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<<< Chers et bien aimés, nous tenons qu'assez avez eu la connoissance comment naguères nous convinmes avec le duc de Bourgogne, au lieu de Pouilly, après ce que nous lui eûmes accordé toutes les choses qu'il nous requit en faveur du bien de la paix, et pour eschever (éviter) la perdition de la seigneurie de monseigneur et de nous, et qu'entre les autres choses il nous promit, par la foi et serment de son corps, dedans un mois faire guerre aux Anglois, anciens ennemis de monseigneur et de nous, et en ce faisant il eût été accordé par entre nous deux d'ensemble convenir derechef à besogner et pourvoir aux besognes de ce royaume, et contre les ennemis dessusdits; pour laquelle cause nous vinmes en cette ville de Montereau, el en icelle attendîmes dix-huit jours la venue dudit duc de Bourgogne, auquel fîmes bailler le châtel de cette ville de Montereau, en nous délogeant d'icelui.

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Et après ce que nous convinmes avec lui en la manière qu'il demanda, nous lui remontrâmes amiablement comment, nonobstant ladite paix et sesdites promesses, il ne faisoit ni avoit fait aucune guerre auxdits Anglois, et avec ce n'avoit fait issir les garnisons qu'il tenoit, comme il avoit été traité et promis par ledit de Bourgogne; desquelles cheses nous le requîmes. Lequel de Bourgogne nous répondit plusieurs folles paroles, et chercha son épée à nous envahir et villener (avilir) en notre personne. Laquelle, comme après nous avons su,

il contendoit à prétendre, et mettre en sa sujétion. De laquelle chose, par divine pitié, et par la bonté et aide de nos loyaux serviteurs, nous avons été préservés ; et il, par sa folie, mourut en la place.

» Les choses dessusdites nous vous signifions, comme à ceux qui auront grand' joie, comme nous sommes certains, qu'en telle manière de tel péril nous avons été préservés. Et vous prions et néanmoins vous mandons sur toute bonne loyauté que toujours avez eue à mondit seigneur et à nous, que pour quelque chose qu'il advienne, vous ne laissiez que ne fassiez bonne résistance auxdits ennemis de monseigneur et de nous, et vous préparez à faire toute guerre. Et soyez certains que nous vous secourrons et aiderons et conforterons avec toute notre puissance, laquelle, par la grâce de Dieu, est bonne et grande. Et voulons que toutes choses advenues soient pardonnées, et que pour icelles à nul ne soit fait dommage ou déplaisance; mais l'abolition faite par mondit seigneur nous garderons de point en point, et ladite paix. Et ce vous promettons en bonne foi, et en paroles de fils de roi.

>> Et sur ce envoyons nos lettres-patentes au prévôt des marchands, des échevins et bourgeois de Paris, à icelles signifier à vous et aux autres, et-à publier où il appartiendra; et de ce donnerons telles sûretés comme il voudra; et entretiendrons au duc de Borgogne et à ses serviteurs, et à tous autres qui ont tenu son parti, paix, comme elle fut

concordée et publiée, sans icelle enfreindre en aucune manière, désirant tenir tous les sujets de mondit seigneur et les nôtres, à résister en bonne paix auxdits ennemis. Et à ce est notre intention à nous employer en notre personne; et voulons que les choses dessusdites fassiez publier ès villes et places autour de vos marches, et que semblablement icelles choses vous assuriez de par nous. Chers et bien aimés, Notre-Seigneur vous ait

en sa sainte garde.

Ecrit à Montereau, où faut Yonne, le onzième jour de septembre.

Ainsi signé Charles Champion. >>

Au dos étoit écrit: « A nos très chers et bien aimés les bourgeois, clergé, manants et habitants de Paris. >>

Auxquelles lettres, par espécial ès villes qui lenoient le parti du roi et du duc de Bourgogne, ne fut par eux rendue aucune réponse. Et pareillement messire Clignet de Brabant, qui se tenoit à Vitry, écrivit à plusieurs bonnes villes pour les attraire du parti du dauphin ; mais quand il vit qu'ils ne lui répondirent pas à son plaisir, il commença à leur faire très forte guerre.

CHAPITRE CCXXI.

Coinment le seigneur de Montagu écrivit à plusieurs bonnes villes du royaume ; et des Parisiens, qui refirent serment nouvel après la mort dudit duc de Bourgogni.

LE sire de Montagu, après ce qu'il fut retourné de Montereau à Bray-sur-Seine, le plus tôt qu'il put, fit écrire plusieurs lettres contenant que par ledit duc de Touraine, dauphin, et son conseil, avoit été commis crime à la personne de son seigneur, le duc de Bourgogne; lesquelles lettres il envoya à Troyes, Reims, Châlons, et autres bonnes villes tenant le parti du roi et du duc de Bourgogne. Esquelles lettres aussi leur prioit très humblement qu'ils fussent bien sur leur garde, et que point n'obtempérassent aux paroles et mensonges de ceux tenant la partie du dauphin, disant par lesdites lettres, que bien étoit leur déloyauté découverte, mais se entretinssent toujours en leurs bons propos de la partie du roi et du comte de Charrolois, successeur du duc de Bourgogne, par lequel ils auroient bonne et brève aide au plaisir de Dieu. Lesquelles lettres aux bonnes villes dessusdites furent bénignement reçues, en remerciant moult de fois ledit sire de Montagu, pour son mes>

sage, disant que moult fort étoient dolents de l'aventure dessusdite.

Et quand, le onzième jour de septembre, vintà la connoissance des Parisiens que ledit duc de Bourgogne étoit ainsi mort, furent tant dolents et confus que plus ne pouvoient. Et pour tant, lendemain, au plus matin qu'ils purent, s'assemblèrent le comte de Saint-Pol, le lieutenant du roi à Paris, le chancelier de France, les prévôts de Paris et des marchands, et généralement tous les conseilliers et officiers du roi, et avec eux grand' quan. tité des nobles et bourgeois de la ville, et grand' multitude du peuple. Lesquels, après ce qu'on leur eut fait remontrer la mort du duc de Bourgogne, et l'état comment icelle avoit été perpétrée et faite, firent serment au dessusdit comte de Saint-Pol de le servir et obéir, et d'être et entendre avec lui de toute leur puissance à la garde et défense de ladite ville de Paris et des habitants; et généralement à la conservation de tout le royaume; à résister de corps et de biens à la damnable intention et efforcement des crimineux, séditieux,

peurs de la paix et union de ce royaume, et de poursuivir, de tout leur pouvoir, vengeance et réparation contre les conspirateurs, coupables et consentant, de la mort et homicide dudit duc de Bourgogne, et dénoncer et accuser devers justice tous ceux portant faveur auxdits conspirateurs. Promirent aussi de non rendre la ville de Paris, ni faire quelque traité à part sans le su l'un de l'autre.

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