Images de page
PDF
ePub

DE LA

CIVILISATION

EN FRANCE

DEPUIS LA CHUTE DE L'EMPIRE ROMAIN

PAR M. GUIZOT

MEMBRE DE L'INSTITUT

TROISIÈME ÉDITION
conforme à la deuxième

TOME DEUXIÈME

PARIS

DIDIER, LIBRAIRE-ÉDITEUR

35, QUAI DES AUGUSTINS

1840

DC37 G91

HISTOIRE

DE

LA CIVILISATION

EN FRANCE.

SEIZIÈME LEÇON.

Du vie au VIII® siècle, toute littérature profane disparaît; la littérature sacrée reste seule. Cela est évident dans les écoles et dans les écrits de cette époque.-1° Des écoles en Gaule, du vie au viie siècle. -Écoles cathédrales.-Écoles de campagne -Écoles monastiques.Ce qu'on y enseignait.-2o Des écrits. —Caractère général de la littérature. - Elle cesse d'être spéculative, et de rechercher surtout la science ou les jouissances intellectuelles; elle devient pratique; le savoir, l'éloquence, les écrits, sont des moyens d'action. - Influence de ce caractère sur l'idée qu'on s'est formée de l'état intellectuel de cette époque. Elle n'a produit presque point d'ouvrages, elle n'a point de littérature proprement dite; cependant les esprits ont été actifs. Sa littérature consiste en sermons et en légendes.-Évêques et missionnaires. 1° De saint Césaire, évêque d'Arles. De ses 2o De saint Colomban, missionnaire, et abbé de Luxeuil. Caractère de l'éloquence sacrée à cette époque.

sermons.

[ocr errors]

MESSIEURS,

En étudiant l'état intellectuel de la Gaule aux Ive et ve siècles', nous y avons trouvé deux littératures : l'une sacrée, l'autre profane. La distinction

1 Leçon 4, t. I, p. 107–136.

se marquait dans les personnes et dans les choses; des laïques et des ecclésiastiques étudiaient, méditaient, écrivaient; et ils étudiaient, ils écrivaient, ils méditaient sur des sujets laïques et sur des sujets religieux. La littérature sacrée dominait de plus en plus, mais elle n'était pas seule, la littérature profane vivait encore.

Du vio au vì siècle, il n'y a plus de littérature profane; la littérature sacrée est seule; les clercs seuls étudient ou écrivent ; et ils n'étudient, ils n'écrivent plus, sauf quelques exceptions rares, que sur des sujets religieux. Le caractère général de l'époque est la concentration du développement intellectuel dans la sphère religieuse. Le fait est évident, soit qu'on regarde à l'état des écoles qui subsistaient encore, ou aux ouvrages qui sont parvenus jusqu'à

nous.

Le ive et le v° siècles, vous vous le rappelez, ne manquaient point d'écoles civiles, de professeurs civils, institués par le pouvoir temporel, et enseignant les sciences profanes. Toutes ces grandes écoles de la Gaule, dont je vous ai indiqué l'organisation et les noms, étaient de cette nature. Je vous ai même fait remarquer qu'il n'y avait encore point d'écoles ecclésiastiques, et que les doctrines religieuses, de jour en jour plus puissantes sur les esprits, n'étaient point régulièrement enseignées, n'avaient point d'organe légal et officiel. Vers la fin du vi siècle tout est changé : il n'y a plus d'écoles civiles; les écoles ecclésiastiques subsistent seules. Ces grandes écoles municipales de Trèves, de Poi

tiers, de Vienne, de Bordeaux, etc., ont disparu; à leur place se sont élevées les écoles dites cathé drales ou épiscopales, parce que chaque siége épiscopal avait la sienne. L'école cathédrale n'est pas toujours la seule; on trouve dans certains diocèses quelques autres écoles d'origine et de nature incertaine, débris peut-être de quelque ancienne école civile qui s'est perpétuée en se métamorphosant. Dans le diocèse de Reims, par exemple, subsistait l'école de Mouzon, assez éloignée du chef-lieu du diocèse, et fort accréditée, quoique Reims eût une école cathédrale. Le clergé commence aussi, vers la même époque, à créer dans les campagnes d'autres écoles, également ecclésiastiques, et destinées à former de jeunes lecteurs qui deviendront un jour des clercs. En 529, le concile de Vaison recommande fortement la propagation des écoles de campagne; elles se multiplièrent en effet fort irrégulièrement, assez nombreuses dans certains diocèses, presque nulles dans d'autres. Enfin, il y avait des écoles dans les grands monastères : les exercices intellectuels y étaient de deux sortes quelques uns des moines les plus distingués donnaient un enseignement direct, soit aux membres de la congrégation, soit aux jeunes gens qu'on y faisait élever; c'était de plus l'usage d'un grand nombre de monastères, qu'après les lectures auxquelles les moines étaient tenus, ils eussent entre eux des conférences sur ce qui en avait fait l'objet; et ces conférences devenaient un puissant moyen de développement intellectuel et d'enseignement.

« PrécédentContinuer »