Imágenes de página
PDF
ePub

moeurs antiques. Cet héritage fe conferva dans fa maison. Voilà quel fut la vraie nobleffe de Marc-Aurèle. Je fais qu'il fut le parent d'Adrien; mais il regarda cet honneur fi c'en eft un, comme un danger. Je fais qu'on. voulut le faire defcendre de Numa mais il fut affez grand pour dédaigner cette chimère de l'orgueil; il mit fa gloire à être jufte.

Remercions les Dieux, de ce qu'il ne fut point d'abord défigné pour le trône. Le rang fuprême a plus corrompu d'ames qu'il n'en a élevé. Né pour être un fimple Citoyen, il devint grand. Peut-être, s'il fût né Prince n'eût-il été qu'un homme vulgaire.

Tout concourut à le former. Il reçut d'abord cette première éducation, à laquelle vos ancêtres ont toujours mis un fi grand prix, & qui prépare à l'ame un corps robuste

A S

& fain. Il ne fut donc point amolli en naiffant, par le luxe : on ne l'entoura point d'une foule d'efclaves qui, obfervant fes moindres fignes, fe seroient honorés d'obéir à fes caprices. On lui laiffa fentir qu'il étoit homme; & l'habitude de fouffrir fut la première leçon qu'il reçut. La courfe, la lutte, les danfes militaires achevèrent de développer fes forces: il fe couvroit de pouffière fur ce même champ de Mars où s'étoient exercés vos Scipions, vos Marius & vos Pompées. Je vous rappelle cette partie de fon éducation, Romains, parce que cette mâle institution commence à fe perdre parmi vous. Déjà vous imitez ces Peuples de l'Orient, chez qui la molleffe dégrade l'homme des fa naissance, & vos ames fe trouvent prefque énervées avant de fe connoître. Roinains, on vous outrage en vous flattant; c'est en vous difant la vérité

que je vous témoigne mon refpec. Cette première éducation n'eût fait de Marc-Aurèle qu'un foldat: on y joignit celle des connoiffances. La Langue de Platon lui devint familière comme la fienne : l'Eloquence lui apprit à parler aux hommes: l'Histoire lui apprit à les juger: l'étude des Loix lui montra la bafe & le fondement des Etats. Il parcourut toutes les Légiflations, & compara enfemble les. Loix de tous les peuples. Il ne fut done. pas élevé, comme ceux que l'on flatte déjà lorfqu'ils font encore ignorans & foibles. Un lâche refpect ne craignit pas de le: fatiguer par des efforts. Une difcipline févère affujettit fon enfance au travail; & parent du Maître du monde, il fut forcé à s'éclairer comme le dernier citoyen.

Ainfi commençoit à fe former le Prince qui devoit vous gouverner; mais c'est l'éducation morale qui

achève l'homme & conftitue fa grandeur; c'eft elle qui a fait Marc-Aurèle.. Cette éducation commença avec fa naiffance la frugalité, la douceur la tendre amitié, voilà les objets qu'il apperçut en fortant du berceau. Que dis-je ? on l'arracha de Rome & de la Cour. On craignit pour lui un fpectacle funefte. Eh! comment dans: Rome, où tous les vices fe raffemblent des extrémités de l'Univers, auroit pu fe former une ame qui devoit être auftère & pure? Eût-il appris à dédaigner le fafte, où le luxe corrompt jufqu'à la pauvreté ? A méprifer la richesse, où la richeffe eft la mefure de l'honneur? A devenir humain, où tout ce qui eft puiffant, écrafe tout ce qui eft foible? A avoir des mœurs, où le vice a même perdu la honte ? Les Dieux, protecteurs de votre Empire dérobèrent MarcAurèle à ce danger. Son père le tranf

porta à trois ans dans une retraite où il fut mis en dépôt fous la garde des mœurs. Loin de Rome, il apprit à faire un jour le bonheur de Rome. Loin de la Cour, il mérita d'y revenir pour commander.

L'héritier avare compte avec plaifir tous ceux qui lui ont tranfmis des ri cheffes. Marc-Aurèle plus avancé en âge, comptoit tous ceux à qui, dans fon enfance, il avoit dû l'exemple d'une vertu. Mon père, nous difoit-il, m'apprit à n'avoir rien de lâche ni d'efféminé : ma mère, à éviter jusqu'à la pensée du mal : mon aïeul, à être bienfaifant : mon frère, à préférer la vérité à tout. Voilà de quoi, Romains, il rend grace aux Dieux à la tête de l'ouvrage où il a dépofé tous les fentimens de fon coeur. Bientôt des maîtres lui enfeignèrent tous les devoirs de l'homme mais en les pratiquant, On ne lui

« AnteriorContinuar »