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furent contraints de les rendre et délivrer en la main dudit connétable, lequel y mit garnison de ses gens au nom du roi.

CHAPITRE CXCIV.
CXCIV

Comment Henri, roi d'Angleterre, conquit plusieurs villes en Normandie cette saison; et la prise du comte de Harcourt

cousin, messire, Jacques de Harcourt.

, par son

EN ce même temps Henri, roi d'Angleterre, comme dit est ailleurs, étoit à grand' puissance au pays de Normandie, et conquêtoit villes et forteresses; car peu ou néant trouvoit qui fit résistance contre lui, pour la division des François. Et se mirent en cette saison, en son obéissance, les villes d'Évreux, Falaise, Bayeux, Lisieux, Coutances, Avranches, Saint-Lô et plusieurs autres villes. Pour la doute duquel roi, le comte de Harcourt s'étoit lors retrait atout (avec) son état dedans son châtel d'Aumarle. Auquel lieu, un certain jour vint devers lui pour le voir et lui faire révérence, comme il montroit semblant, son cousin messire Jacques de Harcourt, lequel avoit avecque lui bien soixante combattants; et de fait appensé(prémédité), vint descendre à la porte dudit châtel ; laquelle, quand on le reconnut, lui fut ouverte, et par les of ficiers dudit comte lui fut fait grand honneur. Et

adonc atout (avec) une partie de ses gens entra dedans, et alla devers ledit comte, lequel lui fit très joyeuse chère, disant : « Beau cousin, vous » soyez le bien-venu. >>

Or avoit ledit messire Jacques ordonné aucuns de ses gens à venir dedans le châtel, après ce qu'ils auroient logés leurs chevaux dedans la ville. Lesquels venus dedans assez bref, ledit messire Jacques, après ce qu'il eut avecque ledit comte plusieurs devises des guerres de France, lors voyant son point, prit ledit comte de Harcourt par la main, en lui disant : << Monseigneur, je vous fais prisonnier du » roi. » Et adonc ledit comte, moult ébahi, lui dit : Beau cousin, que dites-vous, je suis au roi comme » vous savez, et n'ai rien fait en son préjudice ni >>contre sa majesté.

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Toutefois, nonobstant excusations, lignage ou autres choses, il fut détenu prisonnier et mis par ledit messire Jacques en bonne et sûre garde; et le lendemain, après que ledit messire Jacques eut pris tous les biens portatifs de ladite forteresse, et qu'il eut commis de gens Ini par pour la garder, il se partit et emmena ledit comte de Harcourt prisonnier au châtel de Crotoy. Duquel comte il eut entre les autres. choses un moult bon cheval fauvel, à courte queue, qui depuis fut renommé d'être bon et excellent pour la guerre. Et depuis ce jour en avant demeura ledit comte prisonnier toute la vie durant dudit messire Jacques, mais il fut par plusieurs fois transporté de châtel en autre ; et étoit

commune renommée qu'il étoit ainsi détenu prisonnier par le consentement de Jean de Harcourt, son fils, comte d'Aumarle.

CHAPITRE CXCV..

Comment la ville de Paris fut prise par les gens du duc de Bourgogne, et se tournèrent les Parisiens de ce côté; et ce qu'il en advint à cette cause.

Vous avez bien ouï ci-dessus recorder comment les Parisiens n'étoient pas bien contents du comte d'Armagnac, connétable de France, ni des autres gouverneurs du roi, pource principalement qu'ils n'avoient pas voulu entretenir le traité dernièrement fait avec le duc de Bourgogne, comme cidessus est plus à plein déclaré. Lequel duc et sa puissance moult doutoient iceux Parisiens, et véoient bien que s'il n'étoit réconcilié avec le roi et le dauphin ils demeureroient longuement en la tribulation où ils étoient. Et aussi en y avoit grand' partie qui fort l'aimoient, et désiroient qu'il eût le gouvernement, mais bonnement n'y savoient comment pourvoir; car moult étoient de près gardés, et ne s'osoient ou pouvoient mettre ensemble pour communication l'un avec l'autre, parce que les gouverneurs dessusdits étoient toujours fort fournis de

gens d'armes, prêts pour les punir tantôt qu'ils les verroient faire aucune apparence de rébellion.

Néanmoins y eut aucuns jeunes compagnons de moyen état et de légères volontés, qui autrefois avoient été punis pour leur démérites, lesquels s'aventurèrent d'aller parler secrètement au seigneur de l'Ile-Adam, qui se tenoit à Pontoise en garnison. Desquels compagnons étoient, les principaux, un nommé Perrinet le Clerc, fils de Jean le Clerc, Ferron, Jean Thiebert, fils de Michel Thiebert, boucher, Perrin, Bourdechon, et aucuns autres, jusques à six ou sept; et tant traitèrent avecques lui qu'il leur promit d'assembler gens de guerre au plus grand nombre que faire le pourroit, et les mener le vingt-neuvième jour de mai ensuivant devant la porte Saint-Germain-des-Prés, pour entrer dedans Paris ; laquelle porte ils lui promirent délivrer et ouvrir, et sur ce se partirent. Et ledit seigneur de l'Ile-Adam, le plus secrètement qu'il put, assembla jusques à huit cents combattants ou environ, entre lesquels étoient le Veau de Bar, bailli d'Auxois, le seigneur de Chastellus, le seigneur de Chevreuse, Ferry de Mailly, Louis de Wargnies, Lionnet de Bournonville, Daviod de Gouy, jusques au nombre dessusdit, lesquels il conduisit au jour et lieu dessusdit, où ils trouvèrent ledit Perrinet le Clerc, lequel avoit emblé ( enlevé) à son père, dessous son chevet, les clefs de ladite porte Saint-Germain, qu'il gardoit ; et avecques lui étoient les compagnons dessusdits.

Si fut icelle porte ouverte, ainsi que promis l'avoient ; et adonc issirent les aucuns dehors, et parlèrent à icelui seigneur de l'Ile-Adam et aux autres, disant qu'ils entrassent sûrement dedans, et qu'ils le conduiroient par toute la ville. Lesquels seigneurs avecque leurs gens tous armés comme s'ils dussent entrer en bataille, sur le rapport des dessusdits, se boutèrent dedans tout à cheval, moult doutablement ; et pouvoit être environ deux heures après minuit. Et lors icelui Perrinet le Clerc, après qu'ils furent ens, referma la porte à la clef; et après, voyant eux tous, les jeta par-dessus la muraille; et puis commencèrent à cheminer tout coyement à cheval jusques assez près du Châtelet, auquel lieu ils trouvèrent environ quatre cents combattants desdits Parisiens, tous prêts pour aller avecque eux.

Et adonc conclurent d'un commun accord d'aller assaillir plusieurs hôtels des gouverneurs du royaume, et ordonnèrent deux parties, qui allèrent par diverses rues, criant à haute voix et disant outre que ceux qui vouloient la paix allassent en armes avecque eux. Auquel eri furent tantôt grand' multitude de peuple, atout (avec) lesquels s'en allèrent, comme dit est, envahir et assaillir plusieurs hôtels par ordonnance; dont l'une des parties allèrent à l'hôtel du roi, à Saint-Pol, où ils rompirent les portes et les huis, et firent tant qu'ils parlèrent au roi, lequel fut content de leur accorder tout ce qu'ils demandoient. Et tantôt le firent monter

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