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femme, sœur au seigneur d'Offemont, nommé Acheu, assez près de Pas en Artois, et là étoit tout malade de goutte néanmoins, volontiers enquéroit et oyoit raconter des nouvelles. Si retourna en ses jours sondit poursuivant nommé Haurenas, qu'il avoit envoyé dehors; et étoit environ de l'âge de son maître, et l'avoit long-temps servi. Et après sa venue, l'examina ledit messire Sarrazin, et lui demanda s'il savoit rien de la mort dudit roi d'Angleterre.Il dit qu'oui, et qu'il l'avoit vu à Abbeville, en l'église de Saint-Offren, et lui raconta tout l'état et comment il étoit habillé, assez pareillement qu'il est déclaré en ce présent article. Et adonc, messire Sarrazin lui demanda, par sa foi, s'il l'avoit bien avisé. Et il répondit qu'oui. « Or me » dis, par ton serment, s'il avoit point ses housseaux » chaussés. — Ah! monseigneur, dit-il, nenni, par » ma foi. Lors, lui dit messire Sarrazin ? Haure»> nas, beau ami, jamais ne me crois, s'il ne les a >> laissés en France. » A ce mot tous ceux qui étoient présents commencèrent à rire, et puis parlèrent d'autre matière.

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CHAPITRE CCLXX V.

Comment la duchesse de Bourgogne, Michelle, alla de vie à trépas, en la ville de Gand; et comment le duc de Bedford fut fait régent, et de plusieurs forteresses abattues.

DURANT les assemblées qui se firent pour le voyage de Cône, comme dit est, s'accoucha malade en la ville de Gand' la duchesse de Bourgogne, Michelle, fille au roi de France, et sœur du duc de Touraine, dauphin ; en laquelle maladie tant continua qu'en la fin alla de vie à trépas. Pour la mort de laquelle tous ses serviteurs, et universellement tous ceux de Gand et de la comté de Flandre, n'entendirent pas à joie, mais à pleurs et profonds gémissements; car elle étoit moult aimée de tous les sujets, généralement des pays du duc Philippe, son mari. Et bien y avoit raison, pour ce principalement qu'elle étoit de haute extraction, belle et bien formée, adornée de toutes bonnes conditions, selon la relation de ceux qui d'elle avoient connoissance. Si fut son corps mis en terre très solennellement en l'église du monastère Saint-Bavon, emprès Gand. Toutefois, il fut lors assez commune renommée en icelle ville de Gand, que sa mort avoit été avancée. Et de fait; en fut soupçonnée une sienne damoiselle, nommée Ourse, femme

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de Coppin de la Vief-ville, née d'Allemagne, laquelle étoit à ladite duchesse moult familière, portant son scel; et durant sa maladie l'avoit congiée de son hôtel, et s'étoit retraite en la ville d'Aire. Auquel lieu en voyèrent les Gantois jusques à six vingts hommes de leurs gens pour l'aller quérir et ramener à Gand: mais quand ils furent venus en ladite ville d'Aire, trouvèrent messire Gauvain de la Viefville et aucuns autres gentilshommes de l'appartenance etamitié du mari de ladite damoiselle Ourse. lesquels promirent aux Gantois de la mener sans délai devers le duc de Bourgogne, pour en faire son plaisir; et ainsi que promis l'avoient le firent. Après laquelle promesse retournèrent les Gantois de la ville de Gand; et pource que pas ne l'avoient ramenée, furent en grand' indignation de ceux de ladite ville, et en y eut aucuns des principaux mis prisonniers. Et aussi furent très mal contents du maire, échevins et jurés de la dessusdite ville d'Aire, pource que pas ne leur avoient envoyé à leur mandement ladite damoiselle. Et d'autre partie, nonobstant que le seigneur de Roubaix fût et eût été toujours durant les besognes dessusdites au pays de Bourgogne, en la compagnie dessusdite dudit duc, néanmoins le bannirent à cette cause les dessusdits Gantois de leur ville et de la comté de Flandre; mais quand ledit duc y fut retourné depuis, lui rendit ledit pays et lui fit sa paix, certain temps après, à iceux Gantois : car il n'avoit quelque suspicion contre ledit seigneur de Roubaix

pour le cas dessusdit, parce qu'il savoit avoir été en sa compagnie entre temps que ce étoit advenu. Si se passa ainsi la besogne, et n'en fut procédé ni enquis plus avant. En après, en ce même temps, fut, par l'autorité des rois de France et d'Angleterre, et de leur grand conseil, le duc de Bedfort constitué régent du royaume de France, pource que le duc de Bourgogne ne l'avoit voulu entreprendre. Etadonc un petit par avant, avoient été démolis et abattus de fond en comble, par mandement royal, les châteaux de Muyn, Cressensac Mortemer, Tilloy, Araines, Héricourt, Lauroy. et plusieurs autres, dont moult déplut aux nobles hommes à qui lesdites forteresses appartenoient; mais à ce ne purent aucunement pourvoir.

CHAPITRE CCLXXVI.

Comment Charles VI, roi de France, alla de vie à trépas en son hôtel de Saint-Pol, dedans Paris; et fut porté à Saint-Denis, emprès ses prédécesseurs.

EN ces propres jours, s'accoucha malade en son lit, à l'hôtel de Saint-Pol dedans Paris, Charles, roi de France ; et le vingt-deuxième jour d'octobre, jour des onze mille vierges, rendit son esprit. Et furent à son trépas tant seulement son chancelier, son premier chambellan, son confesseur et

aumônier, avec aucuns de ses officiers et serviteurs, en petit nombre. Et brefaprès, l'allèrent voir en son lit, les seigneurs de son conseil, de la chambre de parlement et des comptes ; comptes; l'université de Paris et plusieurs colléges, les échevins, bourgeois et habitants d'icelle ville, et aucuns autres; et là, par ses serviteurs, fut mis en un cercueil de plomb, et porté moult révéremment par chevaliers et écuyers, en la chapelle de sondit hôtel de Saint-Pol, en laquelle il fut vingt jours entiers, jusques à ce que le duc de Bedfort, régent, fût retourné dedans Paris, au mois de novembre ensuivant.

Et durant les vingt jours dessusdits, furent chantées et célébrées les messes en icelle chapelle, en la forme et manière qu'on faisoit au vivant du roi, par ceux de sadite chapelle ; et en après par iceux étoit fait le service des morts pour l'ame de lui. Et allèrent journellement les quatre ordres des mendiants de Paris, les uns après les autres, faire service pour lui, et pareillement les chanoines et colléges, chacun en son tour. Et d'autre partie, lui fut fait de par l'université un moult noble service; et depuis, les quatre nations de ladite université lui en firent un particulièrement; et généralement tous les colléges de Paris, et toutes les paroisses lui firent chacune un service solennel; et le dixième jour de novembre, fut porté le corps dudit roi, de son hôtel de Saint-Pol, en l'église de Notre-Dame de Paris, les processions de toutes les

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