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CHAPITRE CCXXXII.

Comment grand' partie des gens du duc de Bourgogne retournèrent en leurs pays; et de la chevauchée que firent le seigneur del 'IleAdam, maréchal de France, et le seigneur de Croy.

APRÈS que les Picards et autres gens d'armes furent retournés du siége d'Alibaudières à Troyes. comme dit est, prirent bref ensuivant la plus grand' partie congé au duc de Bourgogne de retourner en leur pays, lequel leur fut accordé. Et se partirent environ trois mille chevaux, desquels étoient les principaux, le vidame d'Amiens, le borgne de Fosseux, chevalier, Hector de Saveuse, le seigneur d'Estenhuse, le seigneur de Commines, et aucuns autres capitaines, tant de Picardie comme de Flandre, qui tous ensemble chevauchèrent de Troyes, en tirant vers Rethel. Et nonobstant que les Dauphinois fussent en grand nombre pour les ruer jus et détrousser, néanmoins, par leur diligence, eschevèrent (évitèrent) leurs aguets, et retournèrent en leur pays sans avoir aucun empêchement. Après lequel partement, ledit duc de Bourgogne envoya plusieurs des autres capitaines qui étoient demeurés avecque lui au pays d'Auxerrois, pour mettre en l'obéissance du roi aucunes forteresses que tenoient les gens du dauphin, qui

moult travailloient le pays; c'est à savoir le ma réchal de l'Ile-Adam, Antoine, seigneur de Croy; le seigneur de Longueval, messire Mauroy de Saint-Léger, Baudo de Noyelle, Robert de Saveuse, Robert de Brimeu, le bâtard de Thien, et aucuns autres, atout environ seize cents combattants, lesquels, dudit lieu de Troyes, chevaucherent par plusieurs journées, jusques à une petite ville nommée Toussy, qui tenoit le parti du dauphin, et y repairoit (alloit) très souvent le seigneur de la Trimouille. Et pour tant lesdits capitaines, atout (avec) échelles de guerre et autres habillements, vinrent assez près dudit lieu de Toussy, entre le point du jour et soleil levé ou environ, ayant volonté et espérance d'icelle ville par soudain assaut prendre, ravir, piller, et du tout mettre à leur abandon. Et eux venus assez près, se mirent en bataille, et s'assemblèrent tous ensemble. Et furent faits nouveaux chevaliers, Antoine, seigneur de Croy; Butor, son frère bâtard; Baudo de Noyelle, Lyonnet de Bournonville, et aucuns autres, par la main du seigneur de l'IleAdam, maréchal de France. Et assez tôt après, d'un commun accord, allèrent assaillir ladite ville en plusieurs lieux, et dresser échelles contre les murs tout à leur aise, sans trouver grand' défense. Toutefois, jà-soit-ce que les habitans d'icelle ville fussent moult ébahis de première venue, si repri rent-ils cœur en eux, et commencèrent à eux défendre vigoureusement; et tant firent, que les as

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saillants dessusdits se retrahirent (retirèrent) hors de leurs fossés, et se logèrent en plusieurs lieux autour de ladite ville.

Auquel lieu furent par deux ou trois jours, faisants faire nouvelles échelles, crocs de fer, et autres habillements de guerre, pour derechef faire nouvel assaut. Et au troisième jour se rassemblèrent atout (avec) les habillement dessusdits, et allèrent comme devant assaillir très ardemment icelle ville, et dresser plusieurs échelles contre les murs; mais les défendeurs, en grand' hardiesse, résistèrent de grand courage contre lesdits assaillants; et, de pleine venue, en tuèrent et navrèrent plusieurs. Entre lesquels y furent morts un gentilhomme d'armes, nommé Ogier de Saint-Vandrille, et le capitaine des brigands dessusdits, nommé Tabary, avecque aucuns autres..

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Finablement, iceux assaillants, comme paravant avoient été, furent reboutés dehors les fossés en grand' confusion, et se retrahirent tous en leurs logis; et même demeura le dessusdit dedans les fossés. Et puis fut par iceux défendants porté dedans la ville, atout (avec) son harnois, et lui dénué fut mis en un sarcus (cercueil) et enterré en une église. En outre, vinrent en cette propre nuit nouvelles au seigneur de l'Ile-Adam, maréchal de France, et aux autres capitaines, que leurs ennemis venoient en grand nombre pour les combattre et ruer jus; pourquoi, hâtivement, tous ensemble montèrent à cheval, et chevauchèrent toute la nuit

pour iceux rencontrer, et le lendemain ouïrent nouvelles de leurs ennemis, qui étoient logés à deux lienes près d'Auxerre, dedans un fort moûtier, nommé Etampes Saint-Germain. Pourquoi les capitaines dessusdits, sachant icelles nouvelles, au plus tôt qu'ils purent, allèrent iceux assiéger dedans le moûtier, et mandèrent secours de vivres, arbalêtriers, et autres choses à eux duisables, à Avallon, à Auxerre, lequel secours leur fut envoyé. Et en conclusion, après que les parties eurent livré l'un à l'autre plusieurs éscarmouches, en la fin de dix-huit jours se rendirent iceux assiégés à iceux capitaines, par si qu'ils auroient leurs vies sauves, et demeureroient prisonniers tant qu'ils auroient. payé finances chacun selon son état. Après lequel traité ainsi fait, fut icelui moûtier, c'est à savoir la fortification, désolée et abattue; et après, lesdits capitaines retournèrent à Troyes, atout (avec) leurs gens, devers le duc Philippe de Bourgogne leur maître et seigneur.

CHAPITRE CCXXXIII.

Comment Henri, roi d'Angleterre, atout (avec) sa puissance, vint à Troyes en Champagne, pour lui marier, et parconclure la paix finale avec le roi de France.

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En ce même temps, Henri, roi d'Angleterre, accompagné de ses deux frères, c'est à savoir des ducs de Clarence, et des comtes de Hautiton (Huntingdon, de Warwick et de Kaint, avec plusieurs autres grands seigneurs d'Angleterre, et seize cents combattants, ou environ, dont il avoit la plus grand' partie archers, se partit de Rouen, et vint à Pontoise, et de là à Saint-Denis, et après au pont à Charenton, où il laissa de ses gens pour garder le passage. Et puis par Provins s'en alla à Troyes. Au-devant duquel, pour lui faire honneur et révérence, issirent le duc de Bourgogne, et plusieurs seigneurs, qui le convoyèrent jusques à son hôtel dedans icelle ville, où il se logea, et ses princes avecque lui, et ses gens d'armes se logèrent ès villages à l'environ. Et tôt après sa venue, alla voir le roi, la reine, dame Catherine, sa fille; si s'entrefirent très graids honneurs l'un à l'autre ; et après, furent assemblés de grands conseils entre eux, pour parclorre la paix finale et alliance, dont par avant est faite mention, et enfin furent d'accord.

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