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gés, tant en la ville comme ès lieux voisins, selon l'ordonnance dudit roi et de ses fourriers. Et tantôt après que lesdits vaisseaux furent déchargés, le roi les renvoya en Angleterre. Et comme il fut estimé par plusieurs notables hommes à ce connoissants, il y descendit pour ce jour de trois à quatre mille hommes d'armes, et bien vingt-quatre mille archers. Et le lendemain, jour Sainte- Barnabé, fit ledit roi partir le comte Dorset et le seigneur de Cliffort pour aller à Paris, conforter et aider son oncle le duc d'Excestre et les Parisiens, qui pour lors étoient moult court tenus de vivres par les garnisons des Dauphinois qui étoient autour d'eux. Et menèrent les dessusdits douze cents combattants, atout lesquels chevauchèrent hâtivement, eschevant( évitant) les agnets de leurs ennemis, jusques audit lieu de Paris, où ils furent moult joyeusement reçus, tant pour leur venue comme pour les nouvelles qu'ils portèrent de la descendue de leur roi d'Angleterre, auquel les Parisiens avoient plusieurs fois transmis leurs messages en Angleterre pour le hâter; car le duc de Touraine, dauphin, pour ce temps avoit assemblé de plusieurs pays très grand' puissance de gens d'armes, atcut lesquels se tira pour aller vers Chartres; et se rendirent à lui les villes de Bonneval et Gallardon, avecque aucunes autres forteresses, lesquelles il garnit de ses gens; et puis s'en alla loger au plus près de ladite ville de Chartres, et l'assiégea de tous côtés très puissamment; mais elle fut fort défendue par le bâtard de

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Thien et autres capitaines, lesquels hâtivement avoient été envoyés de Paris pour secourir ladite cité. Et comme il fut estimé par gens à ce connoissant, pouvoit avoir ledit dauphin, en sa compagnie, de six à sept mille harnois de jambes, quatre mille arbalêtriers et six mille archers : et ainsi fut mandé au roi d'Angleterre, par ceux qui tes avoient vus. Si commencèrent iceux Dauphinois à dresser plusieurs engins contre les portes et murailles d'icelle ville, dont elle fut aucunement travaillée; mais pour tant que ceux de dedans étoient assez acertenés qu'ils auroient bref secours par ledit roi Henri d'Angleterre, n'étoient pas en si grand souci pour les besognes et approches dessusdites.

CHAPITRE CCLII.

Comment le roi d'Angleterre se tira de Calais par Abbeville à Beauvais, et depuis à Mantes, où allá devers lui le duc de Bourgogne.

APRÈS que le dessusdit roi d'Angleterre eut par aucuns jours ordonné ses besognes à Calais, il se partit assez en hâte, pource que derechelles Parisiens et son oncle d'Excestre le hâtoient, afin de secourir ladite ville de Chartres. Et prit son chemin vers la mer, et alla à Montreuil loger en l'hôtel de la conronne; et ses gens; en la plus grand' partie, se logèrent sur le plat pays, autour de la

dite ville, en laquelle étoit venu, un jour devant, Philippe, duc de Bourgogne, pour être à l'encontre du roi. Et pour tant qu'il étoit occupé de maladie el fièvres, ne monta-t-il pas à cheval pour aller à l'encontre d'icelui roi,mais y envoya messire Jean de Luxembourg et sa chevalerie, pour lui humblement excuser de non y être allé. Et après la vẻnue du roi, séjournèrent trois jours en icelle ville, pour parler ensemble et avoir conseil sur leurs af faires. Et eux de là partant ensemble, c'est à savoir le roi d'Angleterre et le duc de Bourgogne, allèrent loger au Vast, en Ponthien ; et au passer parmi Montenay, fit le roi anglois ardoir la tour, maison et moulin de messire Jacques de Harcourt. Et pource que ledit roi vouloit passer l'eau de Somme par la ville d'Abbeville, se partit ledit duc de Bourgogne, et alla audit lieu d'Abbeville traiter et tant faire qu'icelui roi y put passer: laquelle chose lui fut octroyée assez ennuis ( avec peine) mais ledit duc leur promit que tous les dépens seroient payés plénièrement.

Et entre temps le roi s'occupa à chasser avecque ses princes en la forêt de Crespy; et le jour ensuivant alla loger à Saint-Riquier, emprès laquelle ville étoit une forte forteresse nommée la Ferté, où il y avoit environ soixante combattants des gens de messire Jacques de Harcourt, de laquelle en étoit capitaine le bâtard de Bellay, qui par sommation à lui faite suffisamment, rendit ladite forteresse. Et y fut mis de par le roi et le duc Bourgogne un gen

tilhomme du pays, nommé Nicaise de Boufflers, lequel la rendit bref après ensuivant en la main des Dauphinois, comme dessus. Et outre, dudit lieu de Saint-Riquier, chevaucha le roi anglois à Abbeville; et là fut reçu honorablement par le pourchas et diligence dudit duc de Bourgogne, et lui furent faits en icelle ville de moult beaux présents. Et avecque ce passèrent paisiblement toutes ses gens avec ses chars, charrettes et autres bagues; et le lendemain, après que tous les dépens furent payés, se mit ledit roi au chemin avecque tout son ost, et congédia le duc de Bourgogne, par condition qu'il lui promît de retourner vers lui assez bref atout son armée. Et chevaucha par Beauvais, Gisors, et de là au bois de Vincennes, où étoient le roi de France et la reine sa femme, lesquels il salua honorablement ; et pareillement fut d'eux reçu à grand' joie. Et là vinrent devers lui son oncle le duc d'Excestre et plusieurs autres des gouverneurs et conseillers du roi de France, avecque quels furent tenus plusieurs grands conseils sur les

affaires du

royaume.

les

Entre lesquels fut ordonné que les florettes, c'est à savoir la monnoie du roi qui avoit cours pour seize deniers, seroient mises et rabaissées à trois deniers. Si fut tantôt ce publié par tout le royaume, ès bailliages et sénéchaussées. Pour lequel rabaissement le commun de Paris et d'autres lieux, commencèrent fort à murmurer contre lesdits gouverneurs du royaume, mais autre ne le

purent avoir. Et encore, qui leur tourna à plus grand déplaisir et dommage, furent bref ensuivant remises de quatre à deux ; et après, icelui roi d'Angleterre assembla grand' puissance de gens d'armes au pays de France, atout lesquels et ceux qu'il avoit amenés d'Angleterre, se tira à Mantes pour aller combattre le dauphin, qui jà avoit été trois semaines devant Chartres. Et manda le duc de Bourgogne qu'il allât devers lui atout ce qu'il pourroit finer de gens d'armes pour être à la journée. Lequel duc se prépara hâtivement d'y aller, et se tira atout bien trois mille combattants en la ville d'Amiens, et au pays à l'environ; et de là par Beauvais à Gisors se tira vers ladite ville de Mantes. Si laissa ses gens en un gros village, et alla à privée mesgnie (suite) audit lieu de Mantes, devers ledit roi d'Angleterre, qui de sa venue et bonne diligence fut très content; mais entre temps le dessusdit dauphin, et ceux qui étoient avec lui, avertis de la puissance et assemblée dessusdite, se partirent de devant Chartres, et se retrahirent vers Tours en Touraine. Et pour tant, après ce que le duc de Bourgogne eut aucun parlement avec ledit roi, lui fut ordonné de retourner en Picardie pour subjuguer les Dauphinois, qui chacun jour s'efforçoient de faire plusieurs maux audit pays, par le moyen de messire Jacques

d'Harcourt.

CHRONIQUES DE MONSTRELET. - T. IV.

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