sur Jonas par ces mots: L'histoire des douze petits prophètes ne nous fournit rien qui approche tant du merveilleux que la vie de Jonas.

C'était un Galiléen de la tribu de Zabulon, par conséquent ué parmi les hérétiques; et Dieu l'envoie prêcher dans Ninive à ceux qu'on nomme idolâtres. Il est le seul qui ait eu une telle commission. En quelle langue prêcha-t-il? Ily avait environ quatre cents lieues de sa patrie à Ninive.

Le prophète, au lieu d'obéir, voulut s'enfuir à Tharsis en Cilicie; mais il s'embarque au petit port de Joppé, encore plus éloigné du lieu de sa mission. Il se jette dans une barque. Une tempête horrible survient. Cette tempête endort Jonas. Les mariniers le priest d'invoquer son · Dieu pour apaiser l'orage. Jonas n'en fait rien.Alors les matelots jettent le sort pour savoir qui on doit précipiter dans la mer, ne doutant pas que ce ne soit un secret infaillible pour apaiser les vents. Le sort tombe sur Jonas ; on le jette dans l'eau, et la tempête cesse dans le même instant; ce qui inspire un grand respect aux matelots de Joppé pour le Dieu de Juda, sans qu'ils seconvertissent. Le Seigneur envoie dans le moment un grand poisson qui avale Jonas, et qui le garde trois jours et trois nuits dans son ventre. Jonas étant dans les entrailles de cet animal, chante un cantique assez long au Seigneur; et le Seigneur ordonne au poisson de rendre Jonas, et de le rejeter sur le rivage. Le poisson obéit

Les critiques incrédules prétendent que tout ce récit est une fable prise des fables grecques. Homère, dans son livre XX, parle du monstre marin qui se jeta sur Her

[ocr errors]
[ocr errors]

cule. Lycophron raconte qu'Hercule resta trois jours et trois nuits dans son ventre; qu'il se nourrit de son foie après l'avoir mis sur le gril; qu'au bout de trois jours il sortit de sa prison en victorieux, et qu'ensuite il passa la tner dans son gobelet pour aller d'Espagne en Mauritanie.

La mission d'Hercule avait été toute autre que celle de Jonas. Le prophète hébreu devait prêcher dans Ninive; et Hercule, bien inférieur à Jonas, devait délivrer Hésione, fille de Priam, exposée à un chien marin. Cette délivrance fut mise au rang des plus beaux travaux de ce héros, lesquels surpassent de beaucoup le nombre de douze qu'on lui attribue.

La fable d'Arion jeté dans la mer par des mariniers, et sauvé des flots par un de ces marsouins appelés par nous dauphins, qui le porta sur son dos dans Lesbos sa patrie, parait moins absurde, parce qu'en effet quelques naturalistes ont prétendu qu'on pouvait apprivoiser les dauphins; mais ils n'ont jamais dit qu'on pût rester trois jours et trois nuits dans le ventre d'un poisson, et griller son foie pendant ce temps-là.

Comme l'absurde est quelquefois permis dans la poésie burlesque, le célébre Arioste a imité dans son poëme d'Orlando furioso quelque chose de l'aventure d'Hercule; et en dernier lieu un prélat de Rome a enchéri encore sur l'Arioste dans son Ricciardetto. Ainsi les fables, déguisées en mille manières, ont fait le tour du monde, comme autrefois les masques couraient dans les rues sous des ajustements différents.

Les orthodoxes nous enseignent que tous les contes de poissons, soit baleines, soit chiens marins, qui ont avalé des héros, et qui ont été vaincus par eux, depuis Persée jusqu'à Ricciardetto, ont été imités de l'histoire de Jonas.

FIN DES PROPHÈTES.

CONTINUATION DE L'HISTOIRE HÉBRAÏQUE (1).

LES MACHABÉES.

It ne faut point mépriser la curiosité que les Juifs nous inspirent. Tout superstitieux, tont inconstants, tout ignorants, tout barbares, et enfin tout malheureux qu'ils ont été et qu'ils sont encore, ils sont pourtant les pères des deux religions qui partagent aujourd'hui le monde, de Rome au Thibet, et du mont Atlas au Gange. Les Juifs sont les pères des chrétiens et des musulmans. L'Évangile dicté par la vérité, et l'Alcoran écrit par le mensouge, sont également fondés sur l'histoire juive. C'est une mère infortunée, respectée et opprimée par ses deux filles, par elles détrônée, et cependant sacrée pour elles. Voilà mon excuse de la peine fastidieuse de continuer ces recherches, entreprises par trois hommes plus savants que moi, mais à qui je ne cède point daus l'amour de la vérité.

