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Et incontinent parla ledit Hector ét sés gens, en disant : « Jacqueville, tu m'as autrefois injurié et >> fait déplaisir, dont tu seras puni? » Et sans délai fut pris par iceux et porté hors et traîné hors de ladite église ; et très inhumainement fut battu et découpé, jà-soit-ce qu'en ce faisant pria moult de fois et piteusement merci audit Hector, en lui offrant grand' somme de pécunes. Mais ce rien n'y valut, car ils le laissèrent comme mort; et sans délai se départirent de ladite ville et s'en allèrent en un village où les gens dudit Hector étoient logés, à deux lieues de la ville de Chartres.

Et après le département d'icelui Hector, Jacqueville, en tel état qu'il étoit, se fit porter par ses gens devant ledit duc de Bourgogne, auquel il fit piteuse complainte, disant que pour le bien et loyaument servir, il étoit mis en ce point; et adonc lui voyant ce, eut au cœur si grand' tristesse que plus ne pouvoit. Pour quoi soudainement s'arma et monta à cheval, accompagné de ses gens en petit nombre, et chevaucha par la ville, cuidant trouver ledit Hector et ses complices; mais il fut tantôt averti qu'ils étoient partis de la ville.

Et aussi assez tôt vinrent devers ledit duc plusieurs seigneurs, lesquels le rapaisèrent au mieux qu'ils purent; c'est à savoir, nessire Jean de Luxembourg, le sire de Fosseux, le maréchal de Bourgogne et plusieurs autres. Toutefois il fit prendre et arrêter aucunes bagues et chevaux dudit Hector, et après s'en retourna en son hôtel; et là,

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par notables médecins, fit visiter ledit Jacqueville; mais ce rien n'y valut, car dedans les trois jours ensuivant il trépassa. Et comme plusieurs tenoient véritablement, si icelui Hector eût été trouvé, ledit duc l'eût fait mourir vilainement, et en son vivant ne lui voulut oncques pardonner; ainçois (mais) par plusieurs fois dit qu'une fois lui et ses complices il détruiroit, combien que dedans brefs jours ensuivant ledit Hector, tellement quellement, fut réconcilié avecque ledit duc pour les grands affaires que de présent il avoit de lui et de ses gens.

CHAPITRE CLXXXVIII.

Comment le duc de Bourgogne alla atout (avec) sa puissance vers Paris, pour y vouloir entrer, et depuis mena la reine à Troyes, et autres matières.

APRÈS toutes ces besognes, ledit duc de Bourgogne, avecque toute sa puissance, se partit de la ville de Chartres, et par Mont-le-Héry s'en alla vers Paris, en intention d'entrer dedans la ville par certains moyens qu'il avoit avec aucuns des Parisiens ses favorisants. Et pour faire l'entreprise envoya Hector de Saveuse Philippe son frère, le sire de Saures, Louis de Wargniés et plusieurs autres ca

pitaines, jusques au nombre de six mille combattants, vers la porte dé Louvel de Châtillon, assez près de Saint-Marcel; mais, par avant leur venue, la chose fut accusée au connétable par un pelletier de Paris; lequel connétable tantôt mit grand' quantité de ses gens à ladite porte, et en plusieurs autres lieux dedans. Pourquoi ledit Hector, venu à la porte pour entrer dedans, fut très durement rebouté lui et ses gens, et mêmement fut blessé en la tête d'un vireton; et adonc voyant que leur entreprise étoit accusée, entrèrent dedans Saint-Marcel, et là se logèrent, attendant le duc de Bourgogne, leur seigneur. Et adonc ledit connétable fit saillir de trois à quatre cents de ses gens hors de Paris par la porte Saint-Marcel, lesquels vigoureusement envahirent lesdits Bourguignons, et en prirent et tuèrent aucuns; mais sans délai iceux criant à l'arme, s'assemblèrent; et incontinent, de grand courage, allèrent contre les dessusdits, et tellement les combattirent, que par force ils rentrèrent dedans leur ville, et rescouyrent (délivrèrent) aucuns de leurs gens pris par iceux. A laquelle besogne Jean, premier né du seigneur de Flavy, se porta très vaillamment atout l'étendard dudit Hector de Saveuse, que lui-même prit et porta assez près de la porte de Paris, dont grandement fut par ledit duc recommandé quand il vint à sa connoissance; et eurent aucuns des favorisants au duc de Bourgogne, les têtes coupées dedans Paris. Si étoit icelui duc en bataille atout sa puissance à

demi-lieue ou environ de Paris, attendant les nouvelles de ses gens. Et quand il fut averti que son entreprise étoit aperçue, tantôt remanda ses gens de Saint-Marcel, atout (avec) lesquels s'en retourna à Mont-le-Héry, toujours en sa compagnie le jeune comte de Saint-Pol, son neveu.

Auquel lieu de Mont-le-Héry il congéa (congédia) tous ses gens Picards; c'est à savoir, messire Jean de Luxembourg, le seigneur de Fosseux, et tous les autres capitaines par avant nommés, et leur ordonna les frontières et villes où ils se tiendroient l'hiver durant. Premier, fut à messire Jean de Luxembourg baillée en garde la ville de Mont-Didier et les marches à l'environ; et Hector et Philippe de Saveuse furent mis atout leurs gens dedans Beauvais ; le bâtard de Thien fut constitué capitaine de Senlis ; et à Pontoise et Meulan, demeurèrent le sire de l'Ile-Adam et le sire de Coben; et aucuns autres s'en retournèrent en leurs propres lieux en Picardie et autres marches; et icelui duc de Bourgogne, dudit lieu de Mont-leHéry, retourna à Chartres.

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Et après ce qu'il eut ordonné capitaines et gouverneurs en icelle ville et autres au pays à l'environ, se partit de là avec la reine et ses Bourguignons pour aller à Troyes en Champagne, prenant leur chemin en tirant vers Joigny ; sur lequel chemin furent poursuivis par le comte d'Armagnac, connétable de France. Lequel, atout grand' puissance de d'armes, se mit sur les champs, sur

gens

intention de combattre ledit duc, s'il eût vu son avantage. Et de fait, quand la reine et ledit duc de Bourgogne furent loges dedans Joigny, aucuns des capitaines du connétable, atout trois cents combattants ou environ, allèrent férir au logis du seigneur de Vergy et des autres Bourguignons, et là firent grand effroi et esparpille. Pourquoi tout l'ost dudit duc fut ému, et incontinent, à (avec) toute sa puissance se mit aux champs; et ordonna certain nombre de combattants à poursuivir les dessusdits, lesquels les rechassèrent très roidement jusques assez près de la bataille dudit connétable, qui étoit environ une lieue près dudit Joigny; et fut le seigneur de Château-Vilain, l'un des principaux à ce commis par ledit duc, qui plus longuement les poursuivit. Et après le retour d'iceux, furent commis plusieurs hommes d'armes à faire bon guet; et quand ils eurent séjourné cinq jours dedans Joigny, ils s'en allèrent audit lieu de Troyes, où ils furent grandement et honorablement reçus par les habitants et officiers de ladite ville; et fut la reine logée dedans l'hôtel du roi son seigneur, à laquelle furent payées à la ville de Troyes toutes les rentes et subsides appartenant au roi, et aussi ès autres lieux étant en l'obéissance dudit duc de Bourgogne.

Auquel lieu de Troyes fut mandé le duc de Lorraine, par le conseil et enhort dudit duc de Bourgogne, lequel là venu, fut, par la reine, constitué et fait connétable de France; et pour ce

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