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épée, qu'il renonça à tout autre àmufement qu'à l'exercice des armes. Il dédaigna d'abaiffer la hauteur de fon ame à l'étude de ces fciences plus curieufes qu'utiles, qui occupent l'õifiveté de l'enfance: & femblable à ces anciens Romains, il parut d'abord mépriser tous les arts, excepté l'art de vaincre.

La nature, pour le diftinguer en tout, lui avoit donné une force de corps, telle que les fiècles héroïques l'admiroient dans leurs Hercules & leurs Théfées ; avantage trop rare par

mi nous, foit que l'efpèce humaine, altérée dans fa fource, ait dégénéré ; foit que notre luxe, nos mœurs, nos alimens empoisonnés nous énervent & nous amolliffent; foit que cet affoibliffement ait pour principe la négligence & l'oubli des exercices du corps qui étoient fi en honneur chez les anciens.

Avec ces qualités, MAURICE ne

tarda point à jetter les fondemens de fa réputation. Dès l'âge de douze ans, il fignala sa valeur. L'Europe, dans une guerre fanglante, difputoit à la France les dépouilles de la Maifon d'Autriche, & la gloire de donner un Maître à l'Espagne. Eugène & Malborough, fiers de l'honneur d'abaisser un Roi qui avoit été la terreur de l'Europe, tantôt unis, tantôt féparés, fouvent vainqueurs & toujours redoutables, fecondoient par la force de leur génie la jaloufie des Nations, prenoient des Villes, gagnoient des batailles, arrachoient de tous côtés les barrières de la France, & donnoient à leur parti la même fupériorité que les Condé & les Turenne avoient autrefois donnée à LOUIS.

Ce fut fous ces deux Hommes célèbres que MAURICE fit l'apprentisfage de la Guerre (2). Ainfi les deux ennemis les plus terribles de la France donnèrent les premieres leçons de la

victoire, à celui qui devoit un jour en être l'appui ; & les mains qui ébranloient le trône de Louis XIV, guidèrent les premières au combat le Héros qui devoit affermir un jour le trône de LOUIS XV.

Le fentiment intérieur de fes forces fembloit apprendre à MAURICE que les grands Hommes feuls étoient capables de le former. Le créateur de fa Nation, le législateur du Nord, Pierre le Grand, rempliffoit alors l'Europe & l'Afie du bruit de fon hom. Inftruit par fes défaites dans l'art de vaincre, la profondeur & l'application de fon génie l'avoient mis en état de donner des leçons à fes vainqueurs. MAURICE, attiré par la réputation de cet homme rare, vole au fiege de Riga *, pour apprendre à imiter le difciple & le vainqueur de Charles XII.

* en 1719.

Bientôt il eft en état de combattre lui-même les Héros. Le Monarque de la Suède, célèbre par fes victoires, & plus encore par la fingularité de fes vertus, bravant les dangers comme les plaifirs, prodigue de fon fang comme de fes tréfors, fier d'avoir conquis & donné des Etats, terrible dans la profpérité, inflexible dans le malheur, toujours magnanime & au deffus de fa fortune, vaincu & maître d'un Royaume épuifé, mais redoutable encore à quatre Rois puiffans, Charles XII dont le nom feul valoit une armée, étoit forti de fa retraite de Bender; & tout le Nord allarmé fe réunifloit pour accabler ce lion à demi terraffé, avant qu'il eût pu reprendre fes forces. Le jeune Comte de Saxe follicite l'honneur de l'aller combattre (3). Déja il fe fent digne d'un fi grand ennemi. On eût dit qu'à fon approche, il eût reçu un nouveau degré d'activité. L'image

de ce Héros, le fouvenir de fes trophées le poursuivoit par-tout, le réveilloit dans le repos, l'animoit dans les combats. C'étoit à une ame telle que la fienne à connoître & à admirer Charles XII. Il ne peut le voir que fur la brêche, ou dans un champ de bataille; l'ardeur de la mêlée lui apprend où il doit le trouver: il y vole. Il ne vit point autour de lui la pompe & la majefté du trône; mais il y vit la valeur, l'intrépidité, la grandeur d'ame, des Etats conquis, & neuf années de victoires. Ce grand spectacle lui inspira pour le Héros Suédois, une vénéra tion qui le fuivit jufques dans le tombeau.

Paffionné pour la gloire, avide de s'inftruire, par-tout où il peut vaincre, c'eft là fa patrie. Il devient encore une fois le difciple d'Eugène. Ce grand Homme affermiffoit les barrières de l'Empire, contre ce peuple obfcur dans fa fource, mais redoutable dans

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