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aller au pont de Charenton au-devant du duc de Bretagne, qui venoit devers lui pour traiter de la paix du dauphin et du duc; mais ils n'y purent rien accorder; et pour tant s'en retourna ledit duc de Bourgogne à Paris, et le duc de Bretagne en son pays. Et la cause pourquoi s'assemblèrent au pont de Charenton, si fut pour ce qu'on mouroit d'épidémie très merveilleusement dedans la ville de Paris; car, comme il fut trouvé par les curés des paroisses, y mourut pour cet an outre le nombre de quatre vingt mille personnes; entre lesquels furent morts d'icelle pestilence, des gens du duc de Bourgogne, le prince d'Orange, le seigneur de Fosseux, messire Jennet de Poix, le seigneur d'Auxois, et moult d'autres gentilshommes.

Et brefensuivant revinrent les cardinaux d'Ursin et de Saint-Marc à Saint-Maur-des-Fossés, pour traiter la paix entre les seigneurs de France. Auquel lieu furent envoyés plusieurs notables ambassadeurs de par le roi, la reine, et le duc de Bourgogne; lesquels enfin firent un traité avec les gens du dauphin, qui y étoient, par le moyen désdits cardinaux, lequel sembloit être bon et profitable pour toutes les parties. Mais quand il fut reporté devers ledit dauphin et ceux de son conseil, n'en furent pas contents; et par ainsi se continua la guerre entre iceux, plus diverse que par

avant.

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CHAPITRE CCIV.

Comment les Parisiens tuèrent de rechef les prisonniers; du siége de Mont-le-Héry, et de la prise de Soissons faite par le seigneur de Bosqueaux et ses complices.

DURANT les tribulations dessusdites, se rassemblèrent les communes gens de Paris en très grand nombre, comme ils avoient fait autrefois; et soudainement allèrent à toutes les prisons de Paris, lesquelles ils rompirent; et tuèrent bien trois cents prisonniers, dont les aucuns y avoient été remis depuis la grand' tuerie. Entre lesquels y furent morts, messire Jacques de Montmor et messire Louis de Corail, chambellan du roi, avec moult d'autres notables gentilshommes et gens d'église. En laquelle fureur très exécrable, les dessusdits allèrent à la basse-cour de la bastille Saint-Antoine, et demandèrent qu'on leur livrât huit prisonniers qui étoient léans, ou sinon ils assaudroient la place. Et de fait, commencèrent à démaçonner la porte; Pourquoi le duc de Bourgogne, qui étoit logé assez près de ladite bastille, très courroucé au cœur de voir faire à iceux telles dérisions, pour pis eschever (éviter), commanda que les huit prisonniers dessusdits leur fussent livrés, par si qu'aucuns de leurs capitaines promirent de les mener es prisons

de Châtelet, et les laisseroient punir selon leurs démérites par la justice du roi. Atout (avec) lesquels, quand ils leur furent livrés, pour entretenir une partie de leur promesse, s'en allèrent assez pres dudit Châtelet ; et là très cruellement les occirent et dénuèrent (dépouillèrent). Après, par grands compagnies, allèrent de rue en rue parmi Paris, en plusieurs maisons de ceux qui avoient tenu la partie du comte d'Armagnac, lesquels ils pilloient et occisoient très cruellement et inhumainement, sans avoir pitié ni merci d'eux. Et comme autrefois avoient fait, s'ils encontroient aucun homme ou femme qu'ils haïssent, quelque parti qu'il tînt, tantôt étoit mis à mort cruellement; desquelles communes étoit un des principaux capitaines, Cappeluche, bourrel de la ville de Paris.

Pour lesquelles dérisions, ledit duc de Bourgogne manda plusieurs notables bourgeois de la ville de Paris, auxquels il remontra le grand desroi (désordre) que faisoient icelles communes, dont lesdits bourgeois très humblement s'excusèrent envers ledit duc, disant que de ce étoient très dolents, et que ceux qui faisoient lesdites émeutes étoient gens de petit état, contendant à piller les riches et notables bourgeois, requérant audit duc de Bourgogne qu'il y voulsît pourvoir, et ils seroient à son aide.

Et lors fut dit à icelles communes, et défendu de par le roi, sur peine de perdre la vie, par la bouche du duc de Bourgogne, que dorénavant sé

déportassent de plus piller et occire, et qu'ils se préparassent pour aller mettre le siége devant Mont-le-Héry et Marcoussi, où étoient les ennemis du roi; lesquelles communes répondirent que ce feroient-ils volontiers, et qu'on leur baillât capitaine pour les conduire.

Et dedans brefs jours ensuivant, pour eschever ( éviter) les émeutes dessusdites, furent envoyés bien six mille combattants desdites communes de Paris, à Mont-leHéry; avec lesquels y alla, pour les conduire, le seigneur de Cohen et autres chevaliers, c'est à savoir messire Gaultier de Ruppes, et messire Gaultier Raillart, atout ( avec ) certain nombre de gens d'armes, et foison de canons et instruments de guerre, compétents à mettre siége. Lesquels

chevaliers les menèrent et conduisirent audit lieu de Mont-le-Héry, et commencèrent très fortà assaillir et combattre lesdits Dauphinois, qui étoient dedans la forteresse. Mais après le partement d'iceux, le duc de Bourgogne fit prendre dedans Paris plusieurs de leurs complices, et des principaux émouveurs du commun, auxquels il fit couper les tètes, et pendre au gibet, et les aucuns noyer en Seine; et même le dessusdit Cappeluche, bourrel de Paris, leur capitaine, eut la tête coupée és halles. Pourquoi ceux dudit siége de Mont-le-Héry, à qui ces paroles furent contées, tantôt retournèrent audit lieu de Paris, en intention de r'émouvoir le peuple; mais on leur ferma les portes au visage. Si s'en retournèrent à leur siége; auquel lieu dedans brefs

jours furent remandés, pour ce qu'entre les parties y avoit ambassadeurs, qui étoient ensemble en plus grand' douceur.

Et entre temps, le seigneur de Château-Vilain vint audit lieu de Paris devers le duc de Bourgogne; et avoit un fils avec lui, qui chevauchoit un peu devant; et en entrant à la porte Saint-Antoine, commença à crier hautement : Vive Armagnac ! mais incontinent fut par les gardes de ladite porte mis à mort, dont le seigneur de Château-Vilain fut très courroucé; mais il ne le put avoir autre.

En après, les Dauphinois, c'est à savoir le seigneur de Bosqueaux atout (avec) trois cents combattants avec lui, prirent d'emblée, au point du jour, la cité de Soissons, sur le seigneur de Longueval, qui en étoit capitaine de par le roi et le duc de Bourgogne, lequel de Longueval se sauva à grand' peine tout à pied par-dessus la muraille, et avec lui Robert de Saveuse et plusieurs autres; laquelle cité fut en la plus grande partie dévêtue de tous biens.

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