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peine praticable. On trouva dans le port dixfept grandes barques chargées de provifions, avec cette adresse en gros caractère : à l'invincible garnifon de Berg-op-zoom.

Page 45. (23) Le Maréchal de Saxe mourut à Chambord le 30 novembre 1750, après 9 jours de maladie. Son intention avoit été de n'avoir ni fepulture, ni pompe funèbre. Il avoit demandé que fon corps fut brûlé dans de la chaux vive, afin, ajouta-t-il, qu'il ne reste plus rien de moi dans le monde, que ma mémoire parmi mes amis. Le Roi, trop juíte & trop fenfible pour foufcrite à cette demande, voulut donner à fes fujets l'exemple d'honorer ce grand Homme, même lorfqu'il n'étoit plus. Son corps fat embaumé, & tranfporté avec la plus grande pompe à Strasbourg, pour y être inhumé dans Peglife luthérienne de S. Thomas. On l'avoit fouvent follicité à fe faire Catholique; mais il refufa toujours de changer de religion. Il ne voulut imiter Turenne que dans les combats. C'est ce qui fit dire à la Reine ce mot connu : Ceft dommage qu'on ne puiffe dire un de profundis pour celui qui a fait chanter tant de te Deum!

On prodigua à fa cendre tous ces honneurs funèbres, fi vains, lorfqu'ils ne font accordés qu'aux titres & à la naissance; si respectables,

lorfque c'eft un hommage que la reconnoiffance rend au mérite. Le beau mausolée dont le modèle a déja été admiré au Louvre, & qui doit être exécuté en marbre par le célèbre Pigal, achevera de confacrer la reconnoiffance du Roi, & la gloire du Maréchal.

ANECDOTES

SUR LE MARECHAL

DE SA X E.

ON n'a préfenté dans cet éloge le Maréchal

de Saxe que comme homme de guerre. C'est fous ce point de vue qu'il a mérité notre recon→ noiffance, & qu'il a été grand. Si après avoir vu le héros, on veut connoître l'homme, voici quelques détails que fon nom peut rendre intéreffans.

On fçait qu'il aima beaucoup les plaisirs, & qu'il ne fut pas toujours très-délicat sur le choix. Il avoit plutôt des goûts que des paffions ; & ces goûts le multiplioient, ou changeoient fouvent. Sa morale sur cet objet ressembloit assez à celle des anciens héros dont il avoit la force. Son caractère fier & libre ne lui permettoit guère de s'affujettir à plaire ; & il aimoit mieux commander l'amour que le mériter. Cependant au milieu de tous ces goûts, qu'on ne peut pas même trop honorer du nom d'attachemens, il ne perdit jamais de vue sa profession. Partout où il alloit, il avoit une bibliothèque de guerre, & dans les momens même où il fem

bloit le plus occupé des plaifirs, il ne manquoit jamais de fe retirer pour étudier au moins deux ou trois heures. Ce contrafte d'une grande idée qui le fuivoit par-tout, & d'amufemens qui n'étoient pas toujours fort nobles, peut fervir à faire connoître les hommes.

Etant encore jeune, il fut attaché à la célèbre Le Couvreur, & fe plaifoit beaucoup dans fa fo ciété. Follard, Polybe, & fon génie firent fon éducation pour la guerre. Mademoiselle Le Cou vreur la fit pour les chofes agréables. Elle lui fit lire la plupart de nos Poëtes, lui apprit beaucoup de vers, & orna fon efprit de cette littérature légère, qui à la vérité fied mieux à une actrice qu'à un héros, & qui eft plutôt un agrément qu'un mérite. C'étoit Omphale qui paroit Hercule. Heureufement il eut mieux à faire dans la fuite, que de cultiver ce genre d'éducation.

Etant nommé Duc de Curlande, & obligé de combattre la Pologne & la Ruffie, Mademoifelle Le Couvreur mit fes pierreries en gage pour une fomme de quarante mille francs qu'elle lui envoya. L'actrice, capable d'un pareil trait, étoit digne de jouer Cornélie.

Le Maréchal de Saxe à la guerre, fe délassoit prefque tous les jours par les fpectacles, des fatigues du commandement. Quelquefois on

venoit lui rendre compte dans fa loge, des dé marches des enneinis; il donnoit les ordres, & fe remettoit tranquillement à écouter la piece.

On fçait que la veille d'une bataille étant au fpectacle, l'acteur chargé d'annoncer, dit qu'on ne joueroit pas le lendemain à caufe de la bataille, mais annonça la pièce pour le jour d'après, Il falloit une victoire pour que les acfeurs tinffent parole, & ils la tintent. Il faut convenir que cette manière de faire la guerre n'étoit guère celle des Scipions, mais le Maréchal de Saxe avoit pris les mœurs de la nation qu'il commandoit. Il faifoit comme elle, un jeu des combats, & uniffoit aux plaifirs un cou rage profond & calme, comme elle y a joint de tout temps un courage impétueux & brillant.

Tout s'allie chez les hommes. On peut quelquefois aimer les plaifirs & être cruel; le Ma réchal de Saxe étoit humain. Il fçavoit refpec ter le fang des follats & le ménageoit. Un jour un officier général lui montrant un pofte qui pouvoit être utile; « il ne vous coûtera pas,dit. » il, plus de douze Grenadiers. » Palle encore, dit le Maréchal, fi c'étoit douze Lieutenants gé néraux. Sans doute par cette plaifanterie, il ne vouloit point bleifer un corps d'officiers refpec tables, & qui par leurs fervices comme par leur grade font la plupart deftinés à commandes,

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