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et s'en alla à Rouen, où il tint derechef plusieurs grands conseils sur le régime du royaume; et y séjourna certaine espace devant qu'il retournât en Angleterre.

Et pareillement le duc Philippe de Bourgogne, partant dudit lieu de Paris, s'en alla à Beauvais, la fête et entrée de maître Pierre Cauchon, docteur en théologie, nouvel évêque d'icelle ville de Beauvais, moult enclin et affecté à la partie de Bourgogne. Laquelle fête passée, se partit ledit duc de là; et, par Amiens et Dourlens, s'en alla à Lille, et puis à Gand, où étoit sa femme la duchesse Michelle, où il séjourna environ trois semaines. Et le rouge duc en Bavière, qui étoit venu servir le roi Henri, son beau-frère, comme vous avez ouï, atout (avec) cinq cents combattants ou environ, s'en retourna hâtivement, par Cambrai, en son pays d'Allemagne, pour ce qu'il avoit ouï nouvelles que les Bohémiens, instruits et enseignés par un clerc de leur pays, qui étoit hérétique, s'étoient dressés et confusément émus du venin d'hérésie, non pas seulement contre notre sainte foi catholique, mais avec ce, contre les rois d'Allemagne, de Hongrie et de Bohème; et en grand' multitude leur faisoient guerre mortelle et très cruelle.

CHAPITRE CCXLIII.

Comment Henri, roi d'Angleterre, alla de Rouen à Calais, avec lui la reine sa femme, et de là en Angleterre, où il fut reçu à très grand' joie de tous ceux du pays.

APRÈS ce qu'Henri, roi d'Angleterre eut ordonné ses besognes à Rouen, et commis en son lieu capitaine-général de toute la Normandie, son frère le duc de Clarence qui étoit moult prudent et renommé en armes, il se partit de là, et passa parmi Caux, avec lui la reine sa femme, son frère le duc de Bedfort, et bien six mille combattants; et vint par Poix à Amiens, la vigile Saint-Vincent ; et fut logé en l'hôtel de maître Robert le Jeune, qui naguère avoit été constitué nouvel bailli d'Amiens, au lieu du seigneur de Humbercourt. Si fut moult honorablement reçu, et lui fit-on et à sa femme la reine plusieurs présents; et de là, par Dourlans, Saint-Pol et Thérouenne, alla à Calais, où il séjourna aucuns jours; et après passa la mer, et alla en Angleterre, où il fut reçu comme l'ange de Dieu. Et lui venu en sondit royaume d'Angleterre, s'employa hâtivement par toutes manières à couronner sa femme la reine. Laquelle coronation fut faite en la cité royale de Londres, chef et maîtresse de tout le royaume. Et là fut faite telle et si grande pompe, et boban et joliveté,

que depuis le temps que jadis le très noble combattant Artus, roi des Bretons et des Anglois, commença à régner, jusques à présent, en Angleterre, qui étoit appelée la Grand' Bretagne, ne fut vue en ladite ville de Londres la pareille fête de nuls des rois anglois.

Après laquelle fête, ledit roi alla en propre personne par les cités et bonnes villes de son royaume; et leur exposa et déclara, comme homme discret et beau parleur, toutes les grands et bonnes avenues qui, par son'labeur et peine, par long-temps, et en moult de places, lui étoient advenues en France, et les besognes qui restoient et demeuroient encore à faire audit royaume, c'est à savoir subjuguer son adversaire le dauphin de Vienne, seul fils du roi Charles, et frère de sa femme, reine d'Angleterre, qui, à lui contredisant, se disoit régent de France et héritier, et tenoit, occupoit, et possédoit en doute la plus grand' partie dudit royaume, disant que pour ce faire et pour conquerre, deux choses lui étoient moult nécessaires, c'est à savoir finance et gens d'armes. Lesquelles requêtes par lui faites lui furent accordées et octroyées libéralement de tout son peuple des bonnes villes dudit royaume. Et pour vrai il assembla tantôt si grand' pécune en or, argent et joyaux, qu'à peine les pourroit-on nombrer. Et ce fait, il élut en sondit royaume une grand' compagnie de toute la jeunesse du pays, des plus forts et des plus habiles à traire et combattre, et en bref

en cueilla et fit un ost qu'il joignit avec ses princes, chevaliers et écuyers, tant qu'en tout as sembla bien trente mille combattants, pour derechef les mener en France, et combattre et subjuguer son adversaire le dauphin. Mais lui étant en sondit royaume d'Angleterre, et pour icelui obtenir plus sûr, prit et donna trèves à ses ennemis de Galles et d'Ecosse, et avec ce consentit la délivrance du roi d'Ecosse, qui par très long-temps avoit été prisonnier en Angleterre, comme dit est ailleurs, moyennant qu'il prît à femme sa cousinegermaine, sœur du comte de Sombresset (Sommerset), et nièce du cardinal de Winchestre, lequel fut principal envers le roi dessusdit de traiter icelui mariage et délivrance.

CHAPITRE CCXLIV.

Comment il s'émut grand discord entre le duc de Brabant et la duchesse sa femme, laquelle se départit de lui et s'en alla par Calais en Angleterre.

En ces mêmes temps fut moult grand discord entre le duc Jean de Brabante d'un part, et la duchesse Jacqueline sa femme d'autre; et tant, qu'icelle duchesse se départit de l'hôtel de sondit mari, pource principalement, comme il fut commune renommée, qu'elle le véoit de petit gouvernement, et aussi qu'il se laissoit dominer et conduire par gens de

trop petit état selon sa puissance et seigneurie. Pour lequel discord apaiser et remettre ensemble, s'en entremit et travailla par plusieurs fois le duc Philippe de Bourgogne, auquel les deux dessusdits étoient germains. Et pareillement y travailla par moult de fois la comtesse de Hainaut, mère de ladite duchesse; mais finablement oncques ne purent tant faire ni travailler vers elle, qu'elle y voulsît retourner; ainçois (ainsi ) se conclu et délibéra du tout en elle-même, qu'elle trouveroit les manières que la départie seroit faite d'elle et de son mari, et qu'elle en pût avoir un autre qui gouvernât sa personne et sa seigneurie, ainsi qu'il appartenoit à elle. Et pour lors étoit en fleur de son âge, belle et bien formée, ornée de bon entendement autant que nulle autre dame pouvoit être; et si véoit son temps passer, et sa jeunesse en grand' déplaisance, sans recouvrer. Et sur ce propos retourna en son hôtel, et avec ladite comtesse de Hainaut, sa mère, qui en partie l'avoit mariée audit duc de Brabant contre sa volonté. Auquel hôtel elle fut certaine espace, et après vinrent ensemble en la ville de Valenciennes. Auquel lieu icelle duchesse prit congé à sa mère dessusdite d'aller jouer en sa ville de Bohain; mais quand elle y fut, se partit le lendemain assez matin, et trouva sur les champs le seigneur d'Escaillon, natif de Hainaut, Anglois en cœur de toute ancienneté, avec lequel avoit eu grand conseil par avant audit lieu de Valenciennes; et lui avoit promis d'aller avec elle en Angleterre devers.

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