Imágenes de página
PDF
ePub

France, pour voir ce qu'il avoit à craindre ou à efpérer. L'Angleterre ébranlée par les caprices tyranniques de Henri VIII, foible fous Edouard VI, inondée de fang fous Marie, floriffante & tranquille fous Elizabeth, jettoit alors les fondemens de fa grandeur, & paroiffoit difpofée à foutenir en France un Roi proteftant. La Hollande combattoit contre fes tyrans, & voyoit dans leur ennemi un allié nécessaire. L'Allemagne avilie fous Rodolphe redoutoit tout des Ottomans, & n'avoit que peu d'influence fur fes voisins. La Suiffe libre & guerrière, avoit befoin par fa pauvreté, de vendre fes citoyens & fon fang. L'Ef pagne agrandie d'un nouveau monde, avoit englouti le Portugal, menaçoit l'Angleterre, & défoloit la France. La Savoie observoit la France embrâfée. Rome avoit lancé fes foudres. La Suède & le Danemarck n'étoient pas encore liés aux affaires du midi. La

Pologne n'étoit qu'un féjour de barbares. La Ruffie n'exiftoit pas. Au dedans du royaume étoit cette ligue protégée par l'Espagne, autorisée par les Papes, & qui combattoit au nom de Dieu contre les Rois. On voyoit d'un côté ce Mayenne, fage dans les confeils, lent dans l'exécution, excellent Chef de Parti, plus habile qu'heureux guerrier; d'Aumale ardent, impétueux, bravant les Rois & la mort; Nemours, affez grand pour que Mayenne en fût jaloux; Mercœur, philofophe au fein de la révolte, & humain dans les guerres civiles; Briffac, efprit romanefque & fingulier, voulant créer l'ancienne Rome fur les débris de la France; le Cardinal de Bourbon, qui par fa foibleffe avoit été forcé de devenir Roi; Guise, redoutable par fon nom feul; d'Epernon qui n'avoit que de l'orgueil, & n'inspira jamais que de la crainte; Villars *, fier

* Brancas-Villars, Amiral.

& emporté, plein de franchife & de valeur; Joyeuse, dévot par caprice, & guerrier par fanatifme; Villeroi honnête homme & homme d'Etat ; enfin ce Préfident Jeannin, trop vertueux pour un rebelle, aimant fon pays, ennemi de l'Espagne, haï des Seize, l'ame du parti malgré le parti même, dont il modéroit la paffion & la fureur. On voyoit de l'autre côté d'Aumont, fujet fidèle & intrépide guerrier; Biron qui avoit commandé en chef dans fept batailles ; fon fils à qui il ne manqua, pour être grand, que d'être toujours vertueux; Givri auffi habile dans les Lettres que dans la guerre; Crillon dont le nom étoit celui de la valeur ; Lefdiguières, de fimple foldat devenu Connétable, dans des temps où tous les hommes par leur propre poids fe mettent à leur place; Montmorency, digne de por ter un fi grand nom; Mornai, le feul peut-être qui ait été extrême dans la

religion, fans être fanatique; Sanci, magistrat, guerrier, négociateur, & miniftre; Harlai, qui eut la gloire de fouffrir pour fon Roi; Bouillon, génie inquiet & ardent, qui joignoit toute l'activité de l'ambition à tout le flegme de la politique; le Comte d'Auvergne, avide de cabales & de plaifirs; le Comte de Soiffons, brave, mais inconftant, peu attaché à fon maître, jaloux de fa gloire, aveugle dans fes defirs, ayant befoin d'être agité, fe tourmentant fans objet. Tels étoient au dedans & au dehors les difpofitions, les talens, les vices ou les vertus de ceux qui combattoient ou fervoient HENRI IV. Pour réunir tant d'intérêts, calmer tant de paffions, c'étoit peu de vaincre, il falloit encore négocier. SULLY, guerrier & politique, fecondoit le Roi par fes talens, comme il le fervoit par fa valeur.

A peine la Ligue commençoit à fe former, HENRI l'avoit envoyé à la

cour de France pour en obferver tous les mouvemens (18). Il avoit vu ce moment avant - coureur des grands troubles, où chacun s'agite, observe, prend des mefures, où les amitiés fe changent en partis, où les haines deviennent factions, où tous les intérêts particuliers pèfent fur l'Etat, où les petits ceffent d'être étonnés du poids de la grandeur fouveraine, & où les Grands commencent à trafiquer de leur foi, & à mettre un prix à leur probité. Il avoit fuivi toutes les révolutions de la cour, & les progrès de fes différens fyftêmes. Il avoit négocié, au péril de fa vie, le traité qui unit ensemble les deux Rois (19). La mort de Valois lui ouvre une carrière plus vafte. Je le vois négocier avec tous les Ligueurs, qui par leur puiffance difpofoient des forces de l'Etat, ou qui par leur nom influoient fur la fidélité des peuples. Villars, maître d'une place importante, lui

« AnteriorContinuar »