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CONFÉRENCES D'ASTRONOMIE PAR TÉLÉPHONIE SANS FIL

Le hasard se charge bien souvent de trouver la solution des questions, et cela est encore plus vrai quand il est secondé par l'esprit de décision. Pourquoi, il y a quelques jours seulement, notre dévoué collègue, GEORGES MORICE, se trouvait-il près de la rue Suger, n'ayant rien à faire pendant quelques minutes? L'idée de se rendre chez notre bibliothécaire, M. Ballot, était évidemment naturelle, mais pourquoi ce dernier en vint-il à lui parler de certaines lenteurs dans des pourparlers engagés pour la transmission par téléphonie sans fil d'avertissements astronomiques (1), lenteurs faisant le désespoir de notre Secrétaire général, nous dirons que ceci c'est bien le hasard. Notre collègue est homme d'action. Dix minutes plus tard, M. Georges Morice était reçu à la Station radiotéléphonique de l'Ecole supérieure des Postes et Télégraphes, rue de Grenelle, à laquelle il expliquait le désir de M. Flammarion de voir ce poste transmettre non seulement des informations astronomiques, mais un véritable enseignement.

En quelques instants, la question était réglée, le principe d'un cours d'Astronomie adopté et la date de la première conférence arrêtée.

Il y eut même, si l'on peut dire, une répétition générale, puisque dès le lundi 24 novembre, à 20h40m, M. Georges Morice fit connaître du poste de la rue de Grenelle les principaux résultats obtenus pendant la dernière opposition de Mars, dans les grands Observatoires américains, à l'Observatoire de Meudon, à l'Observatoire Flammarion de Juvisy, etc...

La première conférence radio-astronomique du cours de M. Georges Morice fut transmise le mercredi 26 novembre, à 20h40m. Elle fut précédée d'une allocution de M. Camille Flammarion et toutes deux, si l'on en juge par le nombre énorme de lettres parvenues, obtinrent le plus grand succès. Nous sommes heureux, répondant à tant de demandes, de pouvoir les publier ici. M. Flammarion n'eut même pas la peine de se déranger, l'Administration des P.T.T. ayant installé, pour la circonstance, un microphone dans son propre bureau.

Nous nous habituons, sans trop y penser, aux découvertes de la science, mais nous ne pouvons cependant nous empêcher de songer avec émotion à l'énorme progrès réalisé. De ce bureau, sont sortis ces magnifiques ouvrages qui ont décidé, dans le monde entier, tant de vocations, orienté tant de destinées, instruit notre jeunesse, ouvert à tant d'yeux le grand livre du Ciel. Et cette fois c'est l'Auteur lui-même qui, de chez lui, de ce même bureau, vient clamer cette beauté de l'Astronomie qui est toute sa vie. Sa voix s'étend sur la France et une importante partie de l'Europe où des milliers d'oreilles attentives la reçoivent. Nous sentons là qu'il y a vraiment quelque chose de nouveau dans notre petit monde, et la téléphonie sans fil est un merveilleux instrument d'instruction et de diffusion.

Il faut ici et tous nos collègues seront en cela d'accord avec nous - féliciter la direction de l'Ecole supérieure des Postes et Télégraphes d'avoir très largement compris le rôle important de la radiophonie pour l'instruction générale. Grâce à elle, grâce à notre collègue, M. Georges Morice, toutes les personnes qui, de près ou de loin s'intéressent à la science du Ciel, pourront entendre parler de leur sujet favori. D'ici peu c'est un détail à régler la chronique scientifique du lundi transmettra les dernières nouvelles astronomiques. En cas de découverte sensationnelle, la nouvelle sera transmise le jour même.

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La Société Astronomique de France est heureuse de remercier ici la station radiotéléphonique de l'Ecole supérieure des Postes et Télégraphes de l'intérêt qu'elle accorde à l'Astronomie ; elle remercie également M. Georges Morice de son initiative et, puisque tout est à la « radio » de nos jours, elle le remercie, en outre, de son radio...-dévouement à notre œuvre.

La présente Chronique tiendra nos lecteurs au courant des émissions radio-astronomiques, et fera connaître les dates des émissions, quand celles-ci seront déterminées suffisamment à l'avance. Elle accueillera toutes les suggestions que nos collègues voudront bien nous faire connaître.

