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Liceurs. Tant que vous l'aurez, ô Romains, vous aurez le courage & les vertus. Marc-Aurèle, en montant fur le trône, connut ce droit facré ; il vit que l'homme, né libre, mais avec le befoin d'être gouverné, s'étoit foumis à des Loix, jamais aux caprices d'un maître; que nul homme n'a le droit de commander arbitrairement à un autre; que qui ufurpe ce pouvoir, détruit fon pouvoir même. Il avoit vu dans yos annales les maux de vos ancêtres fous les Tibères & les Nérons, le defpotifme de ces monftres, fous lefquels il n'y avoit d'autre vertu que de favoir mourir ; le defpotisme auffi odieux & plus lâche encore des affranchis; l'oppreffion dans l'Empire; l'Univers esclave; un homme, fous le nom d'Empereur, qui anéantifsoit tout, parce qu'il fe faifoit le centre de tout, & qui fembloit dire aux Nations: Vos biens &

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votre fang, tout eft à moi; fouffrez & mourez. Je fais, Romains, que jamais vous n'avez donné, ni pu donner ces droits odieux à vos Empereurs; mais puifqu'ils font à la fois Princes, Magiftrats, Pontifes & Généraux, qui mettra des barrières à leur pouvoir, s'ils n'en mettent pas euxmêmes? O Dieux! faut-il que deux cents Nations puiffent être malheureufes, s'il arrive qu'un feul homme ne foit pas vertueux? Marc-Aurèle armé de toute la forte du defpotifme, s'en dépouille librement. Pour ne pas abuser de fa puiffance, il la limite de toute part. Il augmente l'autorité des Loix, que trop d'Empereurs avoient voulu anéantir; il fait valoir celle des Magistrats, qui trop fouvent n'avoient été que des fantômes ou des esclaves. Jamais fous fon Empire un Sénateur, jamais un lâche Citoyen ofa-t-il avancer que le Prince n'étoit

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pas foumis aux Loix? » Malheureux, » lui auroit dit Marc-Aurèle, que t'aije fait pour que tu m'aviliffes? Ap

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prends que cette foumiffion m'ho"nore; apprends que le pouvoir de » faire ce qui eft injuste, est foibleffe «. Romains, je ne crains pas de le dire, jamais dans les plus beaux temps de Rome, jamais fous vos Confuls même, vos ancêtres n'ont été plus libres que vous. Qu'importe d'être gouverné ou par un feul, ou par plufieurs? Rois, Dictateurs, Confuls, Décemvirs, Empereurs tous ces noms différens n'expriment qu'une même chofe, les miniftres de la Loi La Loi eft tout la conftitution des Etats peut changer; les droits du Citoyen font toujours les mêmes. Ils font indépendans, & de l'ambitieux qui ufurpe, & du lâche qui fe vend; fondés fur la Nature, ils font inaltérables comme elle.

Je puis donc vous attefter tous, & vous demander fi Marc-Aurèle a jamais opprimé un Citoyen. Sil y en a un seul, qu'il se lève, & qu'il me dé

mente..

Tout le peuple fe mit à crier: Aucun„

aucun.

f

Je puis vous demander encore, fous fon regne jamais un feul d'entre vous a été opprimé par ces affranchis du palais qui fe font efclaves pour être tyrans, commandent avec d'autant plus d'orgueil qu'ils obéiffent, & armés d'un pouvoir qui n'eft point à eux, avïdes d'en jouir, incertains de fa durée, en forcent tous les refforts: & précipitent la fervitude publique ? Dites, Romains, en a-t-il exifté un feul fous fon règne ?

Ils crièrent encore tous ensemble
Aucun, aucun. Il continua':.

Grace aux Dieux immortels, vous

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eûtes un Prince, & ce Prince n'eut pas de maîtres. Pour que vous fuffiez toujours libres, il ne fe laiffa ni affervir, ni commander: il défendit votre liberté contre lui-même; il la défendit contre tous ceux qui environnoient le trône.

Mais que vous eût fervi cette liberté fi dans le même temps la

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propriété de vos biens ne vous eût été affurée ? Que dis-je ? où l'une manque, l'autre n'eft qu'un fantôme. Hélas! il a été un temps où Rome & l'Empire étoient en proie au brigandage; un temps où les confifcations arbitraires, les exactions odieufes, les prodigalités fans caufe & fans but, les rapines fans ceffe renaiffantes défoloient les familles, épuifoient les provinces, appauvriffoient le pauvre, & faifoient dévorer prefque toutes. les, richeffes de l'Empire par un maître avide, ou par quelques favoris qui

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