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France n'eut jamais ce caractère. Elle fut prefque toujours un mêlange informe de loix qui fe combattoient.

Dès l'origine, & sous la première race de nos Rois vainqueurs des Romains, les loix des conquérans barbares fe choquèrent contre les loix du peuple vaincu ; & ces deux légiflations fe mêlèrent fans pouvoir s'unir. L'une étoit celle d'un peuple guerrier, sauvage & fimple, qui n'a à réprimer que l'abus de la force; l'autre celle d'un peuple inftruit, voluptueux & corrompu, & chez qui tous les besoins développés avoient fait naître toutes les lumières & tous les vices. Le Chriftianisme adopté bientôt par les vainqueurs, vint encore mêler de nouvelles loix religieufes aux loix des Barbares & aux loix Romaines.

Sous la feconde race, des loix portées dans l'affemblée de la nation par le Souverain, les Grands & le Clergé, (car le peuple n'étoit pas au rang des hommes) créèrent, fous le nom de Ca

pitulaires, un nouveau droit, qui fait pour fuppléer aux loix des Barbares, ne les changea point, & ne fit que les fuivre. Les loix fe multiplièrent ; & il n'y eut point encore de légiflation.

Bientôt l'anarchie féodale s'éleva: des ufages prirent la place des loix. La fantaisie des tyrans impofa des règles bizarres à des efclaves. Les haines créèrent des légiflations oppofées. La différence des loix devint une barrière entre les peuples. Chaque ordre de citoyen eut fes principes. On vit en même temps le code de la fervitude pour le peuple, le code d'un honneur barbare pour la nobleffe, le code romain pour le clergé, le code des combats pour les Grands.

Après quelques fiècles d'orages, la fouveraineté commença à fe refaifir des droits ufurpés fur elle. Pour réprimer la tyrannie des Nobles, & combattre avec plus d'avantage une ariftocratie tumultueufe & terrible, la domination

domination appella à fon fecours la liberté, & brifa par intérêt les fers des peuples. Alors la nation exifta. Ce fut l'époque d'une nouvelle espèce de droit, qui, fous le nom de chartes & d'affranchiffemens, créa des loix pour cette portion des François jufqu'alors avilie & efclave. Mais cette partie de la légiflation choquoit les principes ou les abus de la légiflation féodale, qui à fon tour réagiffoit contr'elle. Les nouveaux droits des peuples fe hcurtoient contre les droits ufurpés par les Nobles; & ceux- ci combattoient de toutes leurs forces les loix du Souverain, qui combattoient contr'eux,

Cependant à travers tant de chocs, s'élevoit un autre pouvoir : le Clergé réclamant du pied des autels contre la loi du brigandage & du meurtre, & mêlant avec art les intérêts facrés aux intérêts humains, marchoit par la religion à la grandeur. On le vit peu-àTome III.

E

peu

élever des tribunaux dans fes temples, mettre les loix religieufes à la place des loix politiques, & régler les droits des François d'après les décrets des pontifes de Rome. Delà l'autorité du droit eccléfiaftique & des Canons, qui décidèrent prefque toujours les affaires civiles par des vues facrées.

Il femble que la nation agitée par fes malheurs & fes abus, également tourmentée & par les loix qu'elle avoit & par celles qui lui manquoient, fe tournât de tous côtés, comme pour chercher un remède à ses maux. Vers le milieu du douzième fiècle, le recueil des loix de Juftinien, enfeveli pendant près de cinq cents ans, reparut, & paffa dans le treizième, d'Italie en France. Bientôt le refpect pour la grandeur romaine, & fur tout le contrafte de la groffiéreté fauvage de nos loix, avec la profondeur & la fageffe de ces loix antiques, les firent adopter également par les magiftrats

& par les Rois. Mais la légiflation d'un peuple maître de l'univers, pouvoitelle convenir à un peuple pauvre & opprimé qui fecouoit fes chaînes? L'état politique, les befoins ou les vices du climat, la forme des tribunaux, les distinctions des perfonnes, les diftinations des biens, chaque genre ou d'oppreffion ou de privilège, enfin la fervitude, la nobleffe & la fouveraineté même, tout étoit diffèrent; comment les loix auroient-elles pu être les mêmes? On voulut concilier ces loix étrangères qu'on admiroit, avec les loix nationales, qui rées des abus & les combattant, paroiffoient infuffifantes & néceffaires. Mais toutes ces par ties mêlées ensemble fe repouffoient C'étoit vouloir affortir des ruines avec l'architecture d'un temple.

Enfin les ordonnances de nos Rois, multipliées fous chaque règne felon les intérêts & les befoins, expliquant, commentant, réformant tant de loix

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