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décide rarement de sa plus grande affaire, celle de la paix ou de la guerre. Telle est notre nature, que nos passions influent également sur nos actes, soit dans la vie publique, soit dans la vie privée. Chaque page de l'histoire démontre vainement cette vérité les chefs des nations n'écoutèrent presque jamais ses avertissemens. L'un des plus remarquables exemples des conséquences funestes d'une résolution inconsidérée, fut l'accession de la cour de Vienne à la coalition formée par l'Angleterre et la Russie, contre la France, en 1805. On a vu, dans le précédent volume, que l'incohérence du plan des alliés, la précipitation exigée par l'Angleterre, la présomption des uns, la lenteur des autres, avaient ouvert une large carrière au génie de Napoléon; et toutefois, après la catastrophe d'Austerlitz, et la paix humiliante de Presbourg, ces revers accablans ne furent attribués, par ceux qui avaient conseillé la guerre, qu'à des fautes de stratégie, au mauvais sort des armes; la fortune a toujours tort, mais on lui avait laissé trop à faire.

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Il faut pour justifier la résolution de compromettre toutes les ressources de l'État, ou que son existence soit évidemment menacée, comme l'avait été celle de l'Angleterre, ou du moins que la somme des avantages qu'on peut raisonnablement se promettre du succès de la guerre, balance les dommages que peu

vent causer de grands revers.

L'Autriche n'eut aucun de ces motifs pour s'engager dans la guerre de 1805; les envahissemens dont on faisait grand bruit; la restauration du trône de Lombardie, remplaçant un simulacre de république; l'incorporation de l'état de Génes, la réunion du Piémont, n'étaient, à proprement parler, que des changemens de mode d'administration de ces pays conquis et reconquis par la France. Leur indépendance, bien qu'elle eût été consignée dans les traités, n'avait aux yeux des puissances aucune réalité : en récriminant contre ces violations, on ne se dissimulait point qu'elles n'ajoutaient rien à la force effective, ni à l'influence de Napoléon; ce n'était pas, pour la cour de Vienne, un danger si immi

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nent, qu'il dût la déterminer à entreprendre cette guerre; il était évident qu'elle en supporterait tout le poids, et que la puissance la plus étrangère à ses intérêts territoriaux, l'Angleterre, en recueillerait seule tout l'avantage. Si le ressentiment des affronts que la triple révolution du gouvernement français avait forcé tous les souverains et leur haute noblesse de dévorer en silence, les excitait à se venger, la prudence conseillait surtout à l'Autriche de temporiser pendant l'utile diversion qu'opérait à son profit la guerre maritime; c'était donc une faute irréparable que de s'abandonner sans réserve aux insinuations de l'Angleterre, de changer de rôle avec elle, en attirant en Allemagne toutes les forces du nouvel empire, et de la rendre, comme elle l'a été depuis cette époque, et le serà encore long-temps, l'arbitre des destinées de l'Europe.

La victoire d'Austerlitz rompit cette troisième coalition, et la paix de Presbourg bouleversa momentanément tout le système politique. L'érection des royaumes de Ba

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vière et de Wurtemberg, et du grand-duché de Bade, éleva une grande barrière entre l'Autriche et la France, toute en faveur de celle-ci; ces états, désormais dépendans et feudataires du nouvel empire, devinrent ses véritables frontières orientales, son seul côté vulnérable : la cession du Tyrol couvrait à la fois la Suisse, qui ne devait plus servir de théâtre de guerre, ni de foyer d'intrigues; tous les débouchés de la grande chaîne des Alpes, depuis le Saint-Gothard jusques à la Hongrie, toutes les routes militaires vers l'Italie, toutes les communications commerciales furent fermées aux Autrichiens. De-. puis la formation des monarchies modernes, aucune d'elles n'avait été si fortement ébranlée : on pouvait douter, en voyant l'abaissement subit de l'Autriche, si le reste de son existence n'était pas dû à la générosité du vainqueur : tout près de sa ruine, elle ne trouva de salut que dans la conservation de son armée, et ce fut peut-être le plus grand service que l'archiduc Charles eût rendu à sa patrie; ce fut avec des provinces qu'on ra

cheta des soldats, et l'on verra, dans la suite de cette histoire, que c'est avec ces mêmes soldats que l'Autriche a recouvré ses provinces deux fois perdues.

La Russie, quoique partie principale à la journée d'Austerlitz, n'avait paru qu'en auxiliaire; les pertes d'hommes et de matériel qu'elle avait faites pouvaient être promptement réparées; sa situation politique n'était point changée; aucune des conditions de la paix ne l'atteignait directement; seulement, la cession de la Dalmatie vénitienne et son incorporation au royaume d'Italie, restreignaient son influence sur la Porte Ottomane, et préparaient un appui au plus ancien allié de la France, toujours menacé par l'accroissement des forces et des ressources d'un si puissant voisin.

La Prusse était dans une situation critique et très singulière; son intervention avant la bataille d'Austerlitz avait été toute Hostile, et Napoléon pouvait, à bon droit, tourner ses armes contre elle l'empereur Alexandre avec les débris de son armée ne

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