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rues, qui servoit et avoit long-temps servi le seigneur de Bosqueaux, mais leur fait fut aperçu. Pourquoi ledit seigneur de Bosqueaux fit couper la tête au dessusdit frère du seigneur de Chierues; et depuis, par certaine finance, furent les deux dessusdits mis à délivre. Et adonc fut mise garnison dedans icelle ville de Compiègne, et y vint le seigneur de Gamache. Et par ainsi ceux qui tenoient la partie du roi et du duc de Bourgogne, furent moult travaillés par le moyen de ceux qui étoient en icelle ville de Compiègne.

Durant lequel temps, le duc Jean de Brabant épousa Jacqueline de Bavière, sa cousine germaine, comtesse de Hainaut, de Hollande, de Zélande et d'Ostrevant, et avecque ce étoit sa marraine : lequel mariage fut traité par Marguerite de Bourgogne sa mère, avecque les trois états des pays dessusdits, à bonne intention, sur l'espérance que les pays dudit duc et d'elle, qui joignoient l'un à l'autre, eussent plus grand' amitié et concordable amour ensemble. Toutefois, jà-soit-ce qu'elle s'y consentît, néanmoins n'en étoit pas bien contente, car elle savoit icelui duc être de petite et foible complexion, et avecque ce, de petit gouvernement, pour régir et gouverner ses pays et sa personne, qui étoit belle et bien formée, de noble et haut entendement en plusieurs manières.

Après lequel mariage paraccompli, la guerre qui étoit entre ladite Jacqueline et son oncle, Jean de Bavière, fut apaisée par certains moyens qui

se mirent entre eux. Et depuis, le dessusdit duc de Brabant et sa femme la duchesse étant à Mons, en Hainaut, un certain jour, ainsi que le duc étoit allé chasser et ébattre dehors la ville, vinrent en l'hôtel de Natre, où résidoit messire Evrard, bâtard de Hainaut, frère à la duchesse, et aucuns autres de fait appensé (prémédité), qui tuèrent le principal gouverneur dudit duc, nommé Guillaume de La Motte, lequel étoit couché tout malade sur un lit. Et étoit présent, messire Guillaume de Sars, lors bailli de Hainaut, auquel iceux défendirent de fait qu'il ne se bougeât; et après, sans avoir aucun empêchement, se partirent de ladite ville de Mons.

Pour la mort duquel, icelui duc, quand il vint à sa connoissance, fut moult troublé, car il l'aimoit par-dessus tous ses autres serviteurs; mais en la fin, par la duchesse sa femme fut aucunement rapaisé; laquelle, comme il fut commune renommée, fut assez consentante du cas dessusdit.

CHAPITRE CCI.

Comment plusieurs capitaines furent envoyés de par le roi et le due de Bourgogne, en la ville de Rouen; et du règne qu'eut un brigand nommé Tabary.

En ce temps furent envoyés de par le roi de France et le duc de Bourgogne plusieurs capitaines en la cité de Rouen, pour aider les habitants d'icelle à défendre leur ville contre le roi d'Angleterre et sa puissance, duquel chacun jour ils attendoient d'être assiégés : c'est à savoir, le seigneur de Bapaume, messire Jean de Neufchâtel, seigneur de Montaigu, messire Antoine de Thoulongeon, messire Andrieux de Roches, Henri de Chauffour, le bâtard de Thien, le grand Jacques, natif de Lombardie, Guérard, bâtard de Brimen, et plusieurs autres prud'hommes et renommés en armes. Avecque lesquels y étoient par avant messire Guy le Bouteillier, natif du pays, capitaine général de tous ceux de la ville, et Laghen, bâtard d'Arly; lesquels capitaines dessusdits, tous ensemble, pouvoient avoir quatre mille combattants ou au-dessus, tous gens d'élite. Et si étoient les citoyens bien quinze mille hommes, bien armés et habillés selon leur état, prêts et désirant d'eux défendre contre tous ceux qui mal leur voudroient faire.

Lesquels, avecque les gens d'armes dessusdits, d'un commun accord, commencèrent très fort à préparer les portes, bouleverts, murailles, tours et fossés de ladite ville, tant dedans comme dehors, sur intention de résister contre leurs adversaires. Et avecque ce firent plusieurs ordonnances, en baillant à chacun desdits capitaines leur garde pour icelle forteresse. Et pareillement en firent auxdits citoyens par connétablies; et si fut crié au son de la trompette en plusieurs lieux par icelle ville, que toutes personnes, de quelque état qu'ils fussent, qui avoient volonté d'y demeurer, fussent pourvus de vivres pour dix mois; et ceux qui n'avoient puissance de ce faire, se partissent et allassent où bon leur sembleroit.

Après laquelle criée se départirent très grand nombre de pauvres gens, et aussi plusieurs dames, damoiselles, bourgeoises, avecque aucunes gens d'église et autres hommes anciens et non aidables. Et adoncque ceux de ladite garnison alloient très souvent courre sur les Anglois, qui étoient assez près d'eux, et advenoit aucunes fois qu'ils en tuoient et en prenoient prisonniers plusieurs, et par le contraire perdoient aussi de leurs gens.

Auquel temps régnoit sur les marches de Pontoise, l'Ile-Adam, Gisors, et aussi sur les marches de Normandie, un capitaine de brigands nommé Tabary, qui tenoit la partie de Bourgogne, et étoit de petite stature et boiteux; lequel souvent assembloit quarante ou cinquante paysans, une fois plus,

l'autre moins, armés et habillés de vieils haubergeons, jaques, vieilles haches, demi-lances où il y avoit massues au bout, et autres habillements de pauvre état, atout (avec) lesquels s'en alloient, les uns sur méchants chevaux et juments, et les autres à pied, embûcher ès bois, vers où se tenoient les Anglois. Et quand ils en pouvoient aucuns prendre, ledit Tabary leur coupoit les gorges; et pareillement faisoit à ceux tenant la partie du dauphin; et ainsi en fit à plusieurs, dont grandement étoit haï des dessusdites parties.

CHAPITRE CCII.

Comment Henri, roi d'Angleterre, avec plusieurs Irlandois, assiégea la ville de Rouen, où se firent maintes escarmouches.

EN ces propres jours, Henri, roi d'Angleterre, avecque toute sa puissance et gens de guerre, et grand' multitude d'engins et artilleries, assiégea la très puissante et noble ville de Rouen, au mois de juin, devant qu'iceux assiégés pussent être pourvus de nouveaux grains. Et vint son avantgarde, à minuit, devant ladite ville, afin que ceux de dedans ne fissent envahie (attaque) sur eux. Et se logea ledit roi à la maison des Chartreux; et le duc de Glocestre fut logé à la porte Saint-Hilaire ;

CHRONIQUES DE MONSTRELET.

T. IV.

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