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vous-même SULLY avec cette éloquence fimple & guerrière qui vous étoit propre; & SULLY feroit mieux loué qu'il ne pourra l'être par les plus grands Orateurs.

PREMIÈRE PARTIE.

LE moindre des mérites de SULLY, fut d'être d'une naiffance illuftre (1). Il tenoit d'un côté à la Maifon d'Autriche, de l'autre à la Maison de France. C'en étoit affez pour corrompre une ame foible. La fienne ne trouva. dans cet heureux hafard, que des motifs de grandeur. Il y puifa cet orgueil qui s'indigne des baffeffes, & marche à la gloire par la vertu. La fortune lui accorda un nouvel avantage pour devenir grand; car il étoit pauvre. Tandis qu'il étoit élevé à Rofni dans toute l'austérité des mœurs antiques, déja croiffoit dans les montagnes & parmi les rochers du Béarn, cet autre enfant destiné à conquérir

& à gouverner la France (2). Le ciel devoit les unir un jour pour le bonheur de l'Etat: cependant ils étoient encore foibles; & le fang couloit au tour d'eux.Quatre batailles où les François s'égorgèrent, fervirent d'époque à l'enfance de SULLY (3). De plus grands maux fe préparoient encore. Quelle main pourra effacer du fouvenir de la postérité, ce jour qui fut fuivi de vingt-fix ans de carnage; ce jour où le fanatifime changea un peuple doux en un peuple de meurtriers, & où, d'un bout de la France à l'autre, les autels furent inondés de fang! Je te rends grace, ô ciel, de ce que HENRI IV & SULLY ne périrent pas dans cette journée. La mort de ces deux hommes feuls eût été plus funeste à l'Etat, que celle des foixantedix mille citoyens qui furent égorgés. L'éducation de SULLY fut interrompue par ces revers. Il fe vit obligé de renoncer à l'étude des langues

mais l'hiftoire, en lui mettant fous les yeux la vie des grands Hommes, lui fit fentir qu'il étoit né pour les imiter. Les mathématiques accoutu mèrent fon efprit à ces combinaisons juftes & rapides qui forment le guerrier & l'homme d'Etat. Son fiècle même l'inftruifit. Les fureurs religieufes dont il fut le témoin, & prefque la victime, lui infpirèrent l'hor reur du fanatifine. Le ravage des villes & des campagnes réveilla dans fon cœur l'humanité. La faim, la foif, les périls & les travaux formèrent fon courage. Quoi donc? en voyant les mœurs foibles & corrompues de notre fiècle, ferions - nous réduits à envier ces temps des difcordes civiles, où les Etats éprouvent des fecouffes, mais où les ames fe fortifient par les épreuves? SULLY n'eft encore âgé que de feize ans, & déja il commence à fe fignaler. Les premiers talens qu'il montra, furent ceux de la guerre.

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Charles IX étoit mort, Prince féroce & foible, efclave de fa mère teint du fang de fes fujets. Henri III accouroit du fond de la Pologne. Catherine, voluptueufe & cruelle, Reine barbare & femme fuperftitieufe, tenoit les rênes fanglantes de l'Etat. Les Proteftans plus terribles par leurs pertes, couroient venger les meurtres de la Saint Barthelemi. HE NRI avoit brifé fes fers: ce jeune Prince voloit de fa prifon aux combats. Rofni le fuit (4). Impatient de vaincre, il fert fans autre titre que celui de volontaire. Les plaines de Tours furent le premier théâtre de fa valeur. Deja il allarme le cœur fenfible du Roi de Navarre: ce Prince loue fon courage en blâmant fa témérité. Un drapeau lui eft confié: ce devoit être en fes mains l'étendard de la victoire. Il confacre à fon maître le fruit de fes économies, & l'or qui étoit le prix de fon fang. Piufieurs

Gentilshommes à fa folde font ferment de combattre & de mourir avec lui (5). Dès ce moment il ne fut attaché qu'à la feule perfonne du Roi, C'étoit fe dévouer aux périls & s'enchaîner à l'honneur. HENRI feul avec quelques guerriers, eft enfermé dans une ville ennemie, & féparé de fon armée:SULLY combat à fes côtés contre tout un peuple (6) ; & le nouveau Parménion goûta la gloire de fauver auffi fon Alexandre. Les périls renaiffent avec les combats. Ici il eft enveloppé, & ne voit plus que l'honneur de la mort; ailleurs, l'épée à la main, il brave une armée (7. HENRI blâme en vain ces excès de valeur. Ce qu'il éfendoit par fes difcours, il l'autorifoit par fes exemples: & SULLY dans les combats étoit encore plus porté à imiter fon maître, qu'à lui obéir.

La France déchirée & fanglante, parut enfin se repofer. On vit les deux cours paffer en un instant, de la

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