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❞ voyez pas tous, lui dit Henri IV avec la » même gaieté ; car vous n'y comptez pas Dieu » & le bon droit qui m'assistent ». Le pofte de Rofni étoit au bas d'une chauffée, dont il falloit empêcher le paffage. Mayenne y porta fes plus grands efforts. Rofni à la tête de deux cents chevaux, en attaqua d'abord neuf cents des ennemis, & les fit reculer. Il fut enfuite repouffé par quatre nouveaux efcadrons qui vinrent fe joindre aux premiers. Soutenu par quelques fecours, il les fait reculer une feconde fois. Enfin il eut à foutenir avec fa petite troupe jufqu'à trois mille chevaux. C'est au fortir de cette bataille que Henri IV écrivit à Crillon cette fameufe lettre : « Pends-toi, brave » Crillon, nous avons combattu à Arques, & » tu n'y étois pas ». Il disoit aussi avant cette journée, qu'il étoit Roi fans royaume, mari fans fenime, & guerrier fans argent,

Page 289. (11) Bataille d'Ivri le 14 Mars 1590. Henri IV, fur le point de la livrer, écrit à Rofni de le venir joindre promptement. Celui-ci, malgré toute fa diligence, ne put arriver qu'une heure & demie avant le combat. Le Roi voulut lui montrer la difpofition des deux armées. « Suivez-moi, lui dit-il, afin que vous puiffiez apprendre votre métier ». Pendant la bataille, Rofni qui combattoit à côté du Roi,

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eut deux chevaux tués fous lui, & reçut luimême fept bleffures. Il tomba dans fon fang, & demeura évanoui. Revenu à lui long-temps après, il fe trouva feul fur le champ de bataille, environné de morts, désarmé & fans domeftiques. Il croyoit la bataille perdue, lorfque quatre des ennemis venant à lui, de prièrent de les recevoir pour les prifonniers, & de leur fauver la vie. Ce fut ainfi qu'il apprit la victoire de Henri IV. Il fe fit aufli- tôt tranfporter à Rofni, pour s'y faire guérir de fes bleffures. Le Roi y étoit alors. Ce fur un fpectacle affez fingulier, de voir Sully couché fur un brancard fait à la hâte de branches d'arbres, environné de ses domestiques qui portoient en ariomphe les débris de fes pistolers & les tronçons de fes épées, accompagné de prisonniers, de drapeaux ennemis & de trophées d'armes, fuivi de fes foldats, qui tous étoient décorés des marques honorables de leurs bleffures, arriver à Rofni dans cette pompe militaire. Du plus loin que Henri IV le reconnut, il alla au devant de lui, & lui parlant plus en ami qu'en Roi, lui témoigna les inquiétudes les plus obligeantes fur fa fanté. Rofni le remercia, & lui dit qu'il s'eftimoit d'avoir fouffert pour un fi bon maître. Alors Henri lui répondit: brave foldat & vaillant Chevalier, j'avois toujours eu ares

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bonne opinion de votre courage, & conçu de bon. nes efpérances de votre vertu : mais vos actions fignalées & votre réponse modefte ont furpaffé mon attente.... & partant, en préfence de ces Princes, Capitaines & grands Chevaliers qui font ici près de moi, vous veux-je embraffer des deux bras. Alors il fe jetta à fon cou, & le ferra tendrement. Il lui dit encore beaucoup de chofes pleines d'une fenfibilité touchante; & en se féparant de lui,. adieu, mon ami, lui dit-il, portez-vous bien, & foyez sûr que vous avez un

bon maître.

Page 290. (12) En 1591, Rofni prend Gifors par le moyen d'une intelligence. Pendant le fiège de Chartres, il fut prefque affaffiné au fortir d'un bois, par une troupe de cavaliers qui tirèrent fur lui à bout portant. N'étant pas encore remis de fes bleffures, il forme un projet pour attirer Mayenne dans la ville de Mantes Le Chef des Ligueurs, s'avançoit déja, croyant avoir des intelligences sûres dans la place. Rofni qui avoit tout préparé pour le bien rece voir, voulut en informer le Roi. Ce Prince, impatient de se trouver par- tout où il y avoit des périls & des combats, accourt auffi-tôt dans la ville, fuivi de quarante hommes. Rofni l'apprend, court au devant de lui, & d'un air fort ému: « Pardieu, Sire, lui dit-il, vous avez fait

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» là une belle levée de boucliers, qui infailli

blement empêchera le fervice que nous vou» lions vous rendre. Hé quoi! n'avez-vous pas » acquis affez de gloire & d'honneur en tant de » combats & de batailles, où vous vous êtes » trouvé plus que mille autres du ce royaume, » fans vouloir faire ainfi le carabin »? La colère de Rofni étoit affez bien fondée. En effet, on fçut l'arrivée du Roi, & les ennemis fe reti

rèrent.

Page 291 (13) Siège de Rouen en 1591 & 1592. Rofni & le Maréchal de Biron y furent d'un avis oppofé fur le lieu où il falloit commencer l'attaque. Biron vouloit qu'on attaquât d'abord le château; Rofni qu'on s'attachât au corps de la place, felon cette maxime qu'il citoit fouvent, ville prife, château rendu. Cependant l'avis du Maréchal l'emporta. Rofni ne réuffit pas mieux à obtenir un poste dans l'are tillerie. Il le brigua avec toute la chaleur d'un homme qui veut être utile. Mais apparemment on craignoit déja fes talens, & l'on eut l'adreffe de lui donner l'exclufion. Il accompa ghoit du moins Henri IV dans tous les périls, A l'attaque d'une tranchée, pendant une nuit très-froide du mois de Décembre, il fut renverfé deux fois, & eut fes armes détachées & mifes en piéces. Henri toujours impétueux s'é, toit exposé dans cette action, jufqu'à faire dé,

fefpérer de fa vie. Le lendemain Rofni lui porta la plainte commune de toute l'armée. Le Roi l'interrompit par ces paroles: « Mon ami, je ne

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puis faire autrement; car puifque c'est pour » ma gloire & pour ma couronne que je com» bats, ma vie & toutes chofes ne me doivent » rien sembler au prix ».

Idem. (14) Alexandre Farnèfe, Duc de Parme, un des plus grands hommes de guerre que l'Europe ait produits, fervoit par fon génie la politique ambitieuse de Philippe II. Il combattoit dans les Pays-Bas, des peuples qu'il regardoit comme rebelles; & il venoit foutenir des révoltés en France. Ces fortes de contradictions font affez ordinaires dans la conduite des hommes. Henri IV, qui affiégeoit alors la ville de Rouen, laissa la conduite du fiège au Maréchal de Biron ; & avec un très-petit nombre de troupes alla chercher le Duc de Parme. Il prit feulement la précaution d'ordonner à treute hommes qu'il défigna, de ne point abandonner les côtés en quelque occafion que ce pût être. On le doute bien que Rofni partagea la fayeur de cet emploi auffi honorable que dangereux. Henri IV ayant joint l'armée ennemie proche le côteau d'Aumale, ofa marcher au devant d'elle avec cent chevaux feulement. Tous les chefs furent confternés du péril où il alloit s'ex

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