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honorés dedans la ville d'Arras, par le duc de Bourgogne et ceux de son conseil, s'en retournèrent à Rouen devers leur roi.

Durant lesquels traités et besognes dessusdites, messire Jacques de Harcourt se montroit en toutes manières bienveillant de la partie du dessusdit duc de Bourgogne ; et étoit des premiers appelé à tous ses plus privés conseils ; et aussi lui faisoit ledit duc grand honneur et révérence, autant qu'à nul autre de sa cour; et l'aimoit moult cordialement; car depuis la mort du duc Jean son père, avoit fait serment de le servir en toutes ses affaires. Lequel messire Jacques, pour ce temps, faisoit grandement réparer, fortifier et pourvoir de vivres, habillements de guerre, et autres choses nécessaires, la ville et forteresse du Crotoy, dont il avoit le gouvernement de par le roi.

CHAPITRE CCXXVI.

Comment messire Jean de Luxembourg fit grand' assemblée de gens d'armes, qu'il mena devant Roye, et autres besognes qui se firent en ce temps.

ENSUIVANT les besognes dnssusdites, et pour icelles commencer à mettre à exécution, le duc de Bourgogne fit grand' assemblée de gens d'armes, tant en Artois et en Flandre, comme ès pays à l'enCHRONIQUES DE MONSTRELET. - T. IV.

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viron; lesquels, avec plusieurs capitaines, il envoya sous le gouvernement de messire Jean de Luxembourg, vers Péronne, pour passer à montre (revue), et de là aller mettre le siége devant le château de Muyn, qui étoit fort garni des gens du dauphin, lesquels faisoient en la ville d'Amiens, à Corbie et ès marches d'entour, moult de tribulations. Et là, audit lieu de Péronne, avecque le dessusdit de Luxembourg, s'assemblèrent plusieurs seigneurs ; c'est à savoir le seigneur de l'Ile-Adam, maréchal-de-France, le vidame d'Amiens, Antoine, seigneur de Croy; le Borgne de Fosseux, chevalier, et Jean de Fosseux son frère, le seigneur de Longueval, Hector et Philippe de Saveuse, le seigneur de Humbercourt, messire Jean de Hutequerque, le seigneur de Cohen, et moult d'autres chevaliers et écuyers notables, qui, tous ensemble, de Péronne allèrent loger à Lihons en Santerre, et ès villages entour, espérant, comme dit est, aller mettre le siége devant Muyn. Mais en bref leur propos fut mué; car, étant en la ville de Lihons, le dimanche dixième jour de décembre, par nuit, messire Karados de Quesnes, Charles de Flavi, bâtard de Tournemine, et un nommé Harbonnières, accompagnés de cinq cents combattants ou environ, tenant la partie du dauphin, issirent de Compiègne, et chevauchèrent jusqu'à la ville de Roye en Vermandois, laquelle, par faute de guet, ils assaillirent; et entrèrent une grand' partie dedans; et tantôt s'assemblèrent au marché et commencèrent

le

àcrier: Ville gagnée! vive le roi et le dauphin ! Auquel cri s'éveillèrent plusieurs des habitants, qui tantôt voyant qu'ils ne pouvoient à eux résister, s'enfuirent et se sauvèrent par dessus les murs ; et une partie des Dauphinois allèrent ouvrir la porte, et mirent tout le surplus de leurs gens avec leurs chevaux dedans la ville. Et lors, Perceval-leGrand, qui étoit capitaine de ladite ville, de par duc de Bourgogne, fut dudit effroi éveillé; et, comme aucuns autres, quand il aperçut qu'il ne pouvoit résister à l'entreprise dessusdite, se sauva le mieux qu'il put, et issit de la ville, laissant derrière sa femme et ses enfants, et grand' partie de ses biens; et au plus tôt qu'il put's'en alla à Lihons en Santerre, devers messire Jean de Luxembourg son maître, et très dolent lui raconta les nouvelles dessusdites. Pour lesquelles ledit messire Jean de Luxembourg fit tôt sonner ses trompettes, et assembla tous ses gens d'armes, atout (avec) lesquels, par ordonnance, alla par - devers ladite ville de Roye, et envoyá certain nombre de coureurs devant la ville savoir que c'étoit. Lesquels coureurs trouvèrent encore les échelles dressées aux murs de la dessusdite ville, par où lesdits Dauphinois l'avoient prise; lesquels voyant lesdits coureurs et plusieurs gens d'armes sur les champs, se préparèrent incontinent d'eux défendre, et commencèrent à tirer canons, d'arbalêtes et arcs à main, très fort contre leurs ennemis.

