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efforcéments des deux parties dessusdites, c'est à savoir du roi d'Angleterre et du duc de Bourgogne, sachant que par le moyen de la dessusdite alliance, il étoit en péril de perdre sa seigneurie, et l'attente qu'il avoit à la couronne de France. Néanmoins il eut conseil de pourvoir à son fait, et lui défendre au mieux qu'il pourroit. Si fit garnir de ses gens plusieurs villes qui étoient sur les frontières de ses adversaires, et y constitua capitaines des plus féables de son parti. Entre lesquels mit à Melun le seigneur de Barbasan, grandement accompagné; à Montereau le sire de Guitry; messire Robert de Loire à Montargis; le bâtard de Vauru et Pierron de Lupel à Meaux en Brie, le seigneur de Gamache à Compiegne, et en plusieurs autres lieux en fit pareillement. Et avec ce, se pourvut de très grand nombre de gens d'armes pour être toujours auprès de sa personne, en attendant les aventures qui de jour en jour lui pouvoient survenir.

CHAPITRE CCXXXI.

Comment le comte de Conversan, messire Jean de Luxembourg, son frère; le seigneur de Croy, et autres capitaines, mirent le siége devant Alibaudières, et ce qu'il en advint.

Au commencement de cet an, envoya le duc de Bourgogne, Pierre de Luxembourg, comte de Conversan et de Briauté; messire Jean de Luxembourg, son frère, et plusieurs de ses capitaines, comme le maréchal de l'Ile-Adam, le vidame d'Amiens, Antoine, seigneur de Croy; Hector de Saveuse, messire Mauroy de Saint-Léger, le bâtard de Thien, et aucuns autres en grand nombre, mettre le siége devant le châtel d'Alibaudières, dont par avant est faite mention. Lesquels dudit châtel avoient refortifié très bien leur boulevert, qui autrefois par ledit messire Jean de Luxembourg et ses gens avoit été pris et mis en feu; et tant en ladite fortification avoient continué, qu'il étoit plus défensable que jamais n'avoit été. Mais néanmoins ledit de Luxembourg venu devant ladite forteresse, sans y faire long séjour, fit armer et habiller grand' partie de ses gens, lesquels, atout (avec) échelles et autres habillements de guerre, il mena pour assaillir ledit boulevert, le cuidant (croyant) prendre,

comme autrefois avoit fait. Et là très âprement et par longue espace fut ledit assaut continué, tant que les deux parties combattoient l'un contre l'autre très vaillamment; et étoient contre icelui dres sées aucunes échelles, sur lesquelles combattirent par grand espace et vigueur Hector de Saveuse Henri de Chauffour, et aucuns autres experts en armes. Lequel Henri de Chauffour, très renommé en armes, étant sur une desdites échelles, armé de plein harnois, fut féru d'un fer de lance au vide de son harnois de jambes, parmi son jarret; duquel coup il mourut dedans brefs jours ensuivant. Et là les défendeurs combattoient par merveilleuse vertu en défendant leur garde.

Durant lequel assaut, messire Jean de Luxembourg, qui étoit au plus près dudit boulevert, avoit levé sa visière de son bassinet, et regardoit la contenance des dessusdits défendeurs par entre deux chênes : mais l'un d'iceux défenseurs ce percevant, le férit assez près de l'œil, d'une lance ferrée ou non ferrée, ne sais pas bien lequel; duquel coup il fut très durement navré, et en perdit finablement la vue d'icelui œil. Et lors aucuns de ses gens le ramenèrentdedans sa tente pour lui reposer; et assez tôt après son étendard, qui avoit été porté audit assaut, fut pris par le bout et coupé au plus près de la lance où il tenoit; dont ledit de Luxembourg, en poursuivant de courroux en autre, fut très iré. Pour lesquels inconvénients, et aussi pour la grand' résistance des défendeurs, cessa pour cette fois ledit

assaut, mais ce ne fut pas qu'il n'y eût plusieurs · des assaillants morts et navrés.

En outre, le comte de Conversan et les autres capitaines se logèrent tout à l'environ de ladite forteresse. Et furent assises contre la porte, tours et murailles d'icelle plusieurs grosses bombardes, pour icelui châtel confondre et abbattre. Et ledit messire Jean de Luxembourg, pour la grand' douleur de sa blessure à soulager, fut ramené à Troyes en Champagne, où il fut soigneusement visité par notables médecins.

Son frère, le comte de Conversan dessusdit, demeure principal conducteur d'icelui siége, et là, par les engins dessusdits, fit tant continuer, qu'icelle forteresse fut fort dommagée, et la porte et aucunes tours abattues jusques à moitié ou environ. Pourquoi les assiégés commencèrent à eux ébahir, et requirent d'avoir parlement avec ledit comte, lequel leur fut accordé. Mais, pour cette première fois, ne purent être d'accord; par quoi, incontineut que ceux qui étoient issus pour traiter furent rentrés, les assiégeants, sans commandement de leur capitaine, en plusieurs lieux commencèrent à eux armer, et vigoureusement et de grand courage, atout (avec) échelles, allèrent pour assaillir ladite forteresse. Et, de pleine venue, entrèrent dedans deux tours bien soixante hommes d'armes, mais bonnement ne pouvoient passer plus avant, pour la fortification qu'iceux assiégés avoient faite. Toutesfois ledit assaut dura moult terrible, péril

leux et dangereux par l'espace de cinq heures ou environ; et y eut, tant desdits assaillants comme desdits défendants, plusieurs morts et navrés. Et, pour mettre fin, ceux qui étoient entrés dedans lesdites tours furent chassés et boutés dehors par la force et défense d'iceux défendeurs. Et même tirèrent dedans une trompette qui étoit armé en état d'hommes d'armes.

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Et le lendemain, iceux assiégés, doutant d'avoir nouvel assaut, requirent d'avoir traité. Et, en conclusion, furent d'accord, par condition qu'ils s'en iroient, sauve leur vie tant seulement, excepté aucuns qui emmenèrent chacun un petit cheval, et s'en allèrent en tel état à Moymers. Et la forte resse dessusdite fut du tout démolie, arse et abbattue, et les biens furent pillés par l'enforcement des gens d'armes assiégeants; et en prit chacun qui plus tôt y pût advenir, en rompant les ordonnances des capitaines; lesquels bref après s'en re+ tournèrent à Troyes, et ès villages à l'environ.or

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