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Barbasan. Auquel de Barbasan fut moult désagréable, et tant que, par plusieurs fois, reprocha à ceux qui avoient machiné le cas dessusdit, en disant qu'ils avoient détruit leur dessusdit maître de chevance et d'honneur. Et dit que mieux voudroit. avoir été mort, que d'avoir été à icelle journée, combien qu'il en fût innocent.

Toutefois, le dauphin retourné en son hôtel après cet homicide, fut ordonné par ceux de son conseil, que deux cents hommes d'armes iroient devant la forteresse, pour faire rendre ceux qui étoient dedans. Auxquels là venus, fut l'entrée défendue. Et pour tant les dessusdits se retrahirent une partie en la tour du pont, et l'autre en une tour vers les faubourgs, et là demeurèrent cette nuit. Et ceux qui étoient en ladite ville murèrent la porte vers la ville, et n'eurent autres nouvelles jusques au lendemain matin, qu'on leur commença très fort à jeter canons contre ladite porte.

Et assez bref après, allèrent quatre ou cinq chevaliers de par le dauphin parler à iceux, et leur signifier qu'ils rendissent ladite forteresse; et si ce ne faisoient, il les feroit assaillir et couper les têtes, s'ils étoient pris par force. Auxquels fut répondu par les dessusdits Jonvelle et Montagu, que monseigneur de Bourgogne, leur seigneur, auquel le dauphin l'avoit livré, leur avoit baillé en garde, et qu'ils ne le rendroient pas, s'ils n'avoient certaines enseignes de lui. Pourquoi les dessusdits, ce oyant, retournèrent en la ville; et tantôt après rallèrent

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devers ladite forteresse, et y menèrent messire Antoine de Vergy, lequel appela les deux seigneurs dessusdits, et ils répondirent en demandant comment il lui étoit. Et sans faire à ce ré

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ponse, il leur dit : Frères, monseigneur le dauphin me fait dire que vous lui rendez cette forteresse, et que si ce ne faites, et il vous prend dedans par force, il vous fera trancher » les têtes. Et si vous lui voulez rendre et tenir son parti, il vous fera des biens, et vous dépar» tira des offices de ce royaume très largement.

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Après lesquelles paroles, demandèrent audit messire Antoine s'il savoit nouvelles de monseigneur le duc. A quoi il ne répondit mot, et signa de son doigt contre terre, et après dit : « Je vous » conseille que vous rendez ladite forteresse à

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monseigneur le dauphin. » Et comme devant dirent: «Sans avoir nouvelles de monseigneur le

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duc, qui la nous a baillée en garde, nous ne » la rendrons pas. » Et adonc les chevaliers dudit dauphin leur dirent : « Mettez par écrit tel >> traité que vous voulez avoir, et on vous fera ré»ponse. » Et sur ce, se retrahirent lesdites parties, et firent les dessusdits mettre par écrit ce qu'il leur plut, et l'envoyèrent devers ledit dauphin.

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Premier, requirent à mettre la forteresse en la main de monseigneur de Bourgogne leur seigneur, qui leur avoit baillée en garde, ou au moins avoir décharge de lui, signée de sa main ;

Item, que tous les prisonniers qu'il avoit devers lui, lesquels avoient été pris avec ledit duc, il les rendît quittes sans payer finances;

Item, que tous les hommes et femmes, de quelque état qu'ils fussent, étant dedans ladite forteresse, avec tous les biens qui y avoient été de leur parti apportés, s'en pussent aller franchement où bon leur sembleroit ;

Item, qu'ils eussent délai de quinze jours à demeurer dedans ledit châtel, tant que leurs chevaux fussent venus ;

Item, qu'ils eussent sauf-conduit pour deux cents hommes d'armes, qui les viendroient quérir pour les conduire où bon leur sembleroit, et que ledit sauf-conduit durât quinze jours.

Après lesquels articles, visités par ledit dauphin et son conseil, furent renvoyés devant la forteresse les chevaliers dessusdits, qui par avant y avoient été envoyés. Lesquels dirent à ceux de dedans que, quant à la personne du duc de Bourgogne, elle ne soit plus demandée : car on ne la peut avoir.

Quant aux prisonniers qui ont été pris avec lui, ils sont bien à monseigneur le dauphin, et leur départira des biens et offices de ce royaume; et n'en soit requis plus avant.

Quant aux biens qui sont dedans la forteresse, appartenant au duc de Bourgogne, ils demeureront en la main de monseigneur le daupliin, et les fera recevoir par inventoire, en baillant décharge à ceux qui les ont en garde. Et les autres

qui sont léans, emporteront tous leurs biens, lesquels ils ont apportés.

Quant aux quinze jours, que demandez de délai, rien ne s'en fera; mais on vous fera conduire jusques à Bray sur Seine.

Quant au sauf-conduit de deux cents hommes d'armes, il n'est nul besoin de l'avoir, puisqu'aurez conducteurs.

Toutefois, après plusieurs paroles, les dessusdits chevaliers, de Jonvelle et de Montagu, pour eux et pour leurs gens, firent traité avec ledit dauphin, par si qu'ils s'en iroient saufs leurs corps et leurs biens, en rendant ladite forteresse. Et à ce furent reçus, et tous les biens et joyaux qui étoient audit duc de Bourgogne, demeurèrentléan. Et avec ce demeura avecque le dauphin la dame de Giac ; laquelle, comme il fut commune renommée, fut consentante de ladite homicide. Et pareillement, y demeura Philippe Jossequin, et n'osa retourner devers la duchesse de Bourgogne, ni devers son fils, comte de Charrolois, pour tant qu'il n'étoit pas bien en leur grâce.

Lequel Philippe Jossequin étoit natif de Dijon, fils de l'armurier de feu le duc Philippe de Bourgogne; et par long temps avoit été moult féable, et aimé par-dessus tous du dessusdit due de Bourgogne; c'est à savoir de ses serviteurs; et même lui faisoit porter son scel de secret, et signer lettres de sa main, comme si ledit duc les eût signées ; et y avoit peu de différence du signé que contrefaisoit le dessusdit Philippe Jossequin, à

l'encontre de celui que faisoit le duc de sa propre main. Pour lesquelles besognes et grands autorité il fut par plusieurs fois moult haï de plusieurs seigneurs repairant en la cour d'icelui prince; mais néanmoins, étant en l'état dessusdit, il acquit de grands finances, et fit une moult notable maison dedans la ville de Dijon. Lesquelles chevances à son département, il délaissa en plusieurs lieux ; c'est à savoir en Bourgogne, en Flandre et ailleurs ; lesquelles furent prises, comme confisquées des officiers du comte de Charrolois, et les donna à aucuns de ses serviteurs; et le dessusdit Philippe, ainsi comme dit est, s'en alla dénué de tous biens.

CHAPITRE CCXXI.

Copie des lettres envoyées par le dauphin en plusieurs bonnes villes du royaume, après la mort du duc Jean de Bourgogne.

Le lundi onzième jour de septembre, après ce que le duc de Touraine, dauphin, eut tenu, dedans la ville de Montereau grand conseil sur ses affaires; afin qu'il ne fût noté d'avoir rompu ladite paix, et aussi qu'on ne le tenît (tînt) pour parjure, fit écrire plusieurs lettres, lesquelles il envoya à Paris, Reims, Châlons et autres bonnes villes du royaume ; desquelles la copie de celles qui furent envoyées à Paris s'ensuit.

CHRONIQUES DE MONSTRELET.

-T. IV.

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