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C'est cet aspect que reproduit notre première figure, retracé avec la plus grande fidélité par le talent de notre très habile collègue E.-M. Antoniadi. Nous tenons à le remercier, ici même, de son amabilité et de l'empressement avec lequel, sur la demande de M. Flammarion, il a exécuté ce très beau dessin, qui constitue un souvenir pour tous ceux de nos collègues venus à notre séance de novembre.

Ce phénomène, assez rare, dont on a vu l'annonce et la figure dans l'Annuaire astronomique pour cette année, a pu être observé à Juvisy en de bonnes conditions. Rappelons l'annonce de l'Annuaire :

« Occultation de 19h55m à 20h38m. La Lune sera à deux jours après le Premier Quartier. La planète aura un diamètre de 137,6 et présentera une légère phase dans le même sens que celle de notre satellite. Sur la planète, ce sera la région du méridien zéro qui sera visible, c'est-àdire la région de Sinus Sabæus. Elle disparaîtra à 19h55m au Nord du disque lunaire, tout près du terminateur, pour réapparaître à 20h38 m sur le bord éclairé. Il faudra noter les différences de coloration des deux astres ainsi que la durée de l'immersion et de l'émersion. »

Le ciel était bien dégagé. Beau temps, heures rares depuis quinze jours, car l'été désastreux de 1924 s'est continué en automne par un ciel presque constamment couvert, à l'exception d'une accalmie commencée précisément le 5 novembre au soir, prolongée par une atmosphère pure et sans nuages, agréablement ensoleillée le 7 et le 8, mais redevenue nuageuse et pluvieuse le 9.

Voici les notes consignées par M. F. Quénisset dans le registre d'observations:

Le 5 novembre, en fin de journée et après le coucher du Soleil, l'atmosphère devint d'une transparence excellente. A 17h la planète Mars était déjà assez près de notre satellite et, de minute en minute, on pouvait suivre à l'œil nu le rapprochement graduel des deux astres. Le spectacle était vraiment très beau. La Lune paraissait blanche à côté de Mars rougeâtre.

Entre 19h13m et 20h, j'ai pu prendre douze photographies à l'aide de l'objectif Viennet, au foyer et, surtout, avec un système d'agrandissement direct.

Au moment de l'immersion, à 19h55m, Mars disparaît assez lentement derrière le bord obscur de la Lune, et je vois pendant quelques secondes les irrégularités du limbe lunaire se dessiner nettement devant le petit disque de la planète. Sur celle-ci, on distingue le Sinus Sabæus avec la petite baie fourchue à droite du méridien central. Malheureusement, les images sont très onduleuses.

L'émersion est le moment le plus intéressant du phénomène. Mars apparaît lentement derrière le limbe éclairé de la Lune, juste en face de la pointe sud de la mer de Humboldt, comme le montre notre photographie (planche V, 1re figure). Cette mer de Humboldt se voit fort bien ce soir sur le limbe brillant, à cause de la grande libration de la Lune (qui montre la mer des Crises presque comme un cercle !) Mais quelle étrange vision ! la planète, dont le disque est très entamé par la phase, a une magnifique coloration d'or rouge et notre satellite paraît blanchâtre par comparaison. L'albedo des deux astres semble différer de très peu. Quel contraste, au contraire, quand on observe une occultation de la brillante Vénus. Ces différences se remarquent, d'ailleurs, sur les photographies: ici, l'éclat de Mars est peu différent de la Lune et, si l'on veu se reporter à la planche hors-texte publiée dans l'Astronomie d'août 1921, on constatera immédia tement la blancheur éclatante de Vénus comparée à notre satellite.

Rappelons que l'on a évalué l'albedo (ou rapport entre la lumière reçue et la lumière réfléchie) de la Lune à 0,15, celui de Mars à 0,25 et celui de Vénus à 0,88.

