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fiège de Villefranche en Périgord, montant à l'affaut avec for drapeau, il eft renversé par le choc des piques & des hallebardes, dans un foffé profond où il penfa périr. Au fiège de Marmande, commandant un corps d'Arquebufiers, il est sur le point d'être accablé par un nombre fupérieur. Le Roi de Navarre couvert d'une fimple cuiraffe, vole à fon fecours, & lui donne le temps de s'emparer du poste qu'il attaquoit.

Page 284. (5) Les économies du jeune Rofni, jointes aux profits militaires qu'il avoit faits dans cette campagne, le mirent en état d'entretenir à fa folde plufieurs Gentilshommes, avec lesquels il ne s'attacha plus qu'à la perfonne du Roi. Quoiqu'il n'eût encore que seize ans, il mit un ordre fi réglé dans fon domeftique, qu'il vint à bout de foutenir un état qui paroiffoit au deffus de fa fortune. Le Roi de Navarre le remarqua, & conçut dès ce moment pour lui une très-grande estime. Il n'appartient à tout le monde de deviner les grands caractères par les petites choses. C'est ce que fit alors le Roi de Navarre. Peut être dans ce jeune officier, il vit déja le Ministre & le Suriatendant des finances.

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Idem. (6) Le Roi ayant furpris Eause, ville d'Armagnac, y entra à la tête de quinze ou feize

hommes qui le fuivoient de plus près. Comme on abattit fur le champ la herfe du pont, le refte de fon armée ne put le fuivre, & demeura hors de la ville. Auffi-tôt les habitans fonnèrent le tocfin, & vinrent attaquer cette petite troupe. On entendit plufieurs voix qui crioient : « tirez à cette jupe écarlate & à

ce panache blanc, c'est le Roi de Navarre » Ce Prince fondit, le pistolet à la main, fur plufieurs pelotons, & les diffipa: mais le nombre des ennemis augmenta, & le danger devint extrême. Le Roi adoffé contre le portail d'une églife, combattit affez long-temps, pour que fon armée eût le temps d'enfoncer les portes, & de venir à fon fecours. Rofui dans ce péril, partagea l'honneur de défendre fon maître, de le conferver à la France

Ibid. (7) Devant Mirande, Rofii & le jeune Béthune fon coufin, fe virent enveloppés d'ennemis. Ils combattirent long-temps fans autre efpérance que celle de venger leur mort: déjæ ils ne pouvoient plus. foutenir leurs armes, Forfque le Roi de Navarre envoya à leur seCours. Devant Nérac, ce Prince repouffa prefque feul un gros de cavalerie qui s'étoit avancé pour le furprendre. Rofni, à fon exemple, alla le même jour avec douze ou quinze hommes, faire le coup de piftolet jufqu'à la portée de

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Farmée Catholique. Le Roi qui le remarqua, dit à Béthune : « allez à votre coufin le Baron » de Rofni; il eft étourdi comme un hanneton; >> retirez-le delà & les autres auffi, car ils fe

ront tous pris ou tués ». Rofni obéit, & le Roi qui vit fon cheval bleffé à l'épaule, lui reprocha fa témérité avec la colère de l'amitié.

Page 285. (8) Siège de Cahors en 1580. II fut tel qu'on le peint ici ; & l'on n'a rien exagéré. Rofni y fut renversé d'une groffe pierre qui avoit été lancée d'une fenêtre. Peu de temps après, il fut bleffé à la cuiffe gauche. Le combat dans l'intérieur de la ville dura cinq jours & cinq nuits entières, pendant lefquelles perfonne n'ofa quitter fes armes pour un feul inftant. Les foldats de Henri IV tout couverts de fang, pouvoient à peine fe foutenir. A la fatigue, à l'épuisement, au poids des armes, à l'exceffive chaleur, fe joignoient encore les bleffures, qui achevoient de leur ôter ce qu'il leur reftoit de forces. Sur ces entrefaites, le bruit fe répandit que les habitans, qui étoient infiniment supérieurs en nombre, venoient de recevoir de nouveaux fecours. Les principaux officiers s'affemblent autour du Roi, & le conjurent de fe retirer. Ce Prince, quoique blessé en plufieurs endroits, fe tourne vers eux avec ma vifage riant, & leur dit d'un ton d'affurance:

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» Il est écrit là-haut ce qui doit être fait de » moi en cette occafion. Souvenez-vous que > ma retraite hors cette ville, fans l'avoir affu · »rée au parti, fera la retraite de ma vie hors » de ce corps ; il y va trop de mon honneur: » ainfi, qu'on ne me parle plus que de com» battre, de vaincre ou de mourir ».

Page 287. (9) En 1580, Rofni devant Marmande eut un cheval tué fous lui. Enfermé dans Nérac avec le Roi, il y fit plufieurs excès de valeur. Un jour on vint dire au Roi que Rofni étoit pris & bleffé. Auffi-tôt, malgré fa colère, il envoie des troupes pour le dégager, & il lui défend de fortir de la ville fans fon ordre. Peu de temps après, s'étant rendu maître de Montfégur, il charge Rofni de mettre cette place en état de défenfe. En 1586, Rofni eft employé avec honneur dans différens fièges. A celui de : Fontenai - le Comte en Poitou, il conduifoit l'artillerie. En 1587, avec fix chevaux feulement, il défait & emmène prifonniers quarante hommes. A la bataille de Coutras, il contribue à la victoire, en faifant fervir à propos l'artillerie, qui ne confiftoit qu'en trois canons; car en ce temps-là, avec très-peu de forces on faifoit de grandes chofes. En 1589, il met la ville de Tours en état de défenfe contre le Duc de Mayenne, qui vint y affièger Henri III. A

combat de Foffeuse, journée très - fanglante & très-meurtrière, il marcha lui-même cinq fois à la charge, eut fon cheval renversé fous lui d'un coup de lance, & deux épées caffées entre fes mains. Enfin au premier fiège de Paris, ilfe vit plufieurs fois environné de la mort. Mais le Roi de Navarre veilloit toujours à le retirer des dangers où le précipitoit fon courage. Il me femble qu'on remarque dans la plupart des actions de ce temps-là, un caractère extraordinaire, foit que ce fût l'ame de Henri IV qui répandît cet efprit dans fon armée, foit que ce fût un refte de l'antique Chevalerie, qui confervée dans ces temps de fanatifme & de trouble, mêloit je ne fçais quoi de fier & de grand à l'atrocité naturelle des guerres de religion.

Page 288. (10) Bataille d'Arques le 20 Septembre 1589. Le Duc de Mayenne avoit trente mille hommes, & le Roi n'en avoit que trois mille: mais il crut qu'il falloit faire quelque coup d'éclat pour relever la foibleffe de fon parti. Jamais il ne parut fi ferein, ni fi tranquille. Quelques momens avant le combat, on lui amena un prifonnier de diftinction. Le Roi alla à fa rencontre, & l'embraffa en fouriant. Celui-ci qui cherchoit par-tout des yeux une armée, témoignoit au Roi fa furprise de voir fi peu de foldats autour de lui. «Vous ne les

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