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Les François peuvent tirer un autre profit de leurs voyages; ils peuvent se convaincre, en parcourant le monde, qu'il n'y a rien de plus beau et de plus illustre que leur patrie. Ils ne sauroient faire un pas dans l'Orient sans retrouver partout les immortels souvenirs de leur race, depuis ces chevaliers qui régnèrent à Constantinople, à Sparte, à Antioche, à Ptolémaïs, qui combattirent à Ascalon et à Carthage, jusqu'à ces quarante mille voyageurs armés qui vainquirent aux Pyramides, et battirent des mains aux ruines de Thèbes. Cette armée dont l'Arabe du désert raconte encore les hauts faits, vengea les chevaliers de la Massoure; mais elle ne releva point à Jérusalem les deux sentinelles françoises qui gardent si fidèlement le Saint-Sépulcre Godefroy de Bouillon et Baudouin son frère.

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M. le comte de Forbin se montre partout bon François, et il doit quelques unes de ses plus belles pages aux inspirations puisées dans l'amour de son pays. Le poëte de Smyrne promet des succès à ceux qui combattoient rept raters, pour la patrie.

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DE QUELQUES OUVRAGES

HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

Octobre 1819.

L'excellent ouvrage de critique de M. Dussault (Annales Littéraires), nous fournit l'année dernière l'occasion de rappeler une partie de la gloire de la France, trop oubliée de nos jours. Du milieu des agitations politiques, nous allons encore cette année jeter un regard sur le paisible monde des Muses, que nous regrettons de ne plus habiter. Cependant, pour goûter le repos des lettres, deux choses sont nécessaires: se compter pour rien et les autres pour tout, être sans prétention et sans envie. Alors on jouit de son propre travail comme d'une occupation qui remplit la vie sans la troubler l'admiration que l'on n'a pas pour soi, on la garde entière pour les autres; on s'enchante d'un beau livre dont on n'est pas l'auteur; on a le plaisir du succès sans avoir eu la peine. Y a-t-il une jouissance plus pure que d'environner les talents des hommages qu'ils méritent, que de les signaler, de les faire sortir de la foule, et de forcer l'opinion publique à leur rendre la justice qu'elle leur refuse peut-être ?

Examinons quelques uns des ouvrages nouvelle

ment publiés, et que l'amour des lettres nous console un moment des haines politiques.

Les premières annales des peuples ont été écrites en vers. Les Muses se chargent de raconter les mœurs des nations, tant que ces mœurs sont héroïques et innocentes; mais lorsque les vices et la politique surviennent, ces filles du ciel abandonnent le récit de nos erreurs au langage des hommes. Les ouvrages historiques se multiplient de nos jours, et force nous est de les produire, car l'histoire se plaît dans les révolutions: il lui faut des malheurs pour juger sainement les choses; quand les empires sont debout, sa vue ne peut atteindre leur hauteur; elle n'apprécie l'étendue du monument que lorsqu'elle en peut mesurer les ruines.

L'Histoire du Béarn mérite de fixer l'attention des lecteurs; elle renferme dans un excellent volume tout ce que Froissard, Clément, de Marca, Auger-Gaillard, Chappuis, de Vic et dom Vaissette nous ont appris sur les devanciers et sur la patrie d'Henri IV. Ce petit modèle de goût et de clarté n'a pas la majesté historique, mais il a tout le charme des Mémoires: c'est un ouvrage posthume de M. de Baure. L'historien dont les travaux sont destinés à ne paroître qu'après sa mort, doit inspirer de la confiance. Quel intérêt auroit-il à se porter en faux témoin au tribunal de la postérité ? Voué en secret à l'histoire comme à un sacerdoce redoutable, il n'attend de son vivant aucune récompense. Retranché, pour ainsi dire, derrière sa tombe, il s'y défend contre les passions des hom

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mes, et déja semble habiter ces régions incorruptibles où tout est vérité en présence de l'éternelle vérité.

L'ouvrage solide et important, connu sous le nom d'Histoire de Venise, fait grand honneur au beau-frère de M. de Baure. En voyant les monuments et les mœurs de l'Italie, on est tenté de croire que des peuples dont le passé est si sérieux, et le présent si riant, ont été formés par la philosophie d'Horace. D'une part silence et ruines, de l'autre chants et fêtes. Cela ne rappelle-t-il pas ces passages du poëte de Tibur : « Hâtons-nous de jouir.... Le temps fuit.... Il faudra quitter cette terre.... » Carpe diem.... Fugaces labuntur anni.... Linquenda tellus.... et toutes ces maximes qui cherchent à donner au plaisir la gravité de la vertu ?i

L'Histoire de Venise n'est peut-être pas sans quelques défauts, mais ces défauts tiennent plus à l'esprit du siècle qu'au bon esprit de l'auteur. On s'imagine aujourd'hui que l'impartialité his torique consiste dans l'absence de toute doctrine, que l'historien doit rester impassible entre le vice et la vertu, le juste et l'injuste, la raison et l'erreur, le droit et le fait: c'est remonter à l'enfance de l'art, et réduire l'histoire à une table chronologique.

L'esprit moderne croit encore que certains faits religieux sont au dessous de la dignité de l'histoire; et pourtant l'histoire, sans religion, ne peut avoir aucune dignité. Il ne s'agit pas de savoir si réellement Attila fut éloigné de Rome par l'intervention

divine, mais si les chroniques du temps ont attesté le miracle. Le bras du Tout-Puissant, arrêtant le ravageur du monde au pied de ce Capitole que ne défendent plus les Manlius et les Camille; le Fléau de Dieu, reculant devant le prêtre de Dieu, n'est point un tableau qui déroge à la dignité de l'histoire. Ce sont là les mœurs; il les faut peindre: et, si vous ne les peignez pas, vous êtes infidèle. Toute l'antiquité a publié qu'une puissance surnaturelle dispersa les Gaulois aux portes du temple de Delphes. Thucydide, Xénophon, Tite-Live, Tacite, n'ont jamais manqué de raconter les prodiges que les dieux font pour la vertu, ou dont ils épouvantent le crime : l'histoire a cru, comme la conscience de Néron, qu'un bruit de trompettes sortoit du tombeau d'Agrippine.

Nous hasardons ces réflexions plutôt comme des doutes que comme des critiques. Nous cherchons à nous éclairer: nous ne saurions mieux nous adresser, pour obtenir les lumières qui nous manquent, qu'à l'auteur dont l'ouvrage nous occupe dans ce moment. Quelques autres observations nous resteroient à faire; nous les supprimons dans la crainte d'être soupçonné par M. le comte Daru de n'avoir point oublié l'Examen du Génie du Christianisme. Nous ne nous en souvenons néanmoins que pour remercier l'aristarque de la justesse de ses critiques, et de l'indulgence de ses éloges.

Plus heureux ou plus malheureux que M. Daru, M. Royou a consacré ses études à sa patrie. Quand

MÉLANGES LITTÉRAIRES.

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