J'ai couru vers le temple, où nos Grecs dispersés Pyrrhus m'a reconnu, mais sans changer de face:1 Il sembloit que ma vue excitât son audace; Enfin, avec transport prenant son diadème, « Je vous donne, a-t-il dit, ma couronne et ma foi, (( « Je voue à votre fils une amitié de père; « J'en atteste les dieux, je le jure à sa mère : « Pour tous mes ennemis je déclare les siens, * « Et je le reconnois pour le roi des Troyens. » Vous me faites pleurer mes plus grands ennemis; HERMIONE. Quoi! Pyrrhus est donc mort? ORESTE. 2 Oui, nos Grecs irrités, etc. 1. Changer de face s'entend, dans notre langue, des choses qui changent d'état, et non pas des personnes qui changent de visage. (L.) 2. L'abbé d'Olivet a raison, quoi qu'en dise Louis Racine, de blâmer le mot tous et la place où il est. C'est trop intervertir l'ordre des idées. Je déclare tous ses ennemis pour les miens, voilà le sens et la construction. Je déclare ses ennemis pour tous les miens n'est pas français, et, s'il l'était, dirait autre chose que ce que veut dire Pyrrhus, car cela signifierait qu'il n'a pas d'autres ennemis que ceux d'Andromaque. (L.) A ces mots, qui du peuple attiroient le suffrage, Et je n'ai pu trouver de place pour frapper : Je l'ai vu dans leurs mains quelque temps se débattre, Mais enfin à l'autel il est allé tomber. Du peuple épouvanté j'ai traversé la presse Qu'ont-ils fait? HERMIONE. ORESTE. Pardonnez à leur impatience : Ils ont, je le vois bien, trahi votre vengeance; HERMIONE. Tais-toi, perfide, * VAR. Le Troyen est sauvé. Mais partons, le temps presse: Cependant j'ai voulu qu'Andromaque aujourd'hui Du peuple épouvanté la foule fugitive Et n'impute qu'à toi ton lâche parricide1. 1. Parricide est impropre. Oreste ne devient point parricide en tuant Pyrrhus. (G.) — Et surtout il a donc oublié qu'il l'était déjà auparavant? 2. Voilà ce fameux qui te l'a dit? car on peut s'exprimer ici comme Voltaire sur le qu'il mourút. Plus j'y réfléchis, plus le mot qui te l'a dit? me semble admirable. C'est à mon gré le plus hardi, le plus profond, le plus étonnant que la passion ait jamais inspiré. Prenez garde qu'un autre que Racine, en concevant la même révolution dans le cœur d'Hermione, n'eût jamais osé la faire si subite et si entière, de peur qu'Hermione ne parût absolument folle et ne révoltât. Il se serait cru obligé de graduer cette révolution, et en aurait détruit l'effet. Racine a compris qu'elle était faite dans le cœur d'Hermione à ce seul mot: il est mort! Pendant tout le reste du récit, son âme est bouleversée par le désespoir et ne peut laisser échapper que ces mots qu'ont-ils fait ! Mais quand elle s'entend attribuer ce meurtre, c'est alors qu'elle est hors d'elle-même et qu'elle devient pour Oreste la véritable Euménide qui tourmente le coupable et le punit des crimes qu'elle lui a fait commettre. (L.) — Dans l'Amante ennemie de Sallebray (1642), Floridan a ordonné aussi à Dorimon de tuer Tersandre qu'elle aime : Cruelle, dis plutôt qu'il falloit me trahir, Puisque, dans les transports de mon âme agitée, La raison défendoit que je fusse écoutée. Dans Quinault, Amalasonte qui a aussi ordonné de tuer Théodat, qu'elle croit infidèle, maudit le meurtrier dès qu'elle croit le meurtre accompli. CLODESILE. Quoi! plaignez-vous l'ingrat qui vous a su trahir? AMALASONTE. Hélas! je me flattois, quand j'ai cru le haïr! Quand j'ai dit que pour lui ma haine étoit extrême, Je vous trompois tous deux, et me trompois moi-même. Je parlois de sa mort, mais sans y consentir; Mon cœur ne souhaitoit de lui qu'un repentir. |