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nèrent à Rouen, devers leur roi. Et bref ensuivant, le dessusdit roi de France, la reine et leur fille dame Catherine, et aussi le duc de Bourgogne, atout (avec) grand' puissance de gens d'armes, allèrent à Pontoise. Et eux là venus, comme il avoit été ordonné par avant avec les dessusdits ambassadeurs, firent préparer un grand parc, où se devoit tenir la convention; lequel parc fut très bien clos de bonnes bailles (portes), portant de bons ais hauts, appuyés de solives en aucuns côtés ; et si étoit environné de bons fossés, et enjoignoit d'un côté assez près de la rivière de Seine; et y avoit plusieurs entrées fermées à trois barrières. Et dedans furent tendus plusieurs tentes et pavillons pour reposer les seigneurs. Et après firent ordonner aucuns villages où se devoient loger les gens et chevaux des dessusdits par ordonnance.

Et lors étoit venu le roi d'Angleterre de Rouen à Mantes; et quand la journée fut venue qu'icelles parties devoient assembler en conseil, pour tant quele roi de France étoit mal disposé de santé, se partirent de Pontoise la reine de France, dame Catherine sa fille, le duc de Bourgogne, et le comte de Saint-Pol, avec eux tout leur conseil, et bien mille combattants; et allèrent audit lieu ordonné d'emprès Meulan; et descendirent en leurs tentes au-dessous du parc. Et tôt après arriva le roi d'Angleterre, accompagné des dues de Clarence et de Glocestre, ses frères, son conseil, et bien mille combattants; et descendit en sa tente comme avoient fait les autres.

et

Et après que par leurs messages eurent pris conclusion d'entrer en conseil, ladite reine adextrée du duc de Bourgogne, de dame Catherine, du comte de Saint-Pol, atout (avec) leur conseil, et aucunes dames et damoiselles, entrèrent dedans ledit parc.

Et pareillement le roi d'Angleterre, accompagné de ses deux frères et de son conseil, par une autre entrée vint dedans le parc; auquel lieu, en lui inclinant révéremment, salua la reine, et puis la baisa, et ainsi fit à dame Catherine.'

Et après, le duc de Bourgogne salua ledit roi en fléchissant un petit le genou, et en inclinant son chef, lequel roi le prit par la main, et le baisa en lui faisant grand honneur.

Et adonc, d'un consentement, entrèrent dedans la tente du conseil ; et menoit ledit roi la reine de France, étant au-dessus de lui. Dedans laquelle tente se tinrent très longuement; et étoient leurs gens d'armes, chacun par ordonnance, selon les lices; et avec ce y avoit certaine garde dedans ledit parc, afin que nul n'y entrât s'il n'étoit à ce commis. Et après qu'ils eurent été au conseil grand espace, prenants congé l'un à l'autre moult honorablement et humblement, s'en retournèrent les uns à Pontoise et les autres à Mantes. Et le lendemain et bien trois semaines ensuivant retournèrent et convinrent par plusieurs journées, en pareil état qu'ils avoient été la première fois, sauf que la dessusdite Catherine de France, qui y avoit été menée,

afin que ledit roi d'Angleterre la vît, lequel étoit moult désirant de l'avoir en mariage, et y avoit bien cause, car elle étoit moult belle dame de haut lieu et de gracieuse manière, n'y retourna pas depuis la première fois.

Et là, eux assemblés, sur espérance de faire aucun bon traité, furent plusieurs matières ouvertes ; et souvent venoit l'une des parties plus puissamment accompagnée que l'autre ; et une autre fois celui qui étoit venu à plus grand' puissance venoit à moindre; et jà-soit-ce que les François et Anglois là étant fussent toujours, comme dit est, durant ce, logés l'un au plus près de l'autre, oncques n'y eut rumeur ni débat entre lesdites parties, et vendoient l'un à l'autre plusieurs denrées. Toutefois ne purent lesdites parties en la fin rien concorder ni pacifier, pour tant que ledit roi d'Angleterre faisoit demandes extraordinaires, avec la fille du roi, comme autrefois avoit fait.

