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CHAPITRE CCV.

Comment la dauphine fut renvoyée à son mari le dauphin; du siége de Tours en Touraine, et du gouvernement qui lors se faisoit de par le roi et le duc de Bourgogne.

En ce même temps, par le consentement du roi de France, de la reine et du duc de Bourgogne, fut renvoyée honorablement, jusques en Anjou, la femme du dauphin, qui avoit été trouvée à Paris à la prise, et lui furent délivrées à son partement, toutes ses bagues, afin que ledit dauphin fût plus enclin de venir à paix, et retourner avec le roi son père; mais ce rien n'y valut, car ceux qui le gouvernoient ne l'eussent jamais souffert, parce qu'ils savoient que s'il y retournoit, seroient destitués de leurs états et gouvernements. Et aussi vint adonc devers lui le jeune comte d'Armagnac très grandement accompagné de plusieurs nobles hommes, lequel fit grand' plainte de la cruelle mort de son père, connétable de France, et des autres seigneurs qui naguères avoient été mis à mort. Auquel comte d'Armagnac fut répondu, par le dauphin et son conseil, que de ceux qui les avoient occis, on en feroit bonne et briève justice en temps et en lieu. Et adoncicelui dauphin, atout (avec) grand' puissance de gens d'armes, alla mettre le siége devant la ville

et

de Tours en Touraine, de laquelle étoient capitaines, messire Guillaume de Rommenel, chevalier, Charles Labbe; lesquels, dedans brefs jours, rendirent la ville au dauphin. Et mêmement se tourna ledit Charles Labbe de son parti, en faisant à lui serment; et les gens d'armes qui étoient avec lui, non veuillant faire serment, eurent sauf-conduit pour aller où bon leur sembla. Auquel lieu de Tours demeura ledit dauphin, et tout son état, par certaine espace de temps.

Et d'autre part, le duc de Bourgogne, qui avoit le roi et la reine du tout en son gouvernement, se faisoient toutes besognes ès pays à eux obéissants, à son plaisir. Et pour tant que par lui les aides que souloit (avoit coutume) de payer le peuple, avoient été mises jus, il causa avec le conseil du roi certains mandements contenant qu'il falloit lesdites aides payer pour secourir la ville de Rouen, laquelle étoit moult travaillée par le siége des Anglois. Et de fait furent remises sus; et avec ce fut requis aux Parisiens de prêter certaine somme de pécune pour le secours dessusdit. Lesquels s'accordèrent et prêtèrent cent mille francs, par condition que de chacune queue de vin vendue en leur ville, ils auroient douze deniers, et le recevroient par leurs mains, tant qu'ils seroient restitués de ladite somme. Et pareillement furent levées grosses aides par tous les autres pays de l'obéissance du roi, c'est à savoir en l'évêché de Beauvais, et ès bailliages d'Amiens, de Vermandois et d'ailleurs. Auxquelles

finances lever et cueillir audit bailliage d'Amiens, furent commis maître Robert-le-Jeune, avocat en parlement, et un des seigneurs de parlement du roi, et aucuns officiers pour contraindre les refusants.

CHAPITRE CCVI..

Comment les messagers furent envoyés de Rouen devers le roi pour avoir secours; de l'ambassade envoyée devers le roi Henri, et plusieurs autres matières.

EN ces propres jours fut envoyé devers le roi et son conseil, à Paris, un prêtre assez âgé, de bon entendement, par les assiégés de Rouen. Lequel venu à Paris, fit proposer par un docteur angustin, nommé Eustache de Paville, devant le roi et son grand conseil, l'état et la tribulation desdits assiégés; et prit icelui proposant son thème en disant: Domine, quid faciemus? lequel il proposa moult sagement et authentiquement. Et après qu'il eut finé sadite proposition, icelui prêtre dit au Très excellent prince et seigneur, il m'est par les habitants de la ville de Rouen » à crier contre vous, et aussi contre vous, sire

roi :

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enjoint de

de Bourgogne, qui avez le gouvernement du roi

» et de son royaume, le grand haro, lequel si

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>> mandent et font savoir par moi, que si, par faute » de votre secours, il convient qu'ils soient sujets >> au roi d'Angleterre, vous n'aurez en tout le » monde pires ennemis d'eux, et s'ils peuvent, ils >> détruiront vous et votre génération.

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Telles et semblables paroles remontra moult bien ledit prêtre au roi et à son conseil. Et après qu'on lui eut fait grand' reception, et aussi que le duc de Bourgogne lui eut promis d'y pourvoir au plus bref que faire le pourroit, il s'en retourna au mieux qu'il put, portant les nouvelles dessusdites auxdits assiégés.

Et bref ensuivant le roi de France et le duc de Bourgogne envoyèrent leurs ambassadeurs au Pont-de-l'Arche, pour traiter au roi d'Angleterre de la paix du roi de France et de lui; et alla aved lesdits ambassadeurs, pour moyenner, le cardinal d'Ursin. En laquelle ambassade étoient pour le roi de France l'évêque de Beauvais, maître Philippe de Morvillier, premier président, maître Régnaut de Folleville, chevalier, messire Guillaume de ChampDivers, maître Thierry-Leroi, et aucuns autres. A l'encontre desquels vinrent, de par le roi d'Angleterre, audit lieu du Pont-de-l'Arche, le comte de Warwick, le chancelier d'Angleterre, l'archevêque de Cantorbie, et autres du conseil du roi anglois; et dura cette ambassade environ quinze jours. Dedans lequel temps ledit cardinal alla devers le roi d'Angleterre à son siége devant Rouen. Duquel et des autres princes il fut très honorable

ment reçu. Et avoient porté lesdits ambassadeurs du roi de France la figure de Catherine, fille du roi, laquelle fut présentée au roi d'Angleterre, et lui plut moult bien. Toutefois, pour ce qu'il fit demandes extraordinaires, c'est à savoir qu'on lui donnât avec la fille du roi cent mille écus d'or, la duché de Normandie, dont il avoit conquêté une partie, la duché d'Aquitaine, la comté de Ponthieu, et autres seigneuries, sans ressort tenir du roi de France, rien ne se put concorder. Et aussi les ambassadeurs dudit roi anglois firent réponse que le roi de France n'étoit pas en état pourquoi on pût traiter avec eux; car le dauphin son fils n'étoit pas encore roi, et au duc de Bourgogne n'appartenoit pas de traiter des héritages du roi de

France.

Après lesquelles choses ouïes, ledit cardinal et lesdits ambassadeurs s'en retournèrent devers le roi de France, la reine, et le duc de Bourgogne, qui nouvellement de Paris étoient venus à Pontoise, et leur racontèrent l'état et la manière de leurdite ambassade. Et dedans bref temps ensuivant, s'en retourna ledit cardinal d'Ursin, en Avignon, devers le pape Martin, pour ce qu'il sentoit et apercevoit assez bien que rien ne pouvoit faire ni concorder entre les trois parties dessusdites.

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Et adonc ceux de la cité de Rouen, qui savoient assez bien la rompture et brisure de l'ambassade d'entre les deux rois de France et d'Angleterre, voyant que le secours mettoit trop longuement à

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