(2) Nous devons signaler ici que ces pourparlers, engagés dans une voie différente, l'avaient été à la demande de notre dévoué collègue M. Val. Thomas, de Houilles (Seine-et-Oise). L'organisation actuelle nous paraît de nature à lui donner la plus entière satisfaction ainsi qu'aux autres sociétaires ayant déjà écrit à ce sujet.

En principe, les conférences radio-astronomiques auront lieu tous les lundis à 20h30m. Consulter le programme des émissions dans les journaux quotidiens.

Voici l'allocution de M. FLAMMARION et la première conférence de M. GEORGEs Morice :

ALLOCUTION DE M. CAMILLE FLAMMARION

Mesdames, Messieurs,

N'est-il pas étrange que les habitants de notre planète aient presque tous vécu jusqu'ici sans savoir où ils sont et sans se douter des merveilles de l'Univers ?

L'ignorance astronomique se remarque partout. Ni l'enseignement supérieur, ni les lycées, ni les collèges, ni les écoles primaires ne font connaître l'Astronomie. Cette ignorance prive les êtres humains des plus grandes joies de l'esprit, des connaissances les plus importantes, et des contemplations les plus sublimes.

Pour remédier à cet état regrettable, j'ai fondé, en 1887, la Société Astronomique de France, dont tout le monde peut faire partie, et dont le Bulletin mensuel tient au courant des merveilleuses découvertes de la plus admirable des sciences. Mais elle ne compte encore que 4 000 membres. Elle devrait en compter 100 000.

C'est un grand plaisir pour moi d'annoncer aujourd'hui qu'un membre actif de cette Société, M. GEORGES MORICE, va vous offrir une série de conférences astronomiques, qui vous arriveront sur les ailes des ondes invisibles, et je souhaite à son ardeur et à ses efforts désintéressés la plus complète réussite pour l'éclairement des esprits.

Vous tous qui m'entendez

vous êtes cent mille peut-être vous apprécierez la bonne parole qui va se répandre en ondes toujours grandissantes, nouvel évangile des connaissances positives.

Il est bon de nous élever au-dessus des grossiers intérêts vulgaires. Les filets du mercantilisme tendent à tout envelopper. Ne laissons pas étouffer les plus nobles aspirations humaines. Respirons ! Planons! Vivons dans la vérité, dans la beauté, dans la lumière !

Je donne la parole à M. Georges Morice.

QU'EST-CE QUE L'ASTRONOMIE (1)

Mesdames, Messieurs,

Avant de commencer ces conférences sur un sujet aussi sublime, aussi troublant et aussi mystérieux que celui qui agrandit la sphère des pensées humaines par la contemplation qu'il développe magnifiquement à nos regards éblouis, au point de nous emporter jusqu'au seuil de l'Infini, je tiens à rendre hommage à l'apôtre éminent de l'Astronomie populaire, à notre maître vénéré, Camille Flammarion, qui consacra sa longue et belle existence et qui entend la consacrer encore, jusqu'à son dernier souffle, à l'éclairement de l'esprit humain et à la libération des âmes humaines par la religion de la science !

(1) Conférence par M. GEORGES MORICE, architecte diplômé par le Gouvernement, membre de la Société, radio-téléphonée de la station de l'Ecole supérieure des Postes et Télégraphes, le 26 novembre 1924.

Je tiens, dis-je, à lui rendre hommage en vous donnant, dès maintenant, l'admirable définition de l'Astronomie qu'il fit lui-même, dans l'un de ses précieux ouvrages. Je lui demande aussi la permission de le citer souvent et souvent, tant il me semble ne pouvoir trouver un guide meilleur, une clairvoyance plus impeccable et une pensée plus profonde dans ce genre de causeries à la fois scientifiques et philosophiques.

A cette question : Qu'est-ce que l'Astronomie ? le maître répondait : « L'Astro« nomie est la Science des sciences, c'est à la fois la science de l'Univers matériel « et la science de l'Univers vivant, la science des mondes et la science des êtres, << la science de l'Espace et du Temps, la science de l'Infini et la science de l'Eternité. » Et il ajoutait : « Ni la timidité des âmes craintives, ni les sophismes des esprits légers, «< ni les négations de ceux qui ne veulent point voir n'empêchent la nature d'être « et de rester ce qu'elle est ! »

A de tels mots l'on ne peut ajouter que le silence et la méditation...

Qu'est-ce donc et qu'y a-t-il donc, dans ce mot si profondément mystérieux d'Astronomie, mot qui nous jette tête baissée, le cœur plein d'une curiosité ineffable, à l'assaut de cette forteresse grandiose du monde inconnu, qu'y a-t-il donc derrière ce mur... serait-ce là que Dieu se cache?

