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J'ai couru vers le temple, où nos Grecs dispersés
Se sont jusqu'à l'autel dans la foule glissés.

Pyrrhus m'a reconnu, mais sans changer de face:1

Il sembloit que ma vue excitât son audace;
Que tous les Grecs, bravés en leur ambassadeur,
Dussent de son hymen relever la splendeur.

Enfin, avec transport prenant son diadème,
Sur le front d'Andromaque il l'a posé lui-même :

« Je vous donne, a-t-il dit, ma couronne et ma foi,
Andromaque, régnez sur l'Épire et sur moi.

((

« Je voue à votre fils une amitié de père;

« J'en atteste les dieux, je le jure à sa mère : « Pour tous mes ennemis je déclare les siens, * « Et je le reconnois pour le roi des Troyens. »

Vous me faites pleurer mes plus grands ennemis;
Et ce que n'avoient pu prière ni menace,
Pyrrhus de mon Hector semble avoir pris la place.
Je n'ai que trop, madame, éprouvé son courroux;
J'aurois plus de sujet de m'en plaindre que vous.
Pour dernière rigueur, ton amitié cruelle,
Pyrrhus, à mon époux me rendoit infidèle :
Je t'en allois punir; mais le ciel m'est témoin
Que je ne poussois pas ma vengeance si loin;
Et sans verser ton sang ni causer tant d'alarmes,
Il ne t'en eût coûté peut-être que des larmes.

HERMIONE.

Quoi! Pyrrhus est donc mort?

ORESTE.

2

Oui, nos Grecs irrités, etc.

1. Changer de face s'entend, dans notre langue, des choses qui changent d'état, et non pas des personnes qui changent de visage. (L.)

2. L'abbé d'Olivet a raison, quoi qu'en dise Louis Racine, de blâmer le mot tous et la place où il est. C'est trop intervertir l'ordre des idées. Je déclare tous ses ennemis pour les miens, voilà le sens et la construction. Je déclare ses ennemis pour tous les miens n'est pas français, et, s'il l'était, dirait autre chose que ce que veut dire Pyrrhus, car cela signifierait qu'il n'a pas d'autres ennemis que ceux d'Andromaque. (L.)

A ces mots, qui du peuple attiroient le suffrage,
Nos Grecs n'ont répondu que par un cri de rage;
L'infidèle s'est vu partout envelopper,

Et je n'ai pu trouver de place pour frapper :
Chacun se disputoit la gloire de l'abattre.

Je l'ai vu dans leurs mains quelque temps se débattre,
Tout sanglant à leurs coups vouloir se dérober;

Mais enfin à l'autel il est allé tomber.

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Du peuple épouvanté j'ai traversé la presse
Pour venir de ces lieux enlever ma princesse,
Et regagner le port, où bientôt nos amis.
Viendront couverts du sang que je vous ai promis.

Qu'ont-ils fait?

HERMIONE.

ORESTE.

Pardonnez à leur impatience :

Ils ont, je le vois bien, trahi votre vengeance;
Vous vouliez que ma main portât les premiers coups,
Qu'il sentit en mourant qu'il expiroit pour vous;
Mais c'est moi dont l'ardeur leur a servi d'exemple :
Je les ai pour vous seule entraînés dans le temple,
Madame; et vous pouvez justement vous flatter
D'une mort que leurs bras n'ont fait qu'exécuter.
Vous seule avez poussé les coups...

HERMIONE.

Tais-toi, perfide,

* VAR. Le Troyen est sauvé. Mais partons, le temps presse:
L'Épire tôt ou tard satisfera la Grèce.

Cependant j'ai voulu qu'Andromaque aujourd'hui
Honorát mon triomphe et répondit de lui.

Du peuple épouvanté la foule fugitive
M'a laissé sans obstacle enlever ma captive
Et regagner ces lieux, où bientôt nos amis
Viendront, etc.

Et n'impute qu'à toi ton lâche parricide1.
Va faire chez tes Grecs admirer ta fureur,
Va je la désavoue, et tu me fais horreur.
Barbare, qu'as-tu fait? Avec quelle furie
As-tu tranché le cours d'une si belle vie?
Avez-vous pu, cruels, l'immoler aujourd'hui,
Sans que tout votre sang se soulevât pour lui?
Mais parle de son sort qui t'a rendu l'arbitre?
Pourquoi l'assassiner? Qu'a-t-il fait? A quel titre?
Qui te l'a dit??

1. Parricide est impropre. Oreste ne devient point parricide en tuant Pyrrhus. (G.) — Et surtout il a donc oublié qu'il l'était déjà auparavant? 2. Voilà ce fameux qui te l'a dit? car on peut s'exprimer ici comme Voltaire sur le qu'il mourút. Plus j'y réfléchis, plus le mot qui te l'a dit? me semble admirable. C'est à mon gré le plus hardi, le plus profond, le plus étonnant que la passion ait jamais inspiré. Prenez garde qu'un autre que Racine, en concevant la même révolution dans le cœur d'Hermione, n'eût jamais osé la faire si subite et si entière, de peur qu'Hermione ne parût absolument folle et ne révoltât. Il se serait cru obligé de graduer cette révolution, et en aurait détruit l'effet. Racine a compris qu'elle était faite dans le cœur d'Hermione à ce seul mot: il est mort! Pendant tout le reste du récit, son âme est bouleversée par le désespoir et ne peut laisser échapper que ces mots qu'ont-ils fait ! Mais quand elle s'entend attribuer ce meurtre, c'est alors qu'elle est hors d'elle-même et qu'elle devient pour Oreste la véritable Euménide qui tourmente le coupable et le punit des crimes qu'elle lui a fait commettre. (L.) — Dans l'Amante ennemie de Sallebray (1642), Floridan a ordonné aussi à Dorimon de tuer Tersandre qu'elle aime :

Cruelle, dis plutôt qu'il falloit me trahir,

Puisque, dans les transports de mon âme agitée,

La raison défendoit que je fusse écoutée.

Dans Quinault, Amalasonte qui a aussi ordonné de tuer Théodat, qu'elle croit infidèle, maudit le meurtrier dès qu'elle croit le meurtre accompli.

CLODESILE.

Quoi! plaignez-vous l'ingrat qui vous a su trahir?

AMALASONTE.

Hélas! je me flattois, quand j'ai cru le haïr!

Quand j'ai dit que pour lui ma haine étoit extrême,

Je vous trompois tous deux, et me trompois moi-même.

Je parlois de sa mort, mais sans y consentir;

Mon cœur ne souhaitoit de lui qu'un repentir.

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