Ces photographies ont été prises en maintenant la croisée des fils du réticule de l'équatorial sur la planète, de sorte que la Lune, pendant la durée de la pose, s'est légèrement déplacée. Malgré ce mouvement, on remarque facilement les cirques Hercule, Atlas, Endymion. Schumacher, dans le haut, forme une tache très foncée et, par contre, un petit cratère situé à gauche

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OCCULTATION DE MARS PAR LA LUNE, le 5 Novembre 1924

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III-20h 48m 32s

I. Emersion, 20h 38 m. II.20h 39 m 45 s.
Photographies de M. F. QUÉNISSET, à l'Observatoire Flammarion de Juvisy.

PLANCHE OFFERTE PAR M. F...

d'Atlas (entre Atlas et Chevalier) se présente comme la tache la plus blanche de cette partie de la Lune.

Parmi les nombreuses et excellentes photographies obtenues par M. Quénisset, nous en plaçons ici trois sous les yeux de nos lecteurs (planche V). :

1o Moment de l'émersion (20138 m), la planète en contact avec la Lune, près de la mer de Humboldt, que la libration avait justement amenée dans le voisinage du bord. Aucune trace d'atmosphère lunaire. La phase de Mars est sensible et agrandie encore par l'assombrissement du terminateur de la planète ;

2o A une petite distance du bord lunaire (20139m45o); la planète est bien détachée du disque. La mer de Humboldt et le cirque Endymion sont bien marqués ;

30 Mars s'éloigne graduellement, en s'élevant. Il est déjà loin : 2048m325. Plusieurs des photographies obtenues, combinées convenablement dans un stéréoscope, montrent un relief saisissant: Mars apparaissant bien loin derrière la Lune! (1).

Ce sont là des documents intéressants à conserver. L'occultation de Mars par la Lune est, comme nous le remarquions plus haut, un phénomène assez rare. La dernière a eu lieu le 2 octobre 1915. Son observation a été attendue, à Juvisy, par Mile Renaudot et par moi, mais elle a été masquée par des nuages à Paris et à Juvisy, comme on peut le voir au Bulletin de décembre 1915 (p. 418). Une appulse a été observée à Lyon et en Roumanie (Procès-verbal de la séance du 7 novembre, par Mule Renaudot (id, p. 430 et 449). Cette séance a été présidée, comme toutes celles de la guerre, par M. le Comte de la Baume Pluvinel, et nos collègues ont gardé le pieux souvenir de la continuité de nos travaux à travers bien des obstacles. La paix est-elle désormais assurée ? Nous en avons l'espérance; mais avouons que notre humanité terrestre est encore bien peu intellectuelle !

CAMILLE FLAMMARION.

Voici à présent, résumées, les observations parvenues à la Société.

M. G. BLUM, à Paris, a observé cette occultation de Mars incidemment, place Saint-Sulpice, à Paris. Le ciel était pur dans la région du phénomène, et la planète a été perçue à l'œil nu jusqu'à son immersion, de durée appréciable, au bord lunaire obscur.

<< On peut s'étonner, à ce propos, dit-il, que les anciens, qui avaient certainement observé des occultations de planètes et de belles étoiles zodiacales comme Aldébaran, Régulus, l'Epi où Antarès, n'aient pas comparé la soudaineté des disparitions stellaires à la lenteur relative de l'immersion des planètes. Ils auraient eu ainsi la révélation de la surface apparente des corps planétaires, notion qui les eût mis sur la voie de la véritable nature de ces astres ».

M. ANDRÉ LAMOUREUX, à Colombes (Seine), a été favorisé par le temps pour observer ce phénomène dans de bonnes conditions; toutefois, en raison du vent, les images étaient légèrement agitées. Mars parut, à l'émersion, d'une coloration orangée, teinte

(1) Nos lecteurs pourront, nous l'espérons, jouir du relief de ces photographies dans les planches d'anaglyphes de MM. Em. Touchet et L. Gimpel, en cours de préparation.

qui persista quelques instants après la sortie. (Lunette Manent de 0,075; gr. 110). M. P. CHOFARDET, à l'Observatoire de Besançon (Doubs), a adressé la note suivante :

Pendant la première partie de la nuit du 5 novembre, l'état du ciel, nuageux avec éclaircies, composé de strato-cumulus parfois assez épais, nous a empêché, comme nous en avions l'intention, d'utiliser la photographie. Nos efforts ont été forcément limités à surveiller les nuages puis, l'œil à la lunette, attendre l'éclaircie propice pouvant nous permettre de voir la disparition ou peut-être encore la réapparition de Mars de part et d'autre du disque lunaire.

