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nemis de l'Etat, dévoués à l'oppreffion & à la tyrannie? Malheur aux ames étroites & cruelles, qui ofent penfer qu'il eft de la politique que le payfan foit miférable; comme fi des payfans n'étoient pas des citoyens ; comme s'ils n'étoient pas nos bienfaiteurs; comme fi le découragement & le défespoir excitoient plus au travail que l'aifance & la Eberté! Telles étoient cependant les maximes que SULLY avoit tous les jours à combattre dans le Confeil. On le vit s'élever de même contre une autre espèce d'impôt établi for toutes les denrées, parce que cet impôt n'étoit qu'une nouvelle furcharge fur les terres. On le vit déployer toute fon indignation contre la gabelle ( 32 ), efpèce de monftre qui a droit de ravager certaines provinces, qui force des hommes pauvres à acheter du fel quand ils manquent de pain, ne marche qu'au bruit des chaînes, empoi

fonne l'air qu'il refpire, & flétrit l'agriculture par-tout où il imprime ses pas. «SIRE, difoit SULLY, à HENRI >> IV, vous avez extirpé du fein de vos » Etats la guerre civile, mais vos fu

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jets ne font point encore en paix ; » des armées de pirates affiègent leurs » maifons; délivrez-les enfin de leurs » véritables ennemis, & faites ceffer » des fléaux plus meurtriers pour la France, que les batailles de SaintDenis, de Jarnac, de Moncontour » & de Coutras ». Je ne m'arrêterai pas fur les corvées qui raviffent au laboureur, non plus fon argent, mais fes bras, & qui pour épargner à l'Etat le falaire de quelques ouvriers, lui coûtent par le dépériffement de l'agriculture une partie de fes revenus. Je ne m'arrêterai point fur la manière de lever l'impôt, plus onéreuse au peuple que l'impôt même (33). Partout le mal s'eft gliffé avec le bien. Par-tout l'abus eft né de la loi.

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Rois, Princes, Miniftres, écoutez tous le grand principe de S ULLY. L'agriculture eft la bafe de la puiffance. C'est l'agriculture qui crée & qui entretient les flottes; c'eft elle qui enfante les armées ; c'eft dans les champs couverts d'épis que germe la victoire. Athènes & Rome defiroient des guerriers & des fçavans. SULLY, pour faire fleurir la France, ne vouloit que des laboureurs & des pâtres (34). Il encourage tous ces hommes utiles; il propofe des récompenfes à ceux qui remettront en valeur des terrains incultes; il va par - tout chercher des bras pour fertilifer les terres. Sa voix appelloit dans la France les huit cent mille Maures que la fuperftition chaffoit alors de l'Espagne. Par un réglement fage, il garantit les gens de la campagne de l'oppreffion des gens de guerre. «Soldats & labou

» reurs, leur dit - il, d'où naiffent ces ≫ divifions? Ceux qui défendent la Pa

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trie, doivent-ils s'armer contre ceux qui la nourriffent»? Il défend les cultivateurs contre une espèce d'ennemis encore plus redoutables, contre ceux qui venoient au nom de la loi, leur enlever au milieu d'un fillon, les bœufs, compagnons de leur travail, & jufqu'aux inftrumens du labourage. Tout change; l'agriculture renaît ; les campagnes deviennent fécondes; la joie & la férénité reparoiffent fous les toits du laboureur. O jours de notre profpérité! Alors la France, avec un tiers de plus d'habitans, nourriffoit encore une partie de l'Europe; alors nos bleds inondoient l'Angleterre, qui fe voyoit forcée de payer un tribut à nos campagnes. On ne fçauroit trop répéter, fur-tout aujourd'hui, que cette abondance fut l'heureux effet de la liberté des grains ( 35 ). Ce n'eft pas que dès ce temps -là même, il n'y eût de ces hommes, qui, chargés d'une petite partie de l'adminis

tration, mais incapables de voir & d'embraffer le tableau général, faififfent avidement l'occafion de décider d'une matière d'Etat ; & pour l'intérêt de quelques bourgades, font le malheur d'un royaume entier. Ces hommes osèrent défendre la fortie des bleds de leurs provinces; SULLY déploya fur eux cette autorité qui eft toujours bienfaifante, quand elle n'est févère que pour être utile. «Si chaque officier, écrivoit-il au Roi, en faifoit » autant, votre peuple feroit bientôt » fans argent, & par conféquent vo»tre Majefté ». Paroles qui doivent inftruire tous les gouvernemens & tous les Princes!

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La liberté eft l'ame du commerce; il parcourt le monde, fuyant les lieux de l'oppreffion. SULLY l'appelle & tâche de le fixer en France. Le commerce intérieur étoit chargé d'une foule de droits, que les Grands avoient arrachés à une autorité foible ou peu

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