Toutefois, nonobstant leurs défenses, fut pris

un faubourg sur eux, qu'ils cuidoient (croyoient) garder; à laquelle prise, tant d'un côté comme d'autre, y eut plusieurs hommes navrés. Entre lesquels y fut navré, en la partie de messire Jean de Luxembourg, un vaillant homme d'armes, nommé Robinet de Rebretaignes, lequel, à l'occasion d'icelle navrure, mourut en dedans certain temps ensuivant.

En après, messire Jean de Luxembourg fit loger grand nombre de ses gens, tout autour de la ville, en plusieurs faubourgs et autres maisons qui y étoient, et il se logea à un village, environ à demilieue de ladite ville; et après, envoya le sire de Humbercourt, bailli d'Anniens, à Amiens et à Cor-bie, requerre qu'on lui envoyât des arbalêtriers, canons, et autres habillements de guerre, pour combattre et subjuguer la ville de Roye. Lesquels d'Amiens et de Corbie envoyèrent avec ledit de Humbercourt, des arbalêtriers et habillements dessusdits, très largement. Et pareillement furent mandés les arbalêtriers de Douai, Arras, Péronne, Saint-Quentin, Mont-Didier, Noyon et autres, l'obéissance du roi. Auquel mandement furent en voyés diligemment en grand nombre par gouverneurs desdites villes; et après que les arbalêtriers furent venus, et aussi les habillements de ledit de Luxembourg fit très puissamment guerre, environner et combattre ladite ville; et fit asseoir plusieurs bombardes et gros engins contre les portes et murailles, dont les assiégés furent moult

les

de

travaillés. Néanmoins se défendirent vigoureusement, et firent aucunes saillies sur les assiégeants, où ils profitèrent bien peu. Finablement lesdits assiégés, non ayant l'espérance d'être secourus, firent traité avec ledit de Luxembourg ou ses commis, le dix-huitième jour de janvier, par condition qu'ils s'en iroient saufs leurs corps et leurs biens, et avec ce emporteroient aucune partie des biens qu'ils avoient gagnés en la ville.

Apres lequel traité fait et confirmé, se partirent sous le sauf-conduit de messire Jean de Luxemhourg, chef de cette armée ; lequel, avec ce, pour les conduire, leur bailla Hector de Saveuse. Et tous ensemble, quand ils furent hors de la ville, prirent leur chemin vers Compiegne, et chevauchèrent très fort; mais assez tôt après leur partement, vinrent audit lieu de Roye, environ deux mille Anglois, dont étoient capitaines le comte de Hautiton (Huntingdon '), et le seigneur de Cornouaille, son beau-père. Lesquels Anglois venoient en icelle place en l'aide des gens du duc de Bourgogne contre les Dauphinois; car, comme dit est, icelles

1. Jean Holland, fils de Jean, comte de Holland et duc d'Exeter. Henri V lui rendit le comté de Huntingdon, confisqué sur son frère, lors de son exécution. (Voyez tom. 14 de J. Froissart. )

2. Elisabeth, sœur d'Henri IV, après la mort du premier duc de Huntingdon, épousa sire Jean de Cornewall, depuis lord Fanhope.

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