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chans & corrompus, il leur faut des armes & des loix. Les armes, ces inftrumens de la deftruction & de la vengeance, fervent de barrière à l'état, & font fleurir la liberté à l'ombre de la victoire. Les loix, image de l'éternelle Sageffe, font fervir toutes les paffions & tous les talens au bien public, protègent les foibles, répriment les Grands, uniffent les peuples aux Rois, & les Rois aux peuples. Sans les armes, l'état deviendroit la proie de l'étranger. Sans les loix, il s'écrouleroit fur lui-même.

Auffi la Grèce répétoit avec admiration les noms des Solons & des Licurgues, avec ceux des Miltiades & des Léonidas. Rome fe glorifioit autant de la cenfure de Caton, que des victoires de Pompée : & les Chinois, ce peuple antique, fi fameux dans l'Afie par la fageffe de fes loix, élèvent des arcs de triomphe aux magiftrats comme aux guerriers,

Le même fentiment anime parmi nous l'Académie Françoife. L'honneur d'un éloge public qu'elle a accordé à Maurice Comte de Saxe, elle l'accorde aujourd'hui à Henri - François DAGUESSEAU, Chancelier de France.

Heureux qui eft digne de peindre la vertu ! Je n'espère point l'embellir; elle est trop au deffus des ornemens frivoles de l'efprit. Mais je lui rendrai hommage; je la préfenterai dans fa majeftueufe fimplicité. Je peindrai dans DAGUESSEAU le magiftrat, le -favant profond, l'homme jufte. Cet éloge ne peut être étranger à aucun pays, ni à aucun fiècle. Mais fi parmi nous il fe trouvoit quelqu'un qui fûr infenfible au charme des vertus, & qui n'aimât que le récit des fièges & des batailles, la nature s'eft trompée en le faifant naître dans ces climats, & parmi des hommes inftruits. Il y a des pays encore barbares, où l'induftrie & le talent fe bornent à l'art de fe

détruire; qu'il aille vivre parmi les fauvages & les tigres de ces déferts: je parle à des citoyens & à des hommes.

Si la distinction de la naissance n'est point une chimère, fi elle a quelque chose de réel, c'est lorsque les ancêtres ont été vertueux: car la fucceffion des dignités n'eft rien, fi on la compare à celle du mérite. DA GUESSEAU recueillit en naiffant ce double héritage de gloire & de vertu (1). Né d'une famille diftinguée dans la robe, fes aïeux toujours utiles à l'état, lui avoient préparé un nom illuftre. Mais ne craignons pas de le dire, un homme tel que lui honore bien plus fa famille, qu'il n'en eft honoré. Le ciel qui veilloit fur lui, l'avoit fait naître d'un père capable de lui donner toutes les lumières avec tous les exemples (2).

Ne croyez pas qu'il confie à des mains étrangères une fi importante éducation. L'honneur de former un

citoyen à l'état, eft trop grand à fes yeux pour qu'il le cède à d'autres. On vit alors fe renouveller l'ancienne discipline des Spartiates & des premiers Perfes, qui enfeignoient les vertus à leurs enfans, comme ailleurs on enfeigne les fciences.

C'étoit le temps où le calvinifme trop perfécuté peut-être, agitoit par fes dernières fecouffes les provinces méridionales de la France (3). Chargé, dans ces provinces, du dépôt de l'autorité, le père du jeune DAGUESSEAU rempliffoit ce dangereux honneur avec la fidélité d'un fujet & l'humanité d'un citoyen. Au milieu de ces fonctions orageufes il inftruifoit fon fils (4). Il lui donnoit des leçons de courage en réprimant un peuple rebelle, de générofité en prodiguant fes biens pour les malheureux, d'humanité en épargnant le fang des hommes. Ainsi, parmi le fanatifme & la révolte, fe formoir cette ame noble & vertueufe,

femblable à ces plantes falutaires, qui croiffent & s'élèvent au milieu des poifons qui les environnent.

Il est des grands Hommes qui ne le font que par les vertus: DAGUESSEAU étoit destiné à l'être encore par les talens. Démosthène & Tacite, Platon & Defcartes achèvent fon éducation commencée par fon père. Bientôt il fe confacre à la défenfe de la juftice. L'entrée du fénat lui eft ouverte (5). Il y devient l'organe des loix, & l'Orateur de la patrie. Dès ce moment il fe regarde comme une victime honorable, dévouée au bien public. Je crois l'entendre, dans un de ces momens où il méditoit fur fes devoirs, dire à la Patrie ( car il croyoit qu'il y en avoit une) » Je n'ai à t'offrir que » ce que m'a donné la nature, une » vie courte & paffagère; mais j'en dépoferai dans ton fein tous les » inftans. Reçois le ferment que je » fais de ne vivre que pour toi ». Ce

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