A 7123m, une large trouée laisse apparaître les deux astres voisins, mais l'immersion nous fut complètement dérobée par un épais nuage.

Par contre, l'émersion, pendant une éclaircie assez courte d'ailleurs, a pu être suivie avec des images relativement calmes et bonnes. C'est ainsi qu'à l'équatorial coudé, avec le grossissement 90, lequel donne déjà un diamètre apparent convenable de Mars, nous avons enregistré, au chronographe Gautier, l'heure sidérale des contacts des deux limbes, ce qui donne en temps moyen de Greenwich:

Emersion

{

1er contact = 8b50m268,30.

2e contact =8h51m 28,76. Angle au pôle

=

288°.

Le premier contact nous apparaît spontanément, Mars en saillie, bosselant en jaune terne le bord blanc de la Lune; ensuite la planète émerge assez lentement des neuf dixièmes, puis se dégagé rapidement pour quitter d'une manière brusque le limbe lunaire. A ce deuxième contact, Mars est d'un aspect jaune orangé, un peu sombre comparé au blanc vif de notre satellite.

De son côté, à l'équatorial Secrétan, muni du grossissement 38, notre jeune collègue, M. FÉLIX GOUDY a noté, sur le chronomètre de marine no 52, l'heure suivante pour l'émersion, milieu approché de Mars: 8h50m41 et apprécié, par contraste, la teinte jaune orangé de la planète. M. P. MARTINET, à Rosoy-sur-Serre (Aisne), a observé l'occultation avec une lunette Secrétan de 0m,110. Au moment de l'émersion, Mars paraissait plus terne que le disque lunaire; en s'éloignant, la coloration orange parut plus brillante. Trois photographies ont été prises pendant l'observation.

M. P. CUTTON, à Watrelos (Nord), a suivi le phénomène avec une lunette de 0,04 (gr. 15) et a noté l'immersion à 19h58 m35s et la réapparition à 20h36m. Au moment de la disparition, la coloration de la partie qui restait visible de Mars rappelait l'aspect des sommets lunaires éclairés par le Soleil au voisinage du terminateur. A l'émersion, la couleur de la planète était nettement rougeâtre.

M. J. SERRANO, à Frenda (Oran, Algérie), a noté les différences d'éclat de Mars avant et après l'occultation; l'immersion se produisit à 19h22m; l'émersion, à 20h47m ; depuis l'instant du contact jusqu'à disparition complète, notre collègue a compté 15 secondes; l'émersion totale eut la même durée. (Lunette Manent de 0m,108; gr. 100). M. FRANK J. ACFIELD, à Southampton (Angleterre), a observé l'occultation dans de bonnes conditions au moyen d'un télescope newtonien de 6 pouces 1/2. Le contraste de couleur était frappant; Mars disparut totalement à 20h4 m36s. Au moment de l'émersion, une légère bosse parut sur le bord brillant de la Lune. A l'instant de la séparation, Mars parut retenu par un petit pont rappelant la fameuse « goutte noire » du passage de Vénus ; ce pont fut visible pendant plusieurs secondes. M. A. DE PAOLIS, à Rome (Italie), a communiqué un excellent dessin de cette occultation, coloré en rouge, et qu'il nous est malheureusement impossible de reproduire. M. FÉLIX LAMECH, à Corfou (Grèce), observant avec une lunette équatoriale (gr. 180) a noté :

Immersion à 22h10m40s;

Emersion à 23h28m30)8.

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