Et aussi, durant ledit parlement et pour icelui corrompre, le dauphin, et son conseil, envoya devers le duc de Bourgogne Tanneguy du Châtel, pour lui signifier qu'il étoit prêt de traiter avec lui, combien que par avant ledit duc de Bourgogne l'eût par plusieurs fois de ce fait requerre. Finablement, comme dit est, après que ledit parlement fut départi, et du tout mis à néant durant les trèves, les tentes furent ôtées, et le parc défait de l'accord des parties; et se retrahirent, les uns à Pontoise, et les autres à Mantes.

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Pour lequel parlement ainsi départi, le roi d'Angleterre fut très courroucé et déplaisant, pour ce qu'il ne pouvoit venir à son intention; et prit pour cette cause le duc de Bourgogne en grand' indignation. Car il savoit bien que pour le présent étoit le principal, par qui les besognes du roi étoient conduites. Et à la derraine journée qu'ils furent ensemble, voyant que pas ne lui seroient accordées ses demandes avecque la fille du roi de France, dit au duc de Bourgogne : « Beau cousin, nous voulons » que vous sachiez que nous aurons la fille de >> votre roi, et tout ce qu'avons demandé avec elle, >> ou nous le débouterons, et vous aussi, hors de son » royaume. » Auxquelles paroles ledit duc répon: «< Sire, vous dites votre plaisir; mais devant qu'ayez débouté monseigneur et nous hors de » son royaume, vous serez bien lassé ; et de ce ne faisons nulle doute. »>

dit:

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Entre lesquelles paroles et plusieurs autres, lesquelles seroient trop longues à écrire, se départi- . rent, prenant congé l'un à l'autre, et retournèrent, comme dit est, ès lieux dont ils étoient partis.

Et brefs jour ensuivant, vint audit lieu de Pontoise, messire Jean de Luxembourg, atout grand' compagnie de gens d'armes, qu'il avoit assemblés ès pays de Picardie, par l'ordonnance du duc de Bourgogne, pour , pour le accompagner à aller devers Melun à l'encontre du duc de Touraine, dauphin; car déjà les ambassadeurs des deux parties, c'est à savoir du dauphin et du duc de Bourgogne,

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avoient tant traité ensemble que pour les faire convenir à certain jour en personne l'un avec l'autre; et mêmement avoient élu lieu et place où ils se devoient assembler. Et pour icelle besogne accomplir, vint ledit dauphin de Tours par Montargis à Melun, atout (avec) grand' puissance de gens d'armes. Et pareillement le duc de Bourgogne, accompagné du jeune comte de Saint-Pol, son neveu, messire Jean de Luxembourg, et de moult d'autres seigneurs, avecque grand nombre de gens d'armes, se partit de Pontoise, et alla à Corbeil, la dame de Giac en sa compagnie, qui, en partie, avoit été traiteresse (médiatrice) d'icelle assemblée. Et le lendemain, qui fut le onzième jour de juillet, se mirent les dessusdits princes sur les champs, chacun atout sa puissance; et encontrèrent l'un l'autre environ à une lieue près de Melun, emprès Pouillyle-Fort; auquel lieu ils vinrent à deux traits d'arc ou environ, et firent arrêter leurs batailles, et partirent hors d'icelles chacun atout (avec) dix hommes de leur partie, tels qu'ils les voudroient prendre; et allèrent au milieu desdites batailles l'un contre l'autre. Si descendirent à pied. Et lors le duc de Bourgogne, approchant le dauphin, s'inclina moult humblement par plusieurs fois. Et ledit dauphin eu ce faisant prit ledit duc par la main, qui étoit à genoux, et le baisa; et puis il le voulut faire relever, mais il ne le voulut, et lui dit : « Monseigneur,

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je sais bien comment je dois parler à vous., » Toutefois, en faisant les choses dessusdites, ledit

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