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pour lui apporter des drapeaux en!evés aux ennemis. Il fe réveille; il jette un œil ftupide & calme fur ces drapeaux teints du fang de vingt mille de fes Janiffaires ou de fes Spahis. Il demande le nombre des meurtres, ordonne que l'on continue, & fe rendort. Bien loin de cette molleffe afiatique, prefque tous les Monarques François, depuis trois fiecles * fe font toujours montrés à la tête de leurs armées. Louis fuit l'exemple de fes ancêtres; il marche., & le génie de MAURICE le feconde. Tandis que l'un, par fes conquêtes, faifoit reconnoître en Flandres l'arrière-petit fils de LOUIS XIV ** l'autre par une inaction fçavante & mefurée, contenoit l'ennemi au delà de

Charles VIII, Louis XII, François I, Henri II, Henri III, Henri IV, Louis XIII, Louis XIV & Louis XV.

**Prife d'Ipres, de Furnes & de Menin, par

Louis XV.

Escaut, couvroit le fiége des villes & oppofoit aux alliés un rempart impénétrable.

Ces fuccès font troublés par des revers. Le Rhin n'eft plus défendu par MAURICE, & les ennemis ont paffé ce fleuve. LOUIS vole en Alface. Un coup plus terrible menace l'Etat : LOUIS eft prêt à expirer. D'un bout du Royaume à l'autre ce n'eft que douleur & gémiffemens. Je crois voir une famille pleurer autour du lit funèbre de fon pere, tandis que des ennemis ardens viennent arracher les dépouilles de ces enfans malheureux. Les Alliés s'avancent en Flandres ; ils ont une armée formidable; & nous n'avons à leur oppofer que des troupes affoiblies & inférieures en nombre. Le défespoir eft au dedans, la crainte au dehors. Quel fera le foutien de la France! C'eft MAURICE: c'eft lui qui, à la tête de quarante mille hommes en arrête foixante & dix mille,

* Ménager les forces de l'Etat, & foutenir fa réputation; couvrir nos conquêtes paffées, & empêcher les ennemis d'en faire aucunes; se tenir près d'eux pour éclairer leur conduite, & fe placer dans des poftes où ils ne peuvent le forcer à combattre; obferver tous leurs projets & leur dérober les fiens; pénétrer par les mouvemens qu'il voit, ceux qui lui font cachés; ne laiffer jamais échapper ni un moment favorable, ni un poste avantageux; joindre la hardieffe à la précaution; agir tantôt par des réflexions profondes, & tantôt par ces coups de lumière qui font comme les infpirations du génie; avoir de la vivacité fans précipitation, & du fang - froid fans lenteur; enfin éviter les batailles qui décident trop rapidement du deftin des Etats, & faire la guerre fans rien donner au hafard; tel eft l'art que

Campagne de Courtrai.

MAURICE déploie dans cette Campagne, où il fit connoître la fupériorité que le génie a fur la force; Campagne égale à celle de Fabius en Italie, & de Turenne en Allemagne, & qui un jour fervira elle-même de leçon à la postérité.

Cependant le nombre de nos ennemis augmente encore (18). Ce peuple actif, commerçant & laborieux, refpeatable par fa liberté, puiffant par fes richeffes, vainqueur de la mer qu'il a fçu affervir par fes flottes & dompter par fes digues, emporté par le tourbillon qui agite l'Europe, s'arme pour fes anciens oppreffeurs, pour les rivaux de fon commerce, contre la nation qui l'avoit autrefois aidé à brifer fes fers, & qui lui offroit alors fon alliance. L'Europe se ligue contre la France; & la France oppofe MAURICE à l'Europe.

Déja il a fçu tromper la vigilance de fes ennemis, Tournai eft investi en

leur présence, & cette place eft prête à fuccomber. L'Angleterre, l'Autriche, Hanovre & la Hollande réuniffent leurs forces pour la défendre. Ils approchent. MAURICE a formé le projet de continuer en même temps un fiége & de livrer une bataille. LOUIS accourt avec fon Fils. Il vient partager avec fes fujets la gloire & le danger de cette fameufe journée *. Champs de Fontenoy, vous allez décider cette grande querelle. C'est dans cet espace qu'eft renfermée la destinée de quatre Empires.

MAURICE eft expirant (19) ; & c'est lui qui eft dépofitaire du fort de la France. On diroit que les loix de l'humanité ne font point faites pour lui, & que fon ame guerrière eft indépendante du corps qu'elle habite. Déja il a mefuré d'un œil rapide toute l'é- tendue du terrein; il a vu tous les

*Bataille de Fontenoy le 11 Mai 1745.

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