Imágenes de página
PDF
ePub

ficier digne de le feconder; c'étoit M. de Chévert, alors Lieutenant-Colonel, & depuis Lieutenant-Général. Cet officier fe fervit d'un fergent dont la valeur lui étoit connue. L'inftruction fingulière qu'il lui donna, mérite à jamais d'être confervée. »Tu te rendras, dit il, en tel endroit; » tu appliqueras une échelle contre le mur; tu » monteras : on criera qui vive? Ta né répondras » rien. On te tirera, on te manquera, tu égorge→ras la fentinelle, & je fuis à toi ». Le fergent ne penfa pas même à faire une objection; tout fut exécuté de point en point. Le fergent monta, fut tiré, fut manqué; M. de Chévert le fuivit, & la ville fut prife. C'étoit le 15 novembre, la nuit même du jour où la tranchée avoit été

ouverte.

Page 27:(17) La conquête d'Egra étoit d'autant plus importante, que les ennemis y avoient tous leurs magasins. Cette ville étoit fi forte, que le Prince Charles crut qu'il n'étoit pas néceffaire d'y jetter du fecours. Elle fut inveftie par le Comte de Saxe le 2 avril 1742. Unegarnifon nombreufe, un chef habile, l'abondance de tout ce qui fait le nerf & le reffort de la guerre, toutes les reffources de cet art ingénieux & favant inventé les modernes par pour dre les places, ne purent empêcher qu'elle ne fût prife après quelques jours de tranchée ou

défen

verte. Cette conquête fit beaucoup de bruit dans l'Europe, & caufa la plus grande joie à l'Empereur Charles VII, qui écrivit de la propre main au Comte de Saxe pour l'en féliciter,

Page 33. (18) Dans l'hiver de f745 il fe conclut un traité d'union' à Varfovie, entre la Reine de Hongrie, le Roi d'Angleterre, l'Electeur de Saxe & la Hollande. L'Ambaffadeur des états généraux ayant rencontré le Maréchal de Saxe dans la gallerie de Verfailles, lui demanda ce qu'il penfoit de ce traité. Cela eft fort indifférent à la France, reprit le Maréchal; mais fi le Roi mon maître veut me donner carte-blanche, j'en irai lire l'original à la Haye, avant que l'année foit paffée.

Page 34 (19) Lorfque la bataille de Fontenoy fe livra, le Maréchal de Saxe étoit prefque mourant. Il fe faifoit traîner dans une voiture d'ofier pour vifiter tous les poftes. Pendant l'action il monta à cheval; mais fon extrême foibleffe faifoit craindre qu'il n'expirât à tout moment. C'est ce qui fit dire au Roi de Pruffe dans une lettre qu'il lui écrivit long-tems après, qu'agitant, il y a quelques jours, la queftion » de favoir quelle étoit la bataille de ce fiècle

[ocr errors]
[ocr errors]

qui avoit fait le plus d'honneur au Général, » les uns avoient propofé celle d'Almanza, & les autres celle de Turin; mais qu'enfin tout

» le monde étoit tombé d'accord que c'étoit » fans contredit celle dont le Général étoit à la » mort lorfqu'elle se donna ».

Page 36. (20) Cette fameufe colonne dont on a fait honneur au génie de nos ennemis, fut prefque l'ouvrage du hafard. L'infanterie angloife étoit d'abord rangée fur deux lignes; & fes flancs expofés au feu de notre artillerie fouffroient beaucoup. Ce fut ce qui obligea cette infanterie à fe refferrer pour présenter un front moins large, & à former ce bataillon quarré qui fit tant de progrès & de ravages, & qui donna pendant une heure entière la victoire à nos ennemis. Le Maréchal de Saxe, pour l'enfoncer, le fit attaquer en même temps de front & par les flancs. Ces trois attaques concertées enfemble, & exécutées avec la plus grande intrépidité, arrachèrent enfin la victoire aux Anglois.

Page 40. (21) Au mois d'avril 1746, le Roi donna au Maréchal de Saxe des lettres de naturalité. Elles font conçues dans les termes les plus honorables & les plus flatteurs. Après la bataille de Raucoux, il lui fit préfent de fix pièces de canon qui faifoient partie de l'artillerie prife fur les ennemis; honneur rare, & qui de la part d'un Roi eft la marque de la plus grande confiance, Il lui avoit déja donné le

château de Chambord, pour en jouir durant sa vie comme d'un bien propre. Le mariage de M. le Dauphin avec la Princeffe Royale de Saxe, mit le comble à la confidération dont jouiffoit le Maréchal. En 1747, il fut créé Maréchal Général de toutes les armées du Roi. Les provifions font datées du 12 janvier. Enfin, au mois de janvier 1748, le Roi le nomma Com→ mandant Général de tous les Pays-Bas nouvellement conquis. Je suis entré dans tous ces détails, parce qu'ils font autant d'honneur au Souverain qui récompenfe, qu'au sujet qui mérite de l'être.

La nation imitoit fon Roi dans la reconnoiffance qu'elle témoignoit au Maréchal de Saxe ; & là-deffus elle n'avoit pas besoin d'exemple. Aucune nation peut-être n'eft auffi fenfible à la gloire militaire que les François. A ce fentiment fe joignoit encore dans la capitale cette vivacité ardente, qui fait que tous les fentimens fe communiquent avec rapidité, qui fait qu'on admire, qu'on exagère, qu'on y a tous les jours besoin d'être étonné de quelque chofe, & fur-tout que chacun répéte fidélement ce qu'il a entendu, éloge ou fatire, n'importe. Chez un tel peuple, un Général qui a de grands fuccès ne peut manquer d'être célébré. Le Maréchal de Saxe étoit donc l'objet de toutes les converfations. Lorf

qu'au retour de fes campagnes il paroiffoit au fpectacle, il étoit sûr d'attirer tous les regards. On l'applaudiffoit avec transport. On fçait qu'au théâtre de l'opéra, une actrice qui représentoit la Gloire, après avoir chanté quelques vers de fon rôle, lui préfenta une couronne de laurier qu'elle avoit à la main. La même chose étoit arrivée au Maréchal de Villars. Ainfi, ces deux Généraux reçurent à Paris, de la main d'une actrice, le même honneur que les Scipions & les Pompées recevoient autrefois au capitole, du peuple & du fénat romain.

Page 43. (22) Berg-op-zoom avoit été afsiégée deux fois; l'une par le Prince de Parme en 1588, l'autre par Spinola en 1622; & ces deux Généraux avoient vu leurs efforts échouer devant cette place. La conquête en étoit plus difficile encore, depuis les ouvrages immenfes que le célèbre Cohorn avoit ajoutés aux anciennes fortifications. Les inondations des marais, l'abondance de toutes fortes de provifions, trois cents pièces d'artillerie, une garnifon nombreufe, une armée redoutable qui étoit aux Portes de la ville; tout confpiroit à faire croire à l'Europe qu'une telle entreprise ne pouvoit ruflir. M. de Low endalh vainquit tous les obftacles; & la ville fut prife l'épée à la main le I septembre 1747, lorfque la brèché étoit à

« AnteriorContinuar »