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ΕΝ ΟΝΕ.

Hé bien, votre colère éclate avec raison :
J'aime à vous voir frémir à ce funeste nom.

Vivez donc : que l'amour, le devoir vous excite.
Vivez ; ne souffrez pas que le fils d'une Scythe,
Accablant vos enfans d'un empire odieux,
Commande au plus beau sang de la Grèce et des dieux.
Mais ne différez point; chaque moment vous tue :
Réparez promptement votre force abattue,
Tandis que de vos jours prêts à se consumer
Le flambeau dure encore et peut se rallumer.
PHÈDRE.

J'en ai trop prolongé la coupable durée.

NONE.

Quoi! de quelques remords êtes-vous déchirée ?
Quel crime a pu produire un trouble si pressant ?
Vos mains n'ont point trempé dans le sang innocent.
PHEDRE.

Grâces au ciel, mes mains ne sont point criminelles.
Plût aux dieux que mon cœur fût innocent comme elles!

NONE.

Et quel affreux projet avez-vous enfanté
Dont votre cœur encor doive être épouvanté ?
PHÈDRE.

Je t'en ai dit assez : épargne-moi le reste.
Je meurs, pour ne point faire un aveu si funeste.

NONE.

Mourez donc, et gardez un silence inhumain :

Mais pour fermer vos yeux cherchez une autre main.
Quoiqu'il vous reste à peine une faible lumière,
Mon âme chez les morts descendra la première ;
Mille chemins ouverts y conduisent toujours,
Et ma juste douleur choisira les plus courts.
Cruelle ! quand ma foi vous a-t-elle déçue ?
Songez-vous qu'en naissant mes bras vous ont reçue ?
Mon pays, mes enfans, pour vous j'ai tout quitté.
Réserviez-vous ce prix à ma fidélité ?

PHÈDRE.

Quel fruit espères-tu de tant de violence?
Tu frémiras d'horreur si je romps le silence.

NONE.

Et que me direz-vous qui ne cède, grands dieux!
A l'horreur de vous voir expirer à mes yeux ?

PHÈDRE.

Quand tu sauras mon crime, et le sort qui m'accable

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Je n'en mourrai pas moins ; j'en mourrai plus coupable.

NONE.

Madame, au nom des pleurs que pour vous j'ai versés,
Par vos faibles genoux que je tiens embrassés,
Délivrez mon esprit de ce funeste doute.

PHÈDRE.

Tu le veux: lève-toi.

Ε Ν Ο Ν Ε.

Parlez, je vous écoute.

PHEDRE.

Ciel ! que vais-je lui dire? et par où commencer?

NONE.

Par de vaines frayeurs cessez de m'offenser.

PHÈDRE.

O haîne de Vénus! ô fatale colère !

Dans quels égaremens l'amour jeta ma mère !

NONE.

Oublions-les, madame ; et qu'à tout l'avenir
Un silence éternel cache ce souvenir.

PHÈDRE.

Ariane ma sœur ! de quel amour blessée
Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée !

CNONE.

Que faites-vous, madame ? et quel mortel ennui
Contre tout votre sang vous anime aujourd'hui ?
PHÈDRE.

Puisque Vénus le veut, de ce sang déplorable
Je péris la dernière et la plus misérable.

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Tu vas ouir le comble des horreurs.

J'aime... A ce nom fatal je tremble, je frissonne.

J'aime...

NONE.

Qui ?

PHÈDRE.

Tu connais ce fils de l'Amazone,

Ce prince si long-tems par moi-même opprimé.

NONE.

Hippolyte ? Grands dieux !

PHEDRE.

C'est toi qui l'as nommé !

NONE.

Juste ciel! tout mon sang dans mes veines se glace !
O désespoir! ô crime ! ô déplorable race!
Voyage infortuné! Rivage malheureux,
Fallait-il approcher de tes bords dangereux !
PHÈDRE.

Mon mal vient de plus loin. A peine au fils d'Égée
Sous les lois de l'hymen je m'étais engagée,
Mon repos, mon bonheur semblait être affermi;
Athènes me montra mon superbe ennemi :
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue;
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler.
Je reconnus Vénus, et ses feux redoutables,
D'un sang qu'elle poursuit tourmens inévitables.
Par des vœux assidus je crus les détourner :
Je lui bâtis un temple, et pris soin de l'orner ;

De victimes moi-même à toute heure entourée,

Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée :
D'un incurable amour remèdes impuissans!
En-vain sur les autels ma main brûlait l'encens :
Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,
J'adorais Hippolyte ; et, le voyant sans-cesse,
Même au pied des autels que je faisais fumer,
J'offrais tout à ce dieu que je n'osais nommer.
Je l'évitais par-tout. O comble de misère !
Mes yeux
le retrouvaient dans les traits de son père.
Contre moi-même enfin j'osai me révolter :
J'excitai mon courage
persécuter.

Pour bannir l'ennemi dont j'étais idolâtre,
J'affectai les chagrins d'une injuste marâtre ;
Je pressai son exil; et mes cris éternels
L'arrachèrent du sein et des bras paternels.
Je respirais, Enone; et, depuis son absence,
Mes jours moins agités coulaient dans l'innocence :
Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,
De son fatal hymen je cultivais les fruits,
Vaines précautions! Cruelle destinée !

Par mon époux lui-même à Trézène amenée,
J'ai revu l'ennemi que j'avais éloigné :

Ma blessure trop vive aussi-tôt a saigné.

Ce n'est plus une ardeur dans mes veines cachée ;
C'est Vénus toute entière à sa proie attachée.
J'ai conçu pour mon crime une juste terreur :

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