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que marchandise puisse avoir cours, et le royaume soit gouverné en justice, en tant que pourrons; et ce avons formé en notre propos et intention pour acquitter notre loyauté. Mêmement qu'il est déclaré par le saint collége romain, qu'à nous appartient à avoir recours ès besognes de ce royaume, et à avoir le gouvernement d'icelui, vu l'empêchement de mondit seigneur, et le jeune âge de mon très redouté seigneur monseigneur le dauphin, et non au comte d'Armagnac, ni à ceux qui se disent être du conseil de mondit seigneur; et pour les causes contenues en une cédule à nous apportée, et baillée par un notable docteur, ambassadeur du saint collége, de laquelle vous envoie la copie enclose en ces présentes.

>> Si vous sommons de par mondit seigneur, et de par nous vous prions et requérons qu'ayez, sur les choses dessusdites et autres, avis, dont avons à parler à vous et à prendre conclusion telle que soit honorable et profitable pour mondit seigneur et conservation de sa génération et domination, et à ce que tous les sujets de mondit seigneur puissent vivre en paix et en justice, et que notre propos et le vôtre puissent être à la fin que désirons, que le vingtième jour du mois d'octobre prochain venant, en quelque lieu que nous soyons, vous envoyez deux notables personnes du moins à nous, auxquels nous puissions avoir conseil, et qu'ils aient puissance de traiter et concorder sur les choses dessusdites et les circonstances et dépendances d'icelles,

tout ce que pour vous et en votre nom sera traité, passé et accordé par les prélats, chapitres, bonnes villes que nous avons mandés. Et gardez qu'en ce n'ai faute, sur tant qu'aimez le bien de mondit seigneur, de nous et de tout le royaume ; et si voulez choses que puissions, mandez-le nous, et volontiers le ferons. Ecrit à notre ost à Mont-le-Héry, le huitième jour d'octobre. »

S'ensuit la teneur de la cédule enclose.

« Je, Henri Nevelin, docteur en décret, ambassadeur du saint collége des cardinaux de Rome, envoyé par iceux à très haut et puissant prince monseigneur le duc de Bourgogne, ai présenté, de par ledit saint collége, lettres scellées de trois sceaux ; c'est à savoir du doyen des évêques, du doyen des prêtres et du doyen des diacres cardinaux lesquelles lettres contenoient créance sur moi; laquelle créance ai exposé à mondit seigneur de Bourgogne, en lui offrant, de par ledit saint collége, la parole du saint prophète David: Domine refugium factus es nobis; c'est-à-dire, sire, en ce temps du déluge, nous venons à toi à refuge. Et après la déduction dudit thême, en comparant ledit saint collége audit roi David pour plusieurs causes, j'ai exposé à mondit seigneur de Bourgogne l'état du saint concile de Constance, et les travaux qu'ont eus les cardinaux à poursuivre l'union de la sainte église. Après lui dis que toute chrétienté étoit unie, excepté un grain de blé en un boisseau, c'est à savoir les comtes de la comté d'Armagnac, qui

sont encore en l'obéissance de Pierre de la Lune, lequel est déclaré schismatique, hérétique, et ses adhérents et favorisants suspects de schisme et d'hérésie. Après, lui dis comment j'étois envoyé en France par ledit saint collége, non pas à lui comme au duc de Bourgogne seulemeut, mais comme celui qui représente le royaume de France, et à qui appartient le gouvernement, pour lui faire certaines prières et requêtes dudit saint collége. Et la cause pour quoi j'étois envoyé devers lui, et que je n'étois pas envoyé devers le roi, monseigneur le dauphin, le comte d'Armagnac ou le conseil du roi, si étoit, comme ledit saint collége n'avoit fait dire, pource que monseigneur le roi étoit occupé et détenu de maladie, monseigneur le dauphin étoit en trop jeune âge, et le comte d'Arinagnac entiché de schisme, et aucuns du conseil du roi étoient adhérents audit comte, et par conséquent suspects de schisme. Bien est vrai que ledit comte d'Armagnac n'est pas déclaré schismatique; mais à la session publique, par laquelle fut débouté Pierre de la Lune, et déclaré être schismatique et hérétique, il fut accusé de par le roi des Romains, en propre personne, et par le procureur fiscal dudit concile, et fut entiché de schisme, nonobstant excusations frivoles que fit maître Jean Gerson. Et tantôt, de par le saint collége, je fis à mondit seigneur trois prières et requêtes : la première, si fut qu'il lui plût avoir ledit saint collége, le papc et l'état du Saint concile, pour recommandé, en les

gardant et aidant garder en leurs priviléges, franchises et libertés anciennes ; la seconde, que s'il y avoit aucuns qui eussent écrit ou écriroient en temps avenir contre ledit saint collége ou le pape, qu'il n'y voulsît point ajouter de foi; la tierce, que mondit seigneur voulsît avoir pour agréable ce qui se feroit par ledit saint collége, tant sur le fait d'élection comme sur la réformation de sainte église. » Au bout de laquelle cédule, ledit Nevelin avoit mis son seing manuel.

CHAPITRE CLXXXV.

Comment icelui duc de Bourgogne alla loger devant Corbeil, et depuis à Chartres, et alla en Touraine au mandement de la reine de France, qui s'en vint avec lui.

OR est ainsi que après ce que le duc de Bourgogne eut reçu l'obéissance du châtel de Mont-le-Héry, et le refourni de ses gens, il se départit atout (avec) son ost, et alla mettre le siége devant la ville de Corbeil; c'est à savoir vers le lez (côté) de Montle-Héry tant seulement, et là fit asseoir ses gros engins en plusieurs parties pour icelle dommager. Mais ceux de la ville, qui étoient fort garnis de gens d'armes, que le connétable et le conseil dú roi leur avoient envoyés, défendirent grandement et bien ladite ville contre ledit duc de Bourgogne

ses gens,

et son armée, et par plusieurs fois lui occirent de de traits, canons et autres habillements de guerre, que continuellement ils jetoient en son ost. Et chacun jour, tant par terre comme par eau, venoient dedans ladite ville gens de par le connétable atout (avec) vivres, habillements de guerre et autres choses nécessaires pour icelle défendre.

Finablement, après que ledit duc de Bourgogne eut été trois semaines ou environ devant la ville de Corbeil, voyant qu'il ne la pouvoit subjuguer ni avoir, et aussi que ses gens étoient moult fort travaillés, tant pour les grands pluies qu'il faisoit chacun jour comme pour la mortalité qui étoit prise en son ost, se départit le vingt-huitième jour d'octobre, et leva son siége de devant Corbeil, prenant son chemin vers la ville de Chartres. Auquel logis de Corbeil ledit duc laissa aucuns de ses gros engins et autres habillements de guerre, avec grands provisions de vivres que plusieurs marchands avoient amenés en l'ost. Lesquelles choses, tantôt après le département devantdit, furent mises dedans ladite ville par les assiégés; lesquels grandement furent joyeux quand ils se virent délivrés de leurs ennemis. Auquel logis de devant Corbeil messire Mauroy de Saint-Léger, fut féru d'un vireton parmi la jambe si angoiseusement, qu'il en fut affollé ( estropié), et en clocha toute sa vie.

Et la cause pour quoi ledit duc se délogea si hâtivement, fut pour ce que la reine de France,

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