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gens ils étoient, et quoi ils demandoient. Auxquels fut faite réponse par ledit de Luxembourg, disant : << Je suis Jean de Luxembourg, et avec moi le sire » de Fosseux, et plusieurs autres seigneurs, qui >> sommes ci envoyés de par ledit duc, pour servir >> le roi et faire secours à la bonne cité de Senlis » à l'encontre du comte d'Armagnac, lequel nous » sommes tous prêts de combattre avec tous ses aidants, s'il nous veut livrer place, et non contre le roi; car nous sommes prêts de le servir » comme ses loyaux vassaux et sujets.

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Après lesquels réponses ainsi faites, lesdits hérauts s'en retournèrent devers le roi et le connétable, portant les réponses devant dites. Et adone ledit connétable dit haut et clair: «< Puisque pas » n'est ici le duc de Bourgogne ou son fils, nous » ne pouvons pas grandement gagner. Je conseille » que nous nous retrayons; car ce sont compagnons » aventuriers qui ne demandent qu'à gagner, et » ne sont pas grandement riches. » Et aussi ledit connétable avoit déja ouï nouvelles par aucuns de ses gens, que Charlot de Deuilly, devant nommé, et les autres capitaines étoient en grand nombre vers Dammartin en Goëlle. Pourquoi, sans allarger (tarder) grandement, fit chevaucher le roi et tous ses autres gens en ordonnance vers Paris; et mit certain nombre de ses meilleurs combattants derrière, pour soutenir et garder què ses ennemis ne lui baillassent aucun empêchement. Et ainsi, sans arrêter en nulle place, ni autre chose faire, s'en re

tourna le roi Charles, et le comte d'Armagnac, son connétable, dedans Paris, dont plusieurs Parisiens furent très mal contents, et murmurèrent très fort à l'encontre dudit connétable. Pareillement messire Jean de Luxembourg, le seigneur de Fosseux et leurs gens, très joyeux de ce qu'ils avoient achevé ce pourquoi ils étoient venus, sans perte ni inconvénient, s'en retournèrent à Pontoise en grand' joie et liesse.

Tant qu'est à parler des escarmouches qui furent faites ledit jour, et qui les fit et entretint, il seroit trop long à raconter et écrire ; mais pour vrai, tant d'un côté comme d'autre, en y eut plusieurs qui s'y gouvernèrent vaillamment. Et menoit le sire de Miraumont les archers Picards; lequel, comme il lui avoit été enjoint et enchargé, les tint en bonne ordonnance. Et après que les dessusdits de Luxembourg et Fosseux furent rafraîchis à Pontoise, se départirent atout (avec) leurs gens, et allèrent chacun en son propre lieu. Pour lequel voyage, tant du duc de Bourgogne et du comte de Charrolois, comme de tous autres tenants cette partie, furent fort recommandés, et leur fut imputé à vaillance très excellente.

Et en après, le bâtard de Thien, général capitaine de Senlis, Trouillard de Maucaurel, messire Mauroy de Saint-Léger, et aucuns autres gouverneurs de ladite ville, qui y avoient été le siége durant, dedans, la firent très fort réparer, c'est à savoir les tours, portes et murailles, que ledit connétable

avoit par ses engins fait abattre ; et depuis commencèrent à mener plus forte guerre aux gens du roi, qu'ils n'avoient fait par avant.

CHAPITRE CXCIII.

Comment les Cardinaux d'Ursin et de Saint-Marc vinrent en France pour apaiser les seigneurs; et de la paix qui fut traitée à Montereau, et non tenue.

EN ces propres jours, le duc de Bourgogne étant en son pays de Bourgogne, vinrent devers lui les cardinaux d'Ursin et de Saint-Marc, envoyés de par notre saint père le pape en France, pour apaiser la dissension qui étoit entre le roi et son fils d'une part, et la reine et le duc de Bourgogne d'autre part. Auxquels cardinaux ledit duc fit grand' révérence, et les festoya grandement. Et après que ledit duc leur eut dit et remontré qu'il étoit prêt de faire paix à tous ceux qui la vouloient, et pour cette cause il avoit envoyé ses ambassadeurs pour trai

à Bray-sur-Seine, devers les gens du roi, pour ter de paix, ils se départirent du pays de Bourgogne, et par Troyes allèrent audit lieu de Bray sur Seine et de Montereau, où ils furent des ambassadeurs, tant d'un côté comme d'autre, très joyeusement reçus et honorés ; et de là le cardinal

CHRONIQUES DE Monstrelet.- T. IV.

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de Saint-Mare alla à Paris. Auquel lieu, en la présence du roi, de son conseil et du connétable, il proposa l'état de son ambassade, et le bien qui pouvoit venir par le moyen de la paix. Etaprès qu'il eut été dedans Paris grandement honoré par les seigneurs dessusdits, il s'en retourna audit lieu de Montereau devers lesdits ambassadeurs. Auquel lieu il demeura lui et le cardinal d'Ursin durant ladite ambassade; et alloient chacun jour avec Tesdits anibassadeurs au moûtier de la Tombe, là où les parties convenoient ensemble, et tant y continuèrent qu'ils furent d'accord. Et fut la paix faite et jurée par lesdits ambassadeurs, présents les deux cardinaux dessusdits, par condition que chacune des parties reporteroit par écrit devers ses souverains le traité tel comme ils l'avoient fait ; et s'il ne leur étoit agréable, chacune des parties demeureroit en tel état comme devant, sans avoir paix ni trèves. Et ainsi s'en retournèrent les uns à Paris devers le roi et le connétable, et les autres à Troyes devers la reine et le conseil du duc de Bourgogne.

Lequel traité dessusdit montré à élle et à son conseil, l'eut très bien pour agréable. Et tantôt fut envoyé en Bourgogne devers ledit duc pour le visiter, et savoir s'il en étoit content sur lequel, én la présence de son conseil, fit réponse qu'il le tenoit pour bon sans y rien excepter, et que volontiers il jureroit et feroit jurer ceux de sa partie de l'entretenir. Et pareillement les ambassa

deurs du roi et du connétable, retournés à Paris, montrèrent la copie du traité qu'ils avoient fait, au roi, au dauphin, et à aucuns notables de leur conseil et de ceux de la ville. Lesquels, après qu'ils l'eurent vu et ouï, furent assez contents que le roi le scellât. Mais quand il fut montré au comte d'Armagnac, connétable, au chancelier, au prévôt de Paris, et à Remonnet de la Guerre, ils l'eurent du tout pour désagréable, et dirent tout pleinement que jà ne seroient en lieu où le roi l'accordât tel qu'il étoit ; et même dit le chancelier que le roi le scellât s'il lui plaisoit, et que jà il ne le scelleroit.

Pour lesquelles réponses, l'évêque de Paris, plusieurs notables bourgeois de la ville, et autres du conseil du roi et du dauphin, ayant grand désir d'avoir paix, furent pour lesdites réponses moult émerveillés, et pour tant conseillèrent au dauphin qu'il tînt au Louvre un conseil pour ladite paix, lequel il tint; mais oncques ledit connétable n'y voulut aller, et dit que ceux qui conseilloient telle paix étoient traîtres. Finablement, par le moyen des contradictions dessusdites, tout fut rompu ; et demeurèrent les parties dessusdites en tel état comme devant, sans avoir trèves ni paix ensemble; pourquoi plusieurs Parisiens. et autres du conseil du roi concurent grand' haine contre icelui connétable. Néanmoins il envoya ses gens devant les forteresses de Mont-le-Héry et de Marcoussy que tenoient les gens du duc de Bourgogne, qui

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