L'esprit humain ne désarme pas devant l'impossible, il sait maintenant qu'au delà, il se passe quelque chose ! Quoi? C'est en cherchant ce « quelque chose» que l'homme a créé la science.

Pygmée par sa nature matérielle, Titan par son intelligence immortelle, l'homme, fier de lui-même, s'est senti grandir, il a percé le mur insondable en arrachant à la nature quelques-uns de ses secrets, et par la brèche ouverte un peu de la lumière cachée a filtré jusqu'à son regard ébloui; le rôle essentiel de l'Astronomie est d'agrandir cette brèche sur l'Inconnu et de scruter inlassablement les mystères de la nature. Cette science n'est pas exclusivement, comme on le croit généralement, un appareil compliqué, une cage d'épouvante dans laquelle seraient enfermés les monstres rugissants et effrayants de la « jungle mathématique», monstres qu'on appelle géométrie, trigonométrie, analytique, intégration, etc...

Non, le maître Flammarion, qui a popularisé les plus sublimes découvertes de l'Astronomie, a prouvé depuis longtemps qu'il n'était pas besoin pour comprendre et goûter les beautés du ciel d'être clerc ou docteur.

Le ciel est à tout le monde, son immensité en est le gage.

Je concède bien volontiers qu'il est des astronomes mathématiciens et qui n'estiment la science que dans ses applications matérielles ; leur utilité est incontestable, ils sont les constructeurs de l'édifice, et si des hommes comme Kepler Newton, Laplace, Le Verrier, etc., n'avaient pas apporté sur le chantier le concours de leur génie mathématique, le plus beau monument de l'esprit humain serait encore dans les fouilles et nous resterions aujourd'hui privés d'étudier et surtout d'admirer les merveilles célestes, merveilles qui surpassent et de beaucoup, les rêves même des âmes les plus poétiques.

Nous laisserons donc l'Astronomie mathématique aux mains de ces admirables

ouvriers de l'arsenal des chiffres qui. dans une glorieuse obscurité et dans la sécheresse des racines cubiques, créent l'abondante moisson que nous voulons récolter en véritables égoïstes.

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'Au sujet même de la mentalité des astronomes mathématiciens, je vous citerai tout à l'heure une anecdote peu connue, que je trouve dans les Mémoires de Flammarion et qui montre combien certains savants, et non des moindres, sont étrangement insensibles aux plus douces jouissances du cœur comme à la plus élémentaire curiosité en dehors de leurs formules en x et en y.

Il me faut auparavant vous dire quelques mots sur l'un des plus grands mathématiciens du siècle dernier.

Le directeur de l'Observatoire de Paris était, en 1864, M. Le Verrier, sénateur d'Empire, mathématicien transcendant, astronome illustre et officiel, auquel l'Astronomie doit l'une des plus formidables découvertes qui aient jamais étonné le monde ! Vous le savez, jusqu'au milieu du xixe siècle, la planète Uranus fut considérée comme marquant les frontières du système solaire... et l'observation directe du ciel fortifiait cette erreur. Cependant, certaines perturbations constatées dans la marche d'Uranus posaient devant les lois de la mécanique céleste une énigme étrange, presque un démenti aux lois de Kepler, un refus inacceptable de se soumettre à la gravitation universelle de Newton. Le Verrier, confiant dans la toute puissance et l'infaillibilité du calcul, entreprit de rechercher la cause de cette intolérable anomalie en l'attribuant à une planète hypothétique et invisible, circulant au delà de l'orbite d'Uranus, et dont la masse figurait parmi les nombreuses inconnues du problème. Les formidables calculs durèrent plus de douze mois, formant un volume de plusieurs milliers de pages, et le 31 août 1846 Le Verrier concluait à l'existence d'une planète inconnue mais nécessaire, il indiquait les éléments de son orbite, sa masse et sa vitesse. Et poursuivant son calcul, il annonçait, toujours en août 1846, que la planète mystérieuse pourrait être recherchée dans notre ciel boréal, et qu'on devait la trouver par 326°32′ de longitude céleste à 5o à l'Est de l'étoile è du Capricorne.

Cette déclaration fut troublante et déconcertante. Le 23 septembre 1846, la planète, qu'aucun œil humain n'avait encore violée, respectueuse des lois découvertes par le génie de l'Homme, était présente au rendez-vous, à 4 milliards 600 millions de kilomètres, avec une légère inexactitude de quelques minutes!

