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ait « voulu faire écrire son histoire par ces bourgeois-là. 1» Il est vrai qu'elle écrit à Bussy, qui voulait être l'historiographe du roi, et à qui la nomination de Racine et Boileau ôtait de ce côté l'espérance toujours ardente et jamais exaucée d'être rappelé à la cour.

Résumons brièvement ce que nous pensons de la rupture de Racine avec le théâtre.

Cette rupture ne fut point l'effet du dépit que causa à Racine la querelle des deux Phèdres. Cette querelle seulement le fit réfléchir sur les périls de la carrière littéraire.

A ces réflexions s'ajoutèrent d'autres réflexions plus graves et plus élevées : l'ennui d'une vie irrégulière, le dégoût de plaisirs trop longtemps continués, les souvenirs de sa famille et de son éducation chrétienne.

Enfin le choix du roi, ou de Mme de Montespan, qui fit de lui et de Boileau ses historiographes, décida et consomma la rupture. Louis Racine, dans un sentiment de piété filiale très-honorable, mais un peu exagéré, dit « que son père, toujours attentif à son salut, regarda le choix du roi comme une grâce de Dieu, qui lui procuroit cette importante occupation pour le détacher entièrement de la poésie. »> Je répugne à mêler la grâce de Dieu à la rancune de Mine de Montespan contre Pellisson. Il est très-vrai cependant que, dès qu'il fut nommé historiographe, Racine renonça entièrement au théâtre. Mais il ne faut pas croire que cette renonciation ait été pour Racine le commencement d'une vie de pénitence chrétienne. De poëte tragique, il devint courtisan et fut l'homme de lettres favori du roi, rédigeant même, si nous ajoutons foi aux mémoires de La Baumelle sur Mme de Maintenon, les billets de galanterie que Louis XIV adressait à Mme de Montespan; traduisant le Banquet de Platon pour l'ab

1. Lettre du novembre 1677: « Ah! que je connois un homme de qualité à qui j'aurois bien plutôt fait écrire mon histoire qu'à ces bourgeois-là ! »

besse de Fontevrault, sœur de Mine de Montespan, pendant que Mine de Thianges, l'autre sœur de la favorite, lui demandait de faire un opéra à la place de Quinault. Enfin, quand parurent les œuvres diverses d'un auteur de sept ans, qui était le duc du Maine, fils de Louis XIV et de Mme de Montespan, et que ce livre fut offert en étrennes à la favorite, Racine fit un des madrigaux mis en tête du livre.1 Il fit aussi, dit-on, l'épître à Mme de Montespan dans ce livre dédié à sa mère par l'auteur, trop jeune encore pour être ingrat. Beaucoup ont cru que cette épître était de Mme de Maintenon, qui en était bien capable et à qui il appartenait de la faire comme gouvernante des enfants naturels du roi. Elle aima mieux en charger Racine; et la grâce de Dieu, qui avait mis Racine à la cour pour lui faire faire son salut, lui procura aussi la bonne fortune de plaire à la future favorite, en continuant à servir la favorite. présente. La seule grâce de Dieu que je trouve en tout cela, c'est que Racine, devenu un très-honnête mari, un excellent père de famille et un bon chrétien repenti, avait cette singularité, qui caractérisait beaucoup de personnes de son temps, de côtoyer la cour sans en prendre les mœurs. Il adorait le roi sans s'autoriser de ses exemples; il faisait ce que faisaient

1. Voici ce madrigal :

Ne pensez pas, messieurs les beaux-esprits,

Que je veuille, par mes écrits,

Prendre une place au Temple de mémoire.
Vous savez de qui je suis fils;

Il me faut donc une autre gloire

Et des lauriers d'un plus grand prix.

Comme tout était commun entre Boileau et Racine, Boileau fit aussi son madrigal sur les œuvres de l'auteur de sept ans.

Quel est cet Apollon nouveau,
Qui, presque au sortir du berceau,
Vient régner sur notre Parnasse ?
Qu'il est brillant! qu'il a de grâce!

Du plus grand des héros je reconnois le fils.

Il est déjà tout plein de l'esprit de son père,
Et le feu des yeux de sa mère

A passé jusqu'en ses écrits.

autrefois les honnêtes gens du paganisme, qui adoraient Jupiter et Vénus sans les imiter, mettant les vices dans le ciel et gardant les vertus sur la terre.

J'ai conduit la vie de Racine jusqu'à sa rupture avec le théâtre et jusqu'à son mariage. C'est ici que commence la troisième partie de sa vie, la plus régulière, la plus pure et qui n'ôte rien à son génie, témoin Esmer et Athalie. Je reprends maintenant l'étude de ses tragédies, réservant pour plus tard le récit de cette troisième partie de sa vie.

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Rupture de Racine avec le théâtre. Son mariage.

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Boileau nommés historiographes du roi.

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-J. CLAYE, IMPRIMEUR, 7, RUE SAINT-BENOIT.

PARIS.

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