Hélas! vous sçavez tous comment Que entant nous semasme ès terres Qui les meit à confondement : Et puis vous sçavez tous quels guerres, N'y demoura ne pois ne febves Et les espis en emportoient Et par Ils les mettoient en leurs tesnières, Et en feirent de grans amas, Dont maints en ont crié : hélas! Hélas! avons crié assez Pour Dieu que vous nous pardonnez, Tout notre fait veoir vous povez, Quand voyons advenir tel cas, Qui nous fait fort crier : hélas ! Hélas! sans plus vous dire hélas, Ils s'en sont tres mal informez ; Car s'ils pensoient bien en Todigues Et Escoçois en leur complices, Et ès yvers qui sont passez, Et autres voyes fort obliqués, O tres saincte mère l'église, Bourgeois, marchans, gens de mestiers, Gens d'armes, qui tout exillés, Pour Dieu et pour sa doulce mère, A chacun de vous en droit soy, Et si vous bien y advisez Nous cuidons que appercevrez, Amen par sa grâce.. CHAPITRE CCLXXIV. Comment le duc de Touraine, dauphin, fit assiéger Cône-sur-Loire; le voyage qui se fit à cette cause de par le duc de Bourgogne; et la mort du roi d'Angleterre. OR convient parler du duc de Touraine, dauphin, lequel en ce temps assembla, en divers pays, en-. viron vingt mille combattants, atout lesquels il se tira à Sancerre, auquel lieu se tint de sa personne assez longue espace. Durant lequel temps fut mise 'en son obéissance la Charité-sur-Loire, où il mit grand' garnison de ses gens; et après fit assiéger la ville de Cône-sur-Loire, qui, en la fin, fut contrainte de traiter avec les commis d'icelui dauphin, par condition qu'ils lui rendroient ladite ville, le seizième jour du mois d'août, au cas que le duc de Bourgogne ne les secourroit audit jour, si puissamment que pour les délivrer de la main de ses adversaires. Et pour ce entretenir, baillèrent les assiégés otages auxdits assiégeants; et avec ce, promirent les deux ducs dessusdits, c'est à savoir de Bourgogne et de Touraine, par la bouche de leurs hérauts, à être et comparoir chacun à toute sa puissance à ladite journée, pour combattre l'un contre l'autre. Et afin d'entretenir icelle, ledit duc de Bourgogne, qui par avant s'étoit conclu de retourner en son pays d'Artois, demeura en Bourgogne, et manda gens de toutes parts, tant en Flandre, en Picardie, comme ailleurs, à venir vers lui. Et si envoya devers le roi d'Angleterre, lui requérir bien instamment qu'il lui envoyât certain nombre de ses gens pour être avec lui à ladite journée, avec aucuns de ses princes et chefs de guerre;lequel roi fit réponse à ceux que le duc y avoit envoyés, que ce ne feroit pas, mais iroit en propre personne avec toute sa puissance; et entre temps, messire Hue de Launoy, maître des albalêtriers de France, assembla grand nombre de gens, tant de la comté de Flandre, comme des marches vers Lille; et pareillement le firent messire Jean de Luxembourg, le seigneur de Croy, et plusieurs autres capitaines de Picardie, atout lesquels, vers l'issue du mois de juillet, se tirèrent par divers chemins autour de Paris, et de là par Troyes en Champagne. Et d'autre partie, le roi d'Angleterre, qui étoit en la ville de Senlis, non pas bien santieux (sain) de sa personne, fit partir son ost d'autour de Paris, sous la conduite du duc de Bedfort son frère, du comte de Warwick, et autres de ses princes et capitaines, pour aller en Bourgogne; et lui-même, assez aggravé de maladie, partit dudit lieu de Senlis, après qu'il eut pris congé au roi de France, à la reine, et aussi à sa femme, qui depuis ne le revit ; et alla à Melun, où il se fit mettre sur une litière, sur intention d'aller à la journée dont dessus CHRONIQUES DE MONSTRELET. - T. IV. 26 |