Les chiffres n'avaient pas menti à leur infaillible puissance et Neptune arraché de son insondable retraite, venait ajouter un membre de plus à notre famille planétaire, reculant ainsi, de près de 1 milliard et demi de kilomètres, les frontières glacées de l'Empire du Soleil !

Nous recauserons plus tard de Neptune dans l'étude des planètes.

Vous connaissez maintenant l'homme au formidable génie mathématique qu'était Le Verrier ; j'en arrive à l'anecdote que je vous promettais tout à l'heure : voici ce que Flammarion écrit dans ses Mémoires au sujet de Le Verrier, ceci se passe en 1876 : « Cette découverte est splendide et de premier ordre au point de vue philoso<< phique, car elle prouve la sûreté et la précision des données de l'Astronomie moderne. << Considérée au point de vue de l'astronomie pratique, elle n'était qu'un rude exercice

«< de calcul, et les plus éminents astronomes n'y voyaient rien autre chose ! Ce n'est « qu'après sa vérification, sa démonstration publique, ce n'est qu'après la décou« verte visuelle de Neptune qu'ils eurent les yeux ouverts et sentirent un instant <«<le vertige de l'Infini devant l'horizon révélé par la perspective neptunienne. L'auteur « du calcul lui-même, le transcendant mathématicien, ne se donna même pas la << peine de prendre une lunette et de regarder dans le ciel si la planète y était réelle<«<ment ! Je crois même qu'il ne l'a jamais vue... Un soir de l'année 1876 que j'obser<< vais Neptune au grand équatorial de l'Observatoire de Paris, et qu'il était monté << dans la coupole, comme il me demandait ce que j'observais (j'étais alors occupé « à des mesures d'étoiles doubles, et c'est par hasard que je regardais Neptune, voisin << de l'un des couples que je mesurais), je lui répondis que j'avais sa planète dans le «< champ de l'instrument et qu'elle me paraissait bleue. « Tiens, fit-il, quelle idée ! « Qu'est-ce que cette observation peut avoir d'intéressant? »

« Pour lui, du reste, déjà et toujours, jusqu'à la fin de sa vie, l'Astronomie était << tout entière enfermée dans les formules, les astres n'étaient que des centres de << force. Mais il n'était pas moins surprenant qu'il n'ait pas eu la curiosité de vérifier « lui-même la position de sa planète. »

Eh bien, je pense qu'il serait oiseux de multiplier ces exemples, nous laisserons l'arsenal mathématique travailler en silence et créer les engins qui doivent agrandir, sans limite, espérons-le, la brèche dont je parlais tout à l'heure sur l'Inconnu ! et par laquelle nous apercevons déjà le flambeau qui doit illuminer notre horizon, dissiper l'épais brouillard qui couvre notre esprit en rendant notre pensée incapable de s'évader de la prison dans laquelle la vie journalière limite impérieusement l'action de nos sens. Flambeau merveilleux qui nous instruit sur notre position dans l'espace universel, sur les relations qui relient la Terre, ce petit globe qui se balance dans le vide sous nos pas, aux autres astres du ciel, nos frères, qui circulent magnifiquement dans l'éther éternel!

C'est de cette Astronomie, rayon de la philosophie, qui nous éclaire sur notre petitesse et sur notre grandeur, que nous allons parler. Et comme l'a dit Flammarion : « C'est en marchant dans cette voie que l'Astronomie revêtira son caractère vrai<«< ment sacerdotal, c'est en comprenant la grandeur de sa mission qu'elle nous con<«< duira vers le but de nos destinées. La science peut-elle avoir une mission plus << sainte, une fin plus auguste que celle d'élever l'homme de plus en plus vers la << perfection suprême à laquelle il aspire ? »

Et maintenant, Mesdames et Messieurs, je vais vous exposer le programme de nos causeries astronomiques, dont la première est fixée au lundi 8 décembre à 20h40m. Je m'efforcerai de les rendre claires, évitant de vous fatiguer par des développements techniques, me contentant de l'exposition des faits et des considérations qui en découlent naturellement. Et comme je ne suis ni un virtuose des chiffres, ni un orateur, je vous citerai à toute occasion, les passages les plus remarquables qui ont été écrits par les maîtres de l'Astronomie moderne sur les matières de notre programme.

« Nous commencerons par une :

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