Les Juifs respirèrent, sous Alexandre pendant dix années. Cet Alexandre forme la plus brillante époque de tous les peuples occidentaux. Il est triste que son histoire soit défigurée par des contes fabuleux, comme celle de tous les héros et de toutes les nations antiques. Il est encore plus triste que ces fables soient répétées de nos jours, et même par des compilateurs estimables. A commencer par l'avénement d'Alexandre au trône de Macédoine, je ne puis lire sans.scrupule dans Prideaux, que Philippe, père d'Alexandre, fut assassiné par un de ses gardes qui lui avait demandé inutilement justice.

(1) Ici le troisième commentateur s'est arrêté; et un quar trième a continué l'histoire hébraïque d'une manière diffé rente des trois autres.

contre un de ses capitaines, par lequel il avait été violė. Quoi done! un soldat est assez intrépide, assez furieux pour poignarder son roi au milieu de ses courtisans, et il n'a ni assez de force, ni assez de courage pour résister à un vieux sodomite! Il se laisse violer comme une jeune fille faible de corps et d'esprit! Mais c'est Diodore de Sicle qui le raconte au bout de trois cents ans. Diodore dit que ce garde était ivre. Mais, ou il consentit dans le vin à cette infamie trop commune chez les Thraces, ou le vin devait exciter sa colère et augmenter ses. forces. Ce fut dans l'ivresse qu'Alexandre tua Clitus..

Justin copie Diodore; Plutarque les copie tous deux.. Prideaux et Rollin copient de notre temps ces anciens auteurs; et quelque autre compilateur en fera autant, si des scrupules pareils aux miens ne l'arrêtent. Moderncs: perroquets, qui répétez des paroles anciennes, cessez de nous tromper en tout genre..

Si je voulais connaître Alexandre, je me le représenterais à l'âge de vingt aus, succédant au généralat de la Grèce qu'avait eu son père, soumettant d'abord tous les peuples, depuis les confins de la Thrace jusqu'au Danube, vainqueur des Thébains, qui s'opposaient à ses droits de général, conduisant trente-cinq mille soldats. aguerris contre les troupes innombrables de ces mêmesPerses qui depuis vainquirent si souvent les Romains,. enfin ailant jusqu'à l'Hydaspe dans l'inde. parce que c'etait là que finissait l'empire de Darius. Je¡egarderais seite guerre mémorable comme très légitime, puisqu'il était nominé par toute la Grèce, malgré Démosthènes, pour venger tous les maux que les rois de Perse avaient faits si long-temps aux Grecs, e qu'il méritait d'eux une reconnaissance éternelle. Je m'étonnerais qu'un jeune héros, dans la rapidi'é de ses victoires, ait bâti cette multitude de villes, en Égypte, en Syrie, chez les Scythes, et jusque dans les Indes; qu'il ait facilité le: commerce de toutes les nations, et changé toutes ses.

routes en fondant le port d'Alexandrie. J'oserais lui rendre grâces au nom du genre humain.

Je douterais de cent particularités qu'on rapporte de sa vie et de sa mort, de ces anecdotes presque toujours fausses, et si souvent absurdes. Je m'en tiendrais à ses grandes actions, connues de toute la terre.

Ainsi les déclamations de quelques poëtes contre les conquêtes d'Alexandre ne me paraîtraient que des jeux d'esprit. Je respecterais celui qui respecta la mère, la femme et les filles de Darius ses prisonnières. Je l'admirerais dans la digue qu'il construisit au siége de Tyr, et qui fut imitée deux mille ans après par le cardinal de Richelieu au siége de La Rochelle.

S'il est vrai qu'Alexandre fit crucifier deux mille citoyens de Tyr après la prise de la ville, je frémirais; mais j'excuserais peut-être cette vengearice atroce, contre un peuple qui avait assassiné ses ambassadeurs et ses hérauts, et qui avait jeté leurs corps dans la mer. Je me rappellerais que César traita de même six cents des principaux citoyens de Vannes, bien moins coupables; et je plaindrais les nations si souvent en proie à de si horribles calamités.

Mais je ne croirais point que Dieu suscita Alexandre, et lui livra l'opulante ville de Tyr uniquement pour faire plaisir à Jérusalem, avec qui elle n'eut jamais de guerre particulière. Prideaux, et après lui Rollin, ont beau rapporter des passages de Joël et d'Ézéchiel, dans lesquels ils se réjouissent de la première chute de Tyr sous Nabuchodonosor, comme des esclaves fouettés par leurs maîtres insultent à d'autres esclaves foueltés à leur tour; ces passages, si ridiculement appliqués, ne me feraient jamais croire que le Dieu de l'univers, qui a laissé prendre tant de fois Jérusalem et son temple, u'a fait marcher Alexandre à la conquête de l'Asie que pour consoler quelques Juifs.

Je ne croirais pas davantage à la fable absurde que

« PrécédentContinuer »