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auprès du Duc de Bouillon pour le raffermir dans le devoir, & obferver les complots qui fe formoient à Sédan. En 1595 il va à Rouen diffiper les brigues du Duc de Montpenfier. En 1597 il eft chargé d'écrire aux chefs des Proteftans, qui pendant le fiège d'Amiens cherchoient à inquiéter le Roi, pour en arracher de nouveaux privilèges. En 1598 il va dans la Bretagne qui n'étoit pas encore bien remife des troubles de la guerre ; & tient les Etats à Rennes, pour hâter la levée des fommes qu'on avoit promifes. En 1603 il fait un voyage en Poitou, y diffipe les factions, & ramène au Roi -le cœur des Proteftans. En 1606 il fait échouer les deffeins des Calviniftes qui demandoient un fynode national: il concilie à la Rochelle le Clergé & les Proteftans divifés. Enfin en 1614 il travaille par ordre de la Régente, à prévenir ou appaifer les troubles excités par les Princes & les Grands du Royaume. On lui doit cette juftice, que fes talens ne fervirent jamais qu'au bien de l'Etat. Sa politique n'eut rien d'artificieux; elle fut adroite fans être fauffe, & vertueufe fans être rigide : c'étoit la politique d'un honnête homme qui dit toujours la vérité, & qui eft affez eftimé pour la faire croire.

Idem. (23) La principale de ces affemblées du Corps Proteftant fut celle de Chatelleraut en

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1605. Sully fut nommé par le Roi pour y préfider. Jamais fon maître ne lui donna une plus grande marque de confiance; & fi l'on fait at tention qu'il étoit Proteftant, on verra que jamais il ne fe trouva dans une circonftance plus délicate. Le plan de conduite qu'il fe traça à lui-même, fut de ne trahir ni fa religion, ni fon Prince, & de remplir en même temps les devoirs de Proteftant zélé & de fujet fidèle. Il marcha toujours entre ces deux lignes, fans s'en écarter. Auffi dans toute cette affemblée il joua le rôle d'un fage; au lieu que Mornay, avec fon zèle aveugle & impétueux, ne parut "qu'un enthousiaste qui veut armer des fanatiques. Sully préfida encore deux fois à de pareilles affemblées; l'une à la Rochelle en 1607; & l'autre à Gergeau en 1608: & dans toutes les deux il ne fut pas moins utile à l'Etat & au Roi.

Page 305. (24) Sully en 1586 traite avec les Suiffes, & en obtient une promeffe de vingt mille hommes pour fon maître. En 1599 il négocie le mariage du Roi avec Marie de Médicis. En 1600 il conclut un traité avec le Cardinal Aldobrandin, Légat du Pape & Médiateur pour le Duc de Savoie. En 1604 il termine en faveur du Roi une contestation avec le Pape sur la propriété du pont d'Avignon. Mais c'eft fur-cont

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dans fon ambaffade en Angleterre qu'il développa des talens fupérieurs. Dès l'an 1601, Henri IV l'avoit envoyé à Douvres, où il avoit eu un fecret entretien avec Elizabeth fur les moyens d'abaiffer la Maifon d'Autriche. Cette Reine Proteftante, ennemie implacable d'une Puiffance qui avoit voulu la détrôner, occupée déja des grandes idées de l'équilibre de l'Europe, étoit par estime, par admiration & par intérêt, l'alliée & l'amie de Henri IV; & tous deux n'attendoient que le moment d'exécuter leurs vaftes deffeins: mais elle mourut en 1603. Henri IV fentit combien la mort de cette Reine pouvoit influer fur les affaires de l'Europe. Il craignit avec raifon que le nouveau Roi d'Angleterre ne fût pas auffi difpofé qu'elle à entrer dans fes vues. Il lui envoya donc Sully avec la qualité d'Ambassadeur extraordinaire, pour le fixer dans fon parti, & armer l'Angleterre contre l'Autriche. Il faut lire dans les Mémoires même tous les détails de cette négociation. On y trouvera la profondeur d'un politique, l'éloquence d'un homme d'Etat, cette activité d'efprit qui donne prefque toujours les fuccès, ce coup d'œil qui démêle les objets, même au milieu du trouble, & qui fait le grand Négociateur, comme le grand Général. On y remarquera fur-tout cet afcendant qu'un homme de Tome III.

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génie fçait prendre fur les caractères foibles, & fur les ames à petites paffions.

Page 318. (25). François d'O, Surintendant des Finances fous Henri III & aù commencement du regne de Henri IV, avoit tout ce qui auroit dû lui donner l'exclufion de cette charge. Il étoit diffipateur, indolent, paffionné pour le jeu, tout occupé de fes plaisirs, mettant une vaine grandeur dans des prodigalités infensées, ne fe refufant rien, tandis que le Roi manquoit de tout. Voilà l'homme qui gouvernoit les Finances. Il mourut en 1594 avec plus de quatre millions de biens, laiffant l'Etat endetté de huit cent dix millions de notre monnoye actuelle. A fa mort, la charge de Surintendant fut fupprimée; & le Roi créa un Confeil de Finances compofé de huit perfonnes. Sully n'approuva point cette forme d'administration, parce qu'il eft bien plus difficile de trouver huit hommes vertueux, que d'en trouver un feul. Sa façon de penfer ne fut que trop juftifiée. Les huit Confeillers ne furent que huit concuffionnaires à brevet. Les diffipations & les vols continuèrent avec plus de fureur qu'auparavant. Le Roi, dans la guerre contre l'Efpagne, ayant befoin de huit cent mille écus pour faire le fiège d'Arras, les leur demanda, comme l'homme qui a besoin de pain en demande à un citoyen

iche; il ne put jamais les obtenir. Jefuis, écrivoit ce bon Prince à Sully, fort proche des ennemis & n'ai quafi pas un cheval fur lequel je

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puisse combattre; mes chemifes font toutes déchirées, mes pourpoints troués au coude; & depuis deux jours je dine chez les uns & les autres parce que mes Pourvoyeurs n'ont plus moyen de rien fournir pour ma table. Cependant les huit Confeillers des Finances tenoient à Paris d'excellentes tables, & leur luxe infultoit à la mifère publique. Il n'eft pas inutile de répéter de pareils faits, pour qu'on fache jufqu'où peut aller l'audace de la déprédation dans un Etat mal gouverné depuis longtems.

Pag. 321. (26). La première opération de Sully fut de fe transporter en 1596 dans les principales Généralités du Royaume, & d'envoyer dans les autres des hommes de confiance pour en connoître les forces & les revenus. Eu 1598 il fit un fecond voyage. Son attention s'étendoit à tout: il examinoit le climat de chaque Province, les différentes efpèces de terre, de culture, de production, les non-valeurs réelles ou fuppofées, leurs caufes ou paffagères ou conftantes, la proportion entre les frais & le revenu, la qualité & le prix commun des denrées, la facilité des confommations, le nombre des habitans, leur caractère, la